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Quelles sont les tendances de recrutement dans le secteur de la mobilité ?

Avec des perspectives d’emploi dynamiques, le secteur des transports en France résiste globalement bien face à un contexte international incertain et à l’impact de l’inflation. Mais la filière automobile française, en pleine mutation pour assurer sa transition écologique, traverse pourtant des turbulences impactant ses métiers et ses besoins humains. Alors, comment interpréter les résultats très positifs du Baromètre de l’emploi de ManpowerGroup pour le 1er semestre 2023 ?

Entretien croisé avec Caroline Cohen, directrice Compétences, Emploi et Formation à la PFA (Plateforme Automobile), Jenny Delmas-Vaissière, directrice Grand Sud de ManpowerGroup Talent Solutions, et Sylvain Menigoz, directeur du Marketing Opérationnel et du marché de l’Industrie de Manpower France.

Le solde net des perspectives d’emploi dans le secteur du transport, de la logistique et de l’automobile s’élève à 38% au 1er et 2ème trimestre 2023. Comment l’analysez-vous ?

Caroline Cohen :
Le Baromètre ManpowerGroup souligne qu’en France la quasi-totalité des secteurs économiques sont en forte demande de talents. Parmi eux, le secteur automobile – et plus largement celui de la mobilité – ne fait pas exception. Comme en 2022, dans un marché qui reste dynamique, les entreprises ont besoin de recruter et rencontrent toujours des difficultés à le faire. Comment l’expliquer ? Nous constatons un nombre insuffisant de candidats et des profils inadaptés aux métiers recherchés. Cela concerne certains métiers spécifiques comme celui de technicien de maintenance et d’opérateur de production, mais aussi des métiers prisés par d’autres secteurs économiques comme les ingénieurs informatique. La guerre des talents se poursuit et dans le secteur automobile, au-delà du turn-over naturel, des offres d’emploi non pourvues sont toujours nombreuses.

D’après l’enquête BMO Pôle Emploi[1], 79 185 intentions d’embauche sont envisagées au niveau national pour l’année 2023, c’est 7% de plus que les résultats de l’année 2022, soit près de 4 905 intentions de plus.
70% de ces intentions d’embauche sont redoutées comme difficiles par ces employeurs et c’est près de 5 points de plus en un an.
La plupart des régions enregistrent des hausses de tensions, à l’exception des Hauts-de-France, du Grand-Est et de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Sylvain Menigoz :
Je voudrais faire un focus sur le marché de l’aéronautique, qui est un autre pan de la mobilité. Pour celui-ci, les excellentes perspectives d’emploi découlent de la situation de 2022. Cette année-là a enregistré une forte demande du transport aérien avec le doublement des passagers commerciaux depuis les aéroports parisiens par rapport à 2021 et le conflit en Ukraine qui a accru le marché militaire. Dans ce contexte, Airbus n’a pu livrer que 661 avions sur les 720 prévus en 2022 du fait de la crise des composants électroniques et de la pénurie de main d’œuvre. Les perspectives de recrutement restent donc importantes. Après avoir embauché 15 000 talents en 2022, le secteur aéronautique français prévoit d’en embaucher 16 000 en 2023, avec parmi eux de nouveaux profils, liés à la digitalisation et à la décarbonation des avions.

Jenny Delmas-Vaissière :
Comme l’ont souligné Caroline et Sylvain, le marché de la mobilité reste très dynamique car nous sommes dans une ère du transport. Il doit cependant s’appuyer sur les talents pour effectuer sa transition. Filière d’excellence en France, l’automobile est confrontée à plusieurs défis : une nouvelle concurrence internationale avec notamment la Chine et les Etats-Unis qui ont mis en place des mesures protectionnistes, mais aussi des transformations digitales et environnementales qui nécessitent de nouvelles compétences. Pour les entreprises du secteur automobile, l’enjeu est de se préparer aux défis de demain tout en répondant aux besoins de court terme, le temps que la transition s’opère.

Certains métiers du secteur automobile sont pourtant menacés. Lesquels ?  

Sylvain Menigoz :
En effet, la transition vers l’électrique redessine les besoins en compétences. Il faut savoir que sur une voiture à moteur thermique ou hybride, le coût des composants liés à la propulsion (moteur, carburation, transmission) est d’environ 5 500 €, alors qu’il n’est que de 600 € sur un véhicule électrique. Mais 39 % des emplois du secteur automobile français sont liés à ces composants. On comprend donc aisément que certains métiers sont menacés, parmi lesquels ceux d’agents de fabrication, d’opérateurs, de monteurs, de mécaniciens. La tendance est déjà amorcée : le secteur automobile représentait début 2021 environ 400 000 emplois (dont 40 000 intérimaires), pour seulement 300 000 emplois début 2023. Les prévisions sont désormais de 240 000 emplois fin 2024, soit une moyenne de – 10 % par an.

Dans le livre blanc ManpowerGroup consacré aux évolutions du marché de l’automobile, publié en mars 2023, il est révélé que la digitalisation du secteur et l’avènement de mobilités plus douces feront émerger de nouvelles compétences. Lesquelles ? Comment les développer et où les trouver ?

Jenny Delmas-Vaissière :
Ce sont les talents eux-mêmes qui sont porteurs de compétences multiples, riches et qui vont pouvoir les mettre à disposition des acteurs de la mobilité présents sur leur territoire. En effet, en tant qu’acteur des RH, nous savons que les talents ne quittent pas ou très peu leur territoire. S’ils viennent à perdre leur emploi, c’est plutôt sur ce territoire qu’ils vont continuer à poursuivre leur vie professionnelle. Les talents, comme les entreprises, doivent se pencher sur les passerelles possibles entre les expériences et les métiers afin d’ouvrir le champ des possibles pour rejoindre notamment des filières de mobilité en croissance.

C’est pourquoi la formation reste un élément clé pour le rebond des talents comme des entreprises. Dans ce contexte de transition, le CDI Intérimaire que propose Manpower pallie efficacement les difficultés de recrutement des métiers pénuriques en recrutant du personnel hautement qualifié sur des compétences clés, avec la souplesse du travail temporaire. C’est également un outil efficace pour accompagner le talent dans ses transitions. Dans le cadre du CDI Intérimaire, les talents sont encadrés et leur parcours est sécurisé. Ils sont soutenus par un agent de talents, véritable coach qui va les accompagner dans ce rebond et leur donner confiance car ce n’est pas forcément évident de garder un cap quand on change de métier.

Ces mutations du secteur entraînent une véritable transition professionnelle car certains métiers disparaissent quand d’autres émergent. La montée en compétences est aussi incontournable. Chez certains de nos clients, de grands donneurs d’ordres de la filière automobile, la pratique de l’anglais devient par exemple indispensable et ce, quel que soit le niveau de qualification, particulièrement dans les usines de batteries. Face à ce mouvement inéluctable de digitalisation et de décarbonation, il est important d’engager le collectif, avec les managers de proximité au premier plan. Ils pourront ainsi accompagner au mieux les talents dans cette montée en compétences, dans l’attractivité des métiers et les perspectives de carrière.

En quoi la Feuille de route 2030 de la PFA permet-elle d’anticiper la transformation des compétences dans le secteur automobile ?

Caroline Cohen :
Aujourd’hui, les entreprises du secteur automobile naviguent dans un océan de crises qui se superposent les unes aux autres : crise sanitaire, difficultés d’approvisionnement, notamment en semi-conducteurs, guerre en Ukraine qui est venue alimenter l’inflation des matières premières et de l’énergie… À ces crises est venue s’ajouter la décision européenne de la fin des moteurs thermiques en 2035. Dans ce contexte mouvant, l’anticipation et l’agilité vont être la clé pour accompagner l’évolution technologique afin de proposer des véhicules plus sûrs, plus connectés et plus propres.

L’industrie automobile française connaît la trajectoire à suivre. Elle investit en effet massivement dans l’électrification des véhicules (batteries, piles à combustibles, dans l’électronique de puissance…), dans le digital, dans l’économie circulaire (réemploi, recyclage, rénovation de véhicule…). Les compétences ne sont pas oubliées car le secteur met en place des coopérations d’acteurs pour innover et accélérer sa transition. L’industrie automobile française est et sera au rendez-vous de ces défis. Les chiffres sont révélateurs. De 2018 à 2022, l’offre de modèles électriques a été multipliée par cinq. La part de marché du véhicule 100% électrique a été multipliée par plus de neuf, passant de 1,43 % en 2018 à 13,3 % du marché fin 2022. Ainsi, le secteur automobile est devenu le premier moteur d’innovations en France et en Europe. Avec 7 milliards d’euros de dépenses R&D, un brevet sur cinq déposé en France est issu du secteur automobile qui représente, par ailleurs, un tiers des dépenses R&D de l’Union européenne.

Que mettre en place sur le plan des RH pour accompagner la transition du secteur automobile ?

Sylvain Menigoz :
Pour les futurs talents, l’enjeu clé est de redonner une image attractive du secteur, afin que nos écoliers et étudiants s’orientent davantage vers cette filière, qui s’appuie sur de la haute technologie pour se décarboner. Ce changement d’image devrait aussi permettre d’attirer plus de femmes et de personnes actuellement exclues du monde du travail : chômeurs longue durée, habitants des quartiers défavorisés, travailleurs en situation de handicap, etc.
En ce qui concerne les salariés actuels, les besoins de reconversion nécessitent des budgets de formation conséquents qui ne peuvent être couverts par les budgets règlementaires. Beaucoup de grands groupes ont mis en œuvre de gros programmes de formation interne de leurs salariés, à l’image de Renault dont déjà 7 000 des 15 000 collaborateurs visés sont passés par son université Re-Know.

En ce qui concerne les salariés intérimaires, la difficulté consiste alors à savoir qui, de l’entreprise de travail temporaire ou de l’entreprise utilisatrice doit payer. Face à un secteur en plein bouleversement, l’Etat a aussi un rôle à jouer.

Agissez-vous avec l’État ? De quelle façon ?

Sylvain Menigoz :
Oui et à travers plusieurs dimensions. Nous avons créé le contrat CDI-I pour lequel Manpower est leader, nous dialoguons avec le gouvernement pour la mise à l’emploi de personnes qui en sont exclues, nous avons aussi formulé des propositions de programmes de formation cofinancés avec des acteurs locaux (régions, Pôle emploi, etc.).

Caroline Cohen :
Dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt CMA (Compétences et Métiers d’Avenir) de France 2030, 100 millions d’euros vont être investis dans les 5 prochaines années afin de transformer les compétences stratégiques pour l’avenir de l’automobile. L’enjeu est d’investir dans l’ingénierie de formation tant initiale que continue pour les jeunes, les moins jeunes et salariés du secteur. Cet engagement est national mais également avec les territoires (DREETS, les académies…).

Quelles sont selon vous les priorités pour le secteur automobile dans les mois à venir ?

Sylvain Menigoz :
Une concurrence saine et équilibrée doit d’abord se mettre en place entre les 3 grands acteurs mondiaux : Chine, USA et Europe. Nous pensons aussi qu’une transition vers le tout électrique moins rapide avec une acceptation de biocarburants pourrait aider le secteur, tout en la couplant avec un coût salarial compétitif en France, par rapport aux autres pays européens.

Caroline Cohen :
Pour moi, il est crucial de travailler l’image du secteur automobile et son attractivité, de faire découvrir les nouveaux métiers et les nouvelles compétences d’avenir !

Jenny Delmas-Vaissière :
Je pense que la formation et les réponses territoriales seront clés. Nous travaillons justement avec la PFA pour développer des collectifs territoriaux soudés avec des animations autour de l’emploi pour fédérer les acteurs locaux de l’automobile.


[1] Enquête Besoins en Main d’œuvre (BMO) Pôle Emploi https://statistiques.pole-emploi.org/bmo


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