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Les lacunes de la formation, causes de l’échec de la flexisécurité à la française ?

« Une douche froide » selon de nombreux éditorialistes. « Une alerte » pour Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi. « Une incitation à redoubler d’efforts » pour Xavier Bertrand : les chiffres du chômage en mai sont mauvais, et toutes les catégories de demandeurs d’emploi ont vu leur situation se détériorer. Le passage sous la barre des 9% fin 2011 semble aujourd’hui difficile, alors qu’en Allemagne le chômage est à son plus bas niveau depuis la réunification du pays, il y a 20 ans.

Bref, la France « fait pâle figure » face à ses voisins européens qui ont mis en œuvre une politique de flexisécurité efficace, rappelait récemment Pierre Cahuc dans le cadre d’un groupe de travail de l’UIMM :

« Les Pays-Bas, l’Autriche et le Luxembourg sont en dessous de 5 % et l’Allemagne se situe à peine au-dessus de 6 %. Des pays qui ont mené des réformes conciliant la sécurisation des parcours professionnels et la flexibilité de la gestion des ressources humaines et qui partagent des caractéristiques que l’on peut rassembler sous le concept de flexisécurité ».

C’est la raison pour laquelle la nécessité d’impulser en France une véritable politique de flexisécurité semble faire consensus. Ses éléments constitutifs principaux sont aujourd’hui loin d’être réunis.

 

La formation, au cœur de la flexisécurité

La flexicurité repose sur le constat de l’accélération des changements dans l’économie et l’emploi mondiaux. Elle vise une combinaison efficace de la flexibilité nécessaire dans le monde d’aujourd’hui avec la sécurité indispensable à la protection des personnes et à la valorisation du capital humain, moteur de la croissance des pays développés. Ainsi, Pierre Cahuc et le groupe de travail de l’UIMM considèrent que « la formation professionnelle est le troisième pilier de la flexicurité,  très important […] en anticipation des problèmes que peuvent rencontrer les salariés mais aussi pour aider ceux qui sont déclassés et dont les compétences ne sont plus adaptées ».

Dans l’analyse de la flexisécurité (que l’Atelier de l’Emploi a déjà citée), la sociologue Dominique Méda expliquait l’importance de la formation dans cette politique :

« La protection de l’emploi (job) étant devenue nuisible à l’emploi, il importe de lui substituer une protection des transitions d’un emploi à un autre (employment), grâce à la souplesse des dispositions contractuelles, et donc de permettre aux personnes de passer très rapidement d’un emploi à un autre. […] Ainsi, la notion de sécurité […] changeait radicalement de sens puisqu’elle s’entendait désormais comme le passage, la transition entre deux emplois. Cela exige […] un entretien par les individus de leur capital humain et de leur employabilité qui devient la source principale de leur possible réaffectation dans un emploi. La formation tout au long de la vie (FTLV) devient donc une composante majeure de la stratégie de flexicurité ».

Pour évaluer la flexicurité telle qu’elle a été mise en œuvre jusqu’à présent, il faudrait donc avant tout poser les questions suivantes : « la formation tout au long de la vie a-t-elle rempli les attentes qui pesaient sur elle ? Est-elle parvenue à sécuriser les parcours professionnels, alors même que ceux-ci sont de plus en plus interrompus ? ». A ces deux questions, la sociologue et l’ensemble des contributeurs du numéro spécial de la revue Formation emploi consacré à la flexicurité, ainsi que nombre d’autres experts comme Pierre Cahuc (précité), répondent assurément par la négative. Sans même citer l’inégalité d’accès à des formations qui ne profitent pas à ceux qui en ont le plus besoin, le constat de Dominique Meda est sans appel :

« La formation, telle qu’elle est actuellement conçue et pratiquée dans les pays analysés est un échec, du simple point de vue du maintien dans l’emploi ou du retour à l’emploi, ou encore de la sécurisation des parcours professionnels ».

 

L’échec des politiques de formation en raison d’une vision court-termiste

Le groupe de travail de l’UIMM et Pierre Cahuc soulignent qu’il est très difficile pour les entreprises et les salariés d’anticiper les ajustements à venir dans les carrières et que prévoir la mobilité vers une autre entreprise grâce à des formations conduites dans son entreprise « est quasiment impossible ».

Il semblerait que le bât blesse principalement dans le court-termisme de la perspective, tant des politiques publiques que des entreprises. Dans son analyse, Dominique Méda considère ainsi que le développement de la formation professionnelle, pourtant affiché parmi les objectifs majeurs, n’a pas été réellement mis en œuvre:

« Les programmes d’activation qui pouvaient au départ comporter des dispositions favorables à la formation ont fini par voir considérablement réduite la place accordée à celle-ci ».

La sociologue souligne le court-termisme de la vision des pouvoirs publics et des entreprises en matière de formation : « au sein des dépenses de formation, la place accordée aux programmes visant des formations longues a subi le même sort ».

Des politiques de formation standardisées, donc inefficaces

Dominique Méda considère que « les politiques actuelles de formation, élément central de la flexicurité, sont défaillantes parce qu’elles sont considérées comme des actions standardisées, toutes conçues sur le même patron ; alors qu’elles devraient pouvoir être adaptées aux situations spécifiques (des territoires, des contextes historiques, des entreprises, et bien sûr des individus) pour pouvoir « fonctionner » correctement ».

En effet, l’analyse du cas espagnol montre que les accomplissements professionnels des salariés espagnols ont peu été influencés par le recours à des dispositifs de formation, quin’ont pas amélioré l’ensemble des options en matière d’emploi auxquels ils ont accès. Leur échec réside dans leur standardisation car, comme le souligne Joan Miquel Verd, « ce sont les circonstances d’utilisation et non l’utilisation en elle-même qui rendent la formation efficace ».

Pour résumer, les insuffisances du système français de formation expliquent pour une bonne part les très faibles résultats de la flexicurité telle qu’elle a été esquissée. Le prochain billet à ce sujet propose des solutions.

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