Aujourd’hui débute à Paris la conférence Coworking Europe, qui rassemble les acteurs et experts de cette forme de travail caractéristique des mutations de notre époque. Alors que la mobilité se normalise et que les relations professionnelles s’atomisent, les individus « entrepreneurs d’eux-mêmes » créent de nouvelles communautés de travail.
Le travail mobile invente une nouvelle sociabilité
« Le télétravail, c’est la santé », il facilite notamment la vie professionnelle des parents. Il permet de gagner 45 minutes de sommeil par jour en moyenne, de réduire le stress et le risque d’absentéisme. Cette amélioration du bien-être des salariés, objectif de 85% des politiques de télétravail, entraîne d’importants gains de productivité : +22% en moyenne selon Greenworking.
Les quelques 25% de travailleurs nomades sont à la pointe du changement. Hyperconnectés, ces salariés et indépendants dont l’activité est mobile par essence font évoluer les employeurs : 37% d’entre eux déclarent avoir réussi à convaincre leur manager d’apporter des changements dans l’organisation de l’entreprise, contre 27% seulement des « sédentaires ».
L’activité professionnelle hors du « lieu de travail » traditionnel tend à s’organiser spontanément. Comment accompagner ces nouveaux usages ? Comment les organiser au mieux et éviter un développement chaotique? On voit apparaître des « tiers-lieux », notamment des centres de travail (ou télécentres), et les espaces de coworking se multiplient.
Le tiers-lieu, troisième voie du travail nomade
Le tiers-lieu, c’est une troisième voie, médiane, entre le travail « au bureau » et celui à domicile. Un tiers lieu, c’est une gare, une bibliothèque, une terrasse de café… Alors que le wifi se généralise jusque dans le metro, les gares et les jardins publics, et que la voiture-bureau pourrait devenir un lieu de travail comme les autres, un véritable nomadisme professionnel devient possible. Dans ces espaces en voie d’hybridation, les contraintes spatiotemporelles s’effacent, la mobilité devient intelligente car l’on peut potentiellement exploiter tout moment auparavant « perdu ». L’informalisme qui y règne favoriserait même la concentration.
La mobilité se sédentarise : même les nomades ont besoin d’un ancrage
Même les nomades ont besoin d’un « point de chute », d’un ancrage. Au moment même où elle se normalise, la mobilité se sédentarise et on assiste à une re-localisation du travail dans des télécentres, installés dans les quartiers résidentiels en périphérie des villes ou dans les hubs (carrefours) que sont les gares ou les aéroports, notamment pour faciliter les réunions. Les vertus de ces télécentres :
- gain de temps : moins de temps perdu dans les transports – dans lesquels les Français passent une heure en moyenne – puisque le télécentre se situe plus près du domicile ;
- un lieu propice aux échanges, contrairement au travail à domicile qui, à la longue, peut confiner à l’isolement ;
- un meilleur aménagement du territoire urbain qui contribue à fluidifier la ville.
De l’open space au coworking : la communautarisation du travail ?
Une nouvelle sociabilité du travail se forme à l’ère de l’individu au pouvoir : la multiplication des open spaces et coworkings, lieux de travail ouverts, favorise l’émergence de pratiques communautaires. Ce qui n’est pas toujours sans poser de problèmes : si l’open space se veut un lieu de transparence et de fluidification des échanges dans les entreprises, il peut générer du stress et de la déconcentration – il est même parfois perçu comme la revanche du taylorisme.
S’il prend souvent place dans des lieux ouverts, le coworking, lui, est le lieu d’une communauté choisie : il émane de la libre initiative d’individus, souvent des freelances qui se tiennent à l’écart des structures et hiérarchies verticales. Polymorphe, il est aussi un lieu de brassage des cultures professionnelles, ce qui favorise l’innovation sociale et technologique – comme dans les Fablabs.
Les nouvelles formes de travail appellent une nouvelle culture managériale
Les travailleurs « hyperagiles » inventent les usages professionnels de demain. Comment le management des entreprises « traditionnelles » peut-il accompagner ces transformations?
D’après un benchmark des pratiques de vingt-cinq multinationales françaises, la culture managériale serait le premier frein à un développement efficace et harmonieux du télétravail, » qui suscite le plus d’appréhension en interne. » L’étude préconise l’expérimentation auprès d’un échantillon de collaborateurs et des ajustements progressifs. A l’ère de la mobilité, le management devrait lui aussi se transformer : l’échelon de proximité gagne de l’importance, pour donner des repères, du sens, aux bouleversements organisationnels qui paraissent parfois chaotiques. Confiance et responsabilité deviendraient les maîtres-mots des relations entre le management et les collaborateurs.
>>> Pour aller plus loin
- « Travail mobile : où en est-on ? » – Regards sur le numérique
- « Télécentres, tiers-lieux, coworking spaces… quels lieux pour le travail du futur ? » – Regards sur le numérique
- « L’open space entre convivialité et galère » – Regards sur le numérique
- Infographie : « Mobileman, the mobile elite worker » (vue sur Mashable – étude et infographie par Unisys Corporation)
- Benchmark pour la Société générale : « Etat des lieux et recueil des pratiques de mise en place du télétravail »
>>> Crédits images
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