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Améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi sans augmenter les moyens de Pôle emploi, c’est possible

L’accompagnement des demandeurs d’emploi sera sans conteste un des points essentiels de la nouvelle feuille de route de Pôle emploi pour les 3 années à venir, que l’Etat est en train de négocier avec l’Unedic et Pôle emploi. Plusieurs rapports ont récemment souligné ses imperfections, que l’Atelier de l’Emploi avait pointées dans le cadre de son analyse des lacunes de la flexicurité. La nécessité d’aller bien plus loin dans l’individualisation de l’accompagnement fait notamment consensus parmi les priorités du service public de l’emploi face au chômage.

Le manque de moyens humains de Pôle emploi

Premier obstacle à des avancées dans l’individualisation, le manque de moyens humains. L’Inspection Générale des Finances a en effet montré dans sa récente étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi que le personnel mis à disposition pour accompagner les demandeurs d’emploi est largement moins nombreux en France qu’au Royaume-Uni et en Allemagne : de l’ordre de 71 équivalents temps plein (ETP) pour 10 000 chômeurs en France contre 113 au Royaume-Uni et 150 en Allemagne ; le rapport souligne que « l’écart se creuse si les effectifs sont rapportés au nombre de demandeurs d’emploi recensés dans les statistiques nationales » et non plus seulement au chômage au sens du BIT. Il est intéressant de noter que le recours par Pôle emploi à la sous-traitance d’opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement d’un certain nombre de demandeurs d’emploi ne permet pas de compenser cette infériorité numérique.

SPE - Etude IGF

Ces sous-effectifs sont d’autant plus étonnants que la France est caractérisée par un chômage bien plus important que les deux autres grands pays européens : au sens du BIT, son taux est supérieur à 9%, alors qu’il est d’environ 8 % au Royaume-Uni et d’un peu plus de 6% en Allemagne. Un paradoxe qui a inspiré au journaliste Marc Landré une lettre ouverte à Xavier Bertrand et qui incite la mission d’information du Sénat relative à Pôle emploi à mettre en exergue la nécessité de « lui allouer des moyens humains supplémentaires de manière à renforcer le suivi des personnes éloignées de l’emploi ».

Cependant, l’augmentation des effectifs de Pôle emploi ne semble par être à l’ordre du jour. Ceci choque Marc Landré, qui invite le ministre du Travail à considérer « cette dépense [de recrutement de conseillers Pôle Emploi supplémentaire], non comme un coût, mais comme un investissement », en s’appuyant sur la mission sénatoriale précitée, dont le rapporteur juge que « cet effort supplémentaire est compatible avec une gestion responsable des finances publiques si l’on prend en compte les économies qu’un retour plus rapide à l’emploi permet de réaliser sur l’indemnisation ».

En effet, ce sont les choix stratégiques de l’Allemagne et au Royaume-Uni qui expliquent la large supériorité numérique des moyens humains de leurs services publics de l’emploi : ces pays ont considéré qu’une sortie précoce du chômage se traduisait par une baisse automatique de la dépense publique, celle-ci étant supérieure aux coûts de l’intensification de l’accompagnement. Il faut aussi prendre en compte les effets positifs d’une durée moindre du chômage sur la préservation du capital humain – c’est ce raisonnement qui a permis de justifier pour partie les accords de réduction temporaire du temps de travail en Allemagne pendant la crise.

Les voies d’amélioration à moyens constants

Mais il faut également étudier des voies d’amélioration qualitative de l’accompagnement des demandeurs d’emploi – surtout si la stagnation des moyens humains de Pôle Emploi devait être confirmée.

Mise en concurrence, évaluation, contrôle

Un groupe de travail de l’UIMM présidé par Pierre Cahuc faisait récemment état d’un nombre important d’acteurs « souvent publics ou associatifs qui sont très peu mis en concurrence ». Un représentant syndical auditionné par le Sénat soulignait en effet que l’absence d’évaluations et de contrôle était problématique (à 2’18 de la vidéo ci-dessous). La mission d’information du Sénat préconise donc de « mettre en place un véritable pilotage par la performance.« 

Dans ce cadre, on pourrait aussi envisager une rationalisation des dépenses qui pourrait passer par la mesure de la performance monétaire des projets, sur le modèle du social impact bonds (obligation d’intérêt social) pratiqué au Royaume-Uni et d’un autre côté.

Améliorer l’organisation du service public de l’emploi, notamment la coordination des acteurs

Pierre Cahuc considère, par exemple, que « l’accompagnement vers l’emploi est désorganisé et inefficace » ; un élément souligné dans un rapport de Pôle Emploi lui-même, qui met en avant les « difficultés de coordination entre les acteurs et de pilotage des parcours d’accompagnement ».

Dans ce registre, la note relative à l’accompagnement des demandeurs d’emploi du Centre d’Analyse Stratégique (CAS) préconise de mieux articuler la sous-traitance de capacité, qui s’inscrit dans une logique de nombre visant à réduire la charge du SPE en période de ralentissement économique,  à celle de spécialité, qui répond à un besoin structurel d’accompagnement de certains publics cibles. Il s’agirait d’une part de définir « un socle minimum » de recours à la sous-traitance, susceptible d’évoluer en fonction de la conjoncture et, d’autre part, de concevoir une spécialisation des opérateurs sur certains publics.

Un ancrage territorial pour un suivi au plus près des réalités de chaque bassin d’emploi

La nécessité de la territorialisation de l’action de Pôle emploi semble largement souhaitée, d’abord dans le but de mieux adapter l’accompagnement des chômeurs aux réalités locales, mais aussi pour améliorer la coopération de tous les acteurs et son efficacité. C’est pourquoi la mission d’information du Sénat « insiste également sur la nécessité de renforcer l’ancrage territorial de Pôle emploi […] et de développer encore ses partenariats avec les autres acteurs du service public de l’emploi » (élément souligné par son rapporteur à 7’07 de la vidéo ci-dessus).

Sur ce dernier point, Dominique-Jean Chertier, président du Conseil d’administration de Pôle Emploi, considère (dans une interview au Parisien-Aujourd’hui en France du 7 juillet) que la difficulté majeure « de cibler les publics qui en ont besoin » doit être résolue « [en prenant] en compte l’état psychologique, la qualification, le réseau relationnel, mais aussi le bassin d’emploi ».

Prenant acte de ces réflexions, le ministre du Travail s’est récemment prononcé en faveur d’une décentralisation de la gestion des moyens de Pôle emploi.

Personnaliser l’accompagnement

Le Conseil Economique Social et Environnemental propose quant à lui dans son avis de juin 2011, relatif à Pôle emploi et la réforme du service public de l’emploi, de mieux différencier les parcours types et de les appliquer de manière souple plutôt que de façon mécanique afin de tendre vers une plus grande personnalisation des services. C’est notamment dans ce but que le CAS propose d’expérimenter l’abandon des parcours types, comme c’est le cas en Allemagne depuis 2009, au profit de l’autonomisation des conseillers.

 

Les voies d’amélioration de l’action du service public de l’emploi existent, même sans augmentation de ses moyens. Si la fusion ANPE-Assedic était nécessaire pour unifier son action afin de tendre vers une meilleure efficacité, il est désormais urgent de mettre en place les indispensables réformes structurelles et managériales. Tous les acteurs du service public de l’emploi doivent y contribuer.

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