EUREKA. Alors qu'ils font l’objet de plusieurs mesures de la loi Macron, le CESE recommande la révision de la loi européenne qui encadre leurs contrats. Explications.
Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique n'est pas le seul à s'être penché sur le sujet du travail détaché. Saisi par Manuel Valls, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rédigé 137 pages de recommandations encourageant la révision de la loi européenne, ainsi que l'amélioration du contrôle des contrats de travailleurs détachés.
Les recommandations du CESE
Le CESE dénonce des conditions de travail indignes et la création d'une certaine forme de dumping social au niveau européen. Elle préconise notamment :
- Une meilleure coordination entre les pays membres de l'UE, passant par exemple par la mise en place d'une carte qui permettrait de mieux identifier ces travailleurs en détachement
- L'obligation pour les employeurs de déclarer leurs travailleurs détachés en ligne
- La création d'un site internet sur lequel les entreprises rempliraient un formulaire de déclaration de détachement, à l'image de ce qui se fait en Belgique
- Le renforcement des effectifs régionaux de l'inspection du travail – ce qui rejoint l'une des mesures de la loi Macron – ainsi que du pouvoir des partenaires sociaux, dans le but de mieux garantir les droits des travailleurs détachés
- Des niveaux de salaires dans chaque convention collective, pour les travailleurs détachés en fonction de leurs qualifications et de leurs missions
Du côté de la législation, le CESE souhaite un encadrement plus précis des prestations de services internationales au niveau européen. Une durée maximale de la période de détachement pourraient ainsi être négociée avec les partenaires sociaux. Autre recommandation : pour éviter les montages qui font qu'à l'heure actuelle une société étrangère peut envoyer un salarié et le "détacher" dans son pays de résidence, les employeurs pourraient être tenus de ne détacher que des travailleurs résidant habituellement dans le pays dans lequel eux-mêmes sont installés.
La nouvelle ministre du travail annonce un renforcement de la politique pénale
Lors de la remise du rapport, la nouvelle Ministre du Travail Myriam El Khomri, a réagit en plébiscitant les propositions du CESE sur le plan européen et aussi sur le plan interne où la mise en place d'un site d'information en ligne pour assurer une "information efficace et complète des prestataires et des donneurs d'ordre sur leurs obligations en matière de déclaration et de rémunération des salariés détachés".
Elle a aussi annoncé de nouvelles mesures :
"Je proposerai également dans les prochains jours à la garde des sceaux de travailler, comme votre avis le suggère, à une instruction renforçant notre politique pénale contre l’emploi illégal de travailleurs détachés et je lui proposerai d’avancer ensemble dans ce sens."
"Ces pratiques ne correspondent ni à l’idée que je me fais de notre métier, ni à l’histoire du Groupe que je préside."
Les choses devraient donc bouger dans les prochains mois sur ce sujet dont les politiques ont bien été obligés de s'emparer. En attendant, pour Alain Roumilhac, c'est le principe de précaution qui s'applique :
"J’ai décidé il y a plusieurs mois déjà, de ne pas répondre aux demandes de certains de nos clients en matière de ''travailleurs détachés'' au sein de l’Union européenne. Ces pratiques ne correspondent ni à l’idée que je me fais de notre métier, ni à l’histoire du Groupe que je préside."
Malheureusement, tous les employeurs ne se montrent pas aussi responsables. Récemment, en pleine crise du porc, l'industriel Bigard/Socopa et la coopérative agricole Cooperl pointaient du doigt les opérateurs allemands dont le recours intensif aux travailleurs détachés – des bouchers roumains principalement – leur semble déloyal.
Si l'injustice ici dénoncée est pour les deux géants de l'agroalimentaire davantage l'occasion d'exiger un allègement des charges sur le travail que de faire respecter les droits de ces travailleurs en détachement, leur discours contribue néanmoins à pousser le gouvernement à accélérer le combat politique et social sur le sujet.