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Emploi & chômage : selon que vous serez d’Altkirch ou de Valenciennes…

En France encore plus qu’ailleurs, le chômage est généralement présenté d’un point de vue très « macro-économique ». Pourtant, selon que vous vivez à Altkirch ou à Valenciennes, votre rapport au chômage sera très différent : dans la première ville, le taux de chômage est inférieur à 4% alors que dans la seconde il dépasse 16% -la carte ci-dessus le montre. Même dans un pays très centralisé comme la France, les situations sont très disparates selon les régions car les tendances et les déterminants de l’emploi sur un bassin d’emploi peuvent être opposées à celles à l’œuvre sur un autre.

Chômage dans les Länder allemands en octobre 2011
Chômage dans les Länder allemands en octobre 2011 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir

En effet chaque territoire développe des spécialités économiques (et, partant, des relations au commerce mondial) différentes. Ces disparités régionales se retrouvent dans tous les pays suffisamment étendus, comme l’illustre la carte de l’emploi dans les différentes provinces (Länder) allemandes.

L’étude « L’emploi local face à la crise 2008-2009 : un révélateur des divergences territoriales », publiée en mars 2011 par la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) a permis d’identifier une grande diversité de comportements de territoires en matière d’emploi face à la crise.

Cette étude met en lumière l’extrême hétérogénéité des territoires en matière d’emploi : de fin 2007 à fin 2009, la fourchette des évolutions de l’emploi est très large allant de -8% à +9%, soit près de 20 points de différentiel. Les territoires disposent en effet de « capacités très différentes de résistance et de rebond » et leurs « profils économiques et leurs dynamiques ont influé sur l’intensité et la sélectivité des pertes d’emplois subies localement ».

L’étude montre ainsi que, au plus fort de la crise, en 2008-2009, il valait mieux habiter Aix-en-Provence qu’au Havre : dans la première ville, l’emploi salarié a augmenté de 3,7 % alors qu’il a chuté de 6,6 % dans la seconde.

Evolution de l'emploi sur les zones d'emploi FR pendant la crise
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Une forte polarisation émerge de l’analyse :

  • 32 % des zones étudiées ont connu une évolution « favorable » de l’emploi pendant la crise. Celles-ci  se trouvent plutôt au Sud et à l’Ouest de la France.
  • A l’inverse, 40 % des zones d’emploi ont connu une aggravation de la situation de l’emploi. Elles se trouvent plutôt dans le Nord, à l’Est et dans le grand Centre.

La FNAU fait remarquer que :

  • Les territoires qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu sont ceux qu’elle qualifie de « dynamiques » (caractérisés « par un dynamisme économique et démographique ainsi qu’une sous-représentation des personnes non diplômées ») ou d’ »administratifs » (avec « surreprésentation des fonctions administratives ou des services collectifs ») ;
  • A l’inverse, les territoires « à qualification peu élevée » ou « industriels » ont été profondément marqués. Au sujet de ces derniers, les auteurs du rapport écrivent que « la crise a accéléré un processus de désindustrialisation déjà à l’œuvre. »
la France de l'emploi a basculé à l'Ouest
Carte les Echos

Partant de cette analyse, l’étude permet d’identifier les facteurs qui protègent l’emploi des variations conjoncturelles :

  • une bonne croissance démographique est un « amortisseur de crise ». Si l’étude montre une corrélation entre dynamisme démographique et vitalité économique, elle ne donne néanmoins pas d’indication quant à un éventuel lien de causalité : la vitalité démographique entraîne-t-elle de plus fortes créations d’emploi, ou est-ce l’optimisme généré par de (relativement) fortes créations d’emploi qui incitent les couples à faire plus d’enfants?
  • Les plus grandes métropoles régionales résistent bien aux chocs, « grâce à leur diversité économique et à un dynamisme maintenu du tertiaire supérieur ».
  • Pour les territoires industriels, une spécialisation dans des créneaux peu élastiques à la conjoncture (agroalimentaire, industrie navale…) permet de dégager une certaine résistance aux crises.

Le développement du « tertiaire supérieur » et « la progression des cadres des fonctions métropolitaines » renforcent la solidité des économies locales. Face à cette tendance qui accroît la polarisation entre les territoires, les auteurs posent une question importante : « cette croissance peut-elle durablement être déconnectée des pôles industriels et de production ? ». Selon eux, « l’arrêt du processus de désindustrialisation et […] la reconquête des grands marchés industriels semblent devoir reposer, entre autres, sur un « alliage » de proximité entre production et services à haute valeur ajoutée. »

Les problématiques d’emploi sont locales, l’étude de la FNAU l’a minutieusement démontré. C’est la principale raison pour laquelle les institutions en charge du rapprochement entre offre et demande de travail sont fortement ancrées localement, qu’il s’agisse des agences de travail temporaire (parfois appelées « agences d’emploi »), des agences de Pôle Emploi, des sous-préfectures (en charge de l’animation et du développement local), des programmes locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), des maisons de l’emploi et missions locales, etc. Parce que les bassins d’emploi n’ont pas du tout les mêmes caractéristiques économiques et qu’il est nécessaire que les acteurs de l’emploi les connaissent finement, il est logique que les actions visant à développer l’emploi s’articulent localement. Ceci paraît d’autant plus nécessaire que les acteurs de la vie économique doivent bien se connaître pour utilement coopérer : ainsi, plus leurs actions et expertises sont locales, plus ils pourront mettre en place des politiques cohérentes et pertinentes.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que la persistance de difficultés de recrutement et de l’inadéquation entre besoins des entreprises et compétences disponibles alors que le chômage bat des records, une réflexion semble s’engager sur la nécessité d’accentuer et d’améliorer la territorialisation de la politique de l’emploi. Cette réflexion sera poursuivie, sous l’angle de la gestion territoriale des emplois et des compétences.

 

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