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Assurance chômage : le vrai-faux débat de la générosité

« Le problème se pose en termes instrumentaux, d’ »optimalité », d’efficacité, et non de « générosité » excessive ou insuffisante. »

[encadre]Militant pour une approche ni « compassionnelle », ni « accusatrice », Bruno Coquet est l’auteur de L’assurance chômage. Une politique malmenée et d’un rapport (pdf) sur la question pour l’Institut de l’entreprise. L’expert a défini plusieurs critères sur lesquels agir pour une assurance-chômage qui serait optimale, au-delà du seul « taux de remplacement » (l’écart entre le salaire et les allocations chômage), souvent défini comme le seul et unique facteur de l’« incitation à travailler » :

  • la durée des droits ;
  • l’éligibilité et le droit d’entrée ;
  • le taux de conversion des périodes d’emploi en durée potentielle d’indemnisation ;
  • le « prix payé », le niveau et l’origine des contributions ;

L’ensemble de ces règles présentent aujourd’hui « des défauts majeurs, coûteux et désincitatifs » et le dilemme du régime d’assurance chômage se pose avec toujours plus d’insistance (voir ci-contre).

Pouvoir percevoir des allocations plus de 2 ans en période de crise ?

Pour dépasser le critère subjectif de la « générosité », de nombreuses pistes d’optimisation existent, comme le suggère l’Institut Montaigne, qui a recensé ses 9 propositions pour une assurance chômage « équitable et efficace ». Parmi elles, une mesure également proposée par l’Institut de l’entreprise : la durée d’allocation, qui est aujourd’hui de 24 mois au plus (36 mois pour les plus de 50 ans) pourrait être modulée en fonction de la conjoncture. Le principe : toujours faire coïncider au mieux la durée optimale des droits à l’indemnisation à la durée moyenne du chômage. En flexibilisant ainsi le régime – une nécessité en période d’incertitude prolongée -, la durée d’indemnisation pourrait ainsi être rallongée en cas de crise aiguë de l’emploi, ou raccourcie en cas de reprise.

Durée d'allocation
Au total, aujourd’hui, plus de la moitié des allocataires (53%) ont durée d’affiliation inférieure au maximum de 24 mois (Unédic)

Cumuler allocations chômage et activité, parfois nécessaire

Autre piste, selon l’Institut de l’entreprise :

« S’il est toujours plus intéressant sur le plan financier d’être en emploi qu’au chômage, et que des offres d’emplois pertinentes parviennent aux chômeurs en nombre, alors les incitations à la sortie offertes par les règles d’indemnisation se suffisent à elles-mêmes. Néanmoins, des possibilités de cumul entre allocations et revenus du travail sont toujours nécessaires pour garantir que la reprise d’un emploi, même court et peu rémunéré, ne soit pas sanctionnée par la perte totale de l’allocation. »

En clair :

  • d’une part, la fraude et les comportements indésirables des chômeurs restent marginaux, ce qui n’invite pas à multiplier les dispositifs répressifs mais plutôt à la simplification, clarification et l’adaptation des règles actuelles, telles que l’Offre Raisonnable d’Emploi ;
  • d’autre part, l’activité réduite, qui permet de cumuler des indemnités chômage et un salaire, est nécessaire et vertueuse : nécessaire « pour éviter qu’une seule heure de travail n’engendre la suppression de l’allocation », vertueuse car « l’immense majorité des évaluations de ces dispositifs concluent à leur impact positif sur le retour à l’emploi ».

Pour éviter l’« effet cicatrice » du chômage de longue durée, rester dans l’emploi, même de manière discontinue, voire chaotique, est en effet une priorité, notamment à une époque où les carrières sont de moins en moins linéaires. Toutefois, le dispositif d’activité réduite peut tendre « à transformer les revenus de remplacement en revenus de complément », observe l’Afep (Association française des entreprises privées). Pour éviter la démultiplication de ces cumuls, l’Institut de l’entreprise juge qu’« il est fondamental que les [possibilités de cumul] soient toujours d’autant plus intéressantes que la quantité de travail est élevée », c’est-à-dire qui incitent toujours à l’emploi.

Systèmefrancaisdassurancechomage-organisation_infographie-unedic

Les droits rechargeables, la clé pour une incitation au retour à l’emploi optimale ?

Serpent de mer des réformes des règles d’indemnisation de l’assurance chômage, les droits rechargeables sont aussi une « parfaite illustration de la complexité réglementaire de l’assurance chômage française » conduisant à des incitations « paradoxales et coûteuses ». Dans une optique de simplification et d’incitation vertueuse, un « compte personnel » – à l’image du nouveau-né compte personnel de formation – de droits rechargeables pourrait voir le jour. Ce compte personnel, mesure de sécurisation des parcours, figurait d’ailleurs dans la loi« sécurisation de l’emploi » promulguée en juin dernier. Pour l’Institut :

« Il s’agirait ni plus ni moins d’un compte individuel unique fonctionnant de manière intuitive : comme sur un compte d’épargne, tout ce qui n’est pas consommé reste disponible pour la sécurité future du chômeur, et tous les droits acquis lors de nouvelles périodes de travail s’y ajoutent. Le compte resterait comme aujourd’hui plafonné à 24 mois. »

Ni moins ni plus généreuse, mais plus flexible, plus individualisée, mais aussi plus lisible, l’assurance-chômage pourra-t-elle surpasser ses dilemmes ? À suivre en continu sur Twitter sur #négochômage !

> Le rapport de l’Institut de l’entreprise : Assurance chômage : six enjeux pour une négociation

> Le rapport de l’Institut Montaigne : Améliorer l’équité et l’efficacité de l’assurance chômage

> Le dossier de référence de l’Unédic :

Crédit image : unédic/Flickr (licence CC)
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