« Ce qui est frappant, c’est la très forte volatilité des tendances d’un trimestre sur l’autre et l’importance des écarts constatés entre secteurs d’activité. »
Pour Alain Roumilhac, Président de ManpowerGroup France, les résultats du Baromètre des perspectives d’emploi, qui interroge 1 000 employeurs français (clients ou non de Manpower), montrent moins une grande morosité sur le marché de l’emploi qu’un manque de visibilité sur l’activité et la conjoncture, qui provoque de grandes oscillations dans les prévisions des recruteurs :
« Certaines entreprises, dans le secteur agroalimentaire ou dans celui des matières premières, commencent à anticiper les effets de la reprise en Europe, qui est bien réelle puisque la zone euro pourrait enregistrer sa plus forte croissance trimestrielle depuis 3 ans. Mais d’autres entreprises redoutent les effets de l’atonie de la consommation des ménages hexagonaux, ce qui a un impact immédiat sur les secteurs de l’hôtellerie/restauration ou de l’industrie manufacturière, comme nous le constatons. »
Au total, 90% des employeurs n’anticipent ainsi aucune évolution de leur effectif pour le prochain trimestre, quand 5% prévoient une augmentation de leur masse salariale et 4% une diminution. La différence entre ces pourcentages, le « solde net d’emploi », une fois corrigé des variations saisonnières, est même négatif (-1), pour le deuxième Baromètre consécutif et pour la troisième fois seulement depuis 2009. Cette apparente stabilité cache, région par région, secteur par secteur, des mouvements importants.
> Toutes les études ManpowerGroup
Régions : alerte sur l’Île-de-France
Cela fait ainsi un an et demi que les perspectives se détériorent dans la région capitale : à la même époque, l’an dernier, les recruteurs franciliens prévoyaient encore globalement une hausse de leurs effectifs (solde de +2). Le voyant, aujourd’hui, est dans le rouge (-1)… Une menace, pour l’Île-de-France, sur son statut de première région française en termes de création d’emplois ?
Parmi les cinq grandes régions étudiées dans ce Baromètre, la tendance au yo-yo se confirme, signe, du côté des recruteurs, d’un flou sur l’activité qui tarde à se dissiper. C’est le Nord (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute et Basse-Normandie, Champagne-Ardenne) qui tire toutefois le plus son épingle du jeu, confirmant ainsi « les premiers signes ténues de reprise » observés par l’INSEE en Nord-Pas-de-Calais ou une légère amélioration observée déjà en 2013 dans le tissu productif normand.
Secteurs : bel été pour l’énergie, série noire dans l’industrie
La volatilité des prévisions des recruteurs est toutefois la plus observable lorsque l’on se penche sur les tendances sectorielles : chute de 27 points du solde net d’emploi dans le transport et la logistique d’un trimestre l’autre, chute de 15 points dans l’agriculture par rapport à l’été 2013, de 8 points à la baisse dans l’hôtellerie-restauration, en baisse sur trois mois, mais à la hausse en un an, hausse de 9 points du commerce en un an, etc. Deux tendances plus affirmées s’observent néanmoins :
- La reprise économique qui se profile en Europe a pour effet de soutenir la consommation – et donc la production d’électricité. Les recrutements dans le secteur de l’énergie s’en ressentent : ils affichent de belles perspectives, inédites depuis deux ans, et en hausse continue depuis quatre trimestres.
- Dans l’industrie manufacturière, l’absence de visibilité des carnets de commande et l’atonie de la consommation des ménages expliquent un solde net au plus bas depuis un an. En termes de production, les perspectives dans l’industrie manufacturière restent d’ailleurs stables à un très bas niveau, précisait récemment une note de l’INSEE.
Monde : le Brésil pas à la fête
Ces résultats sont à mettre en regard avec le moral des employeurs ailleurs dans le monde : les recruteurs interrogés sont presque partout ailleurs globalement plus optimistes, avec des soldes d’emploi positifs dans 38 des 42 pays étudiés.
En Europe, par rapport à la même époque, l’an dernier, les perspectives s’améliorent même dans 20 des 24 pays étudiés. Si la situation demeure très inquiétante en Italie, qui affiche pour la cinquième fois consécutive le moins bon résultat du monde (solde de -8), un inversement de tendance se dessine en Grèce (en hausse de 10 points en un an), en Irlande (+9) ou encore en Espagne (+8). Le Royaume-Uni affiche également ses meilleures perspectives depuis six ans, notamment grâce aux recrutements à prévoir dans les services aux entreprises et les industries extractives. Une confirmation du succès de la politique d’incitation à l’emploi menée outre-Manche, comme le suggère un récent rapport de l’Institut de l’entreprise ?
Les employeurs turcs demeurent les plus optimistes en Europe (solde de +26), toutefois loin derrière les recordmen taïwanais (+38) et indiens (+46). Au Brésil, l’impact de la Coupe du monde de football – évalué à un gain de 0.4% de croissance jusqu’en 2019 et à 600 000 emplois (dont la moitié temporaires) – ne « suffira pas à relancer l’économie », de l’avis de la majorité des observateurs. Ces perspectives sont confirmées par le Baromètre, qui affiche pour le Brésil un solde net d’emploi certes positif (+7), mais en chute depuis désormais 11 trimestres consécutifs. En plus d’afficher les perspectives les plus moroses du continent Amériques, le Brésil voit pour la première fois depuis quatre ans deux de ses secteurs – l’industrie et l’agriculture – afficher un solde négatif. Dans le secteur des services, en revanche, un employeur sur trois compte recruter entre juillet et septembre.