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L’entreprise et le « droit à la déconnexion » : y aura-t-il encore une vie après le travail ?

L’actu

Les objectifs du respect des durées minimum légales de repos et d’amélioration de la santé et de la sécurité du salarié ont poussé patronat et syndicats à reconnaître, ce lundi 7 avril, le « droit à la déconnexion » ou, plus exactement une « obligation de déconnexion des outils de communication à distance »

L’enjeu

Plus le droit, donc, de lire ses mails après 18h ou dans le métro matinal ? Si la Toile anglo-saxonne a eu tôt fait de lire dans cet avenant un aveuglement bien français dans un monde où le smartphone n’existerait pas, l’accord, qui concernerait près de 250 000 salariés majoritairement cadres de l’ingénierie, de l’informatique et du conseil travaillant au forfait jours, est tout sauf une interdiction de travailler à domicile. Et même si ses modalités concrètes ne sont pas encore connues, il pose en des termes nouveaux la question de l’équilibre vie privée/vie professionnelle : selon Flore Pradère-Saulnier, responsable de la recherche entreprises chez JLL, le travail mobile, « à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, informel et dispersé » est l’enjeu numéro 1plus encore que le télétravail, pour l’entreprise et le nomadisme.

Les données

  • L’équilibre vie pro/vie privée est l’objectif de carrière numéro 1 pour les étudiants ingénieurs et d’école de commerce, selon le dernier classement Universum.
  • 40% des Français se connectent à l’Internet mobile (INSEE).
  • 54% des cadres supérieurs français travaillent plus de la moitié de leur temps hors de leurs bureaux. 89% consultent leurs e-mails ou données professionnelles plusieurs fois par jour sur leur temps personnel ; c’est aussi le cas pendant leurs congés (93%), dans leur voiture (82%), dans leur lit (51%) ou… dans les toilettes (35%)(étude Roambi et Zebaz). Selon Cadremploi, 62% de l’ensemble des cadres aurait déjà consulté ses mails durant leurs congés.

En un tweet

Pour certains, le work/life balance n’a plus de sens. L’on entend ainsi de plus en plus parler de work/life integration :

Et pour vous ?

Les défis pour l’entreprise 

Très connectés, hyper-connectés, sur-connectés ? Tandis que certains racontent leur burn-out numérique et leur « combat » pour réussir à débrancher, que d’autres, de plus en plus nombreux à souffrir du « FOMO », cette peur de rater quelque chose, s’offrent des cures de digital detox, l’« ubiquité professionnelle » et la difficulté grandissante à mesurer le temps de travail ont depuis quelque temps fait de l’hyper-connexion des salariés un nouveau défi pour l’entreprise.

Dès 2002, le droit à la déconnexion était une notion reconnue par certains juristes ou par le Forum des droits sur Internet, comme le rappelle un rapport de l’ex-Centre d’Analyse Stratégique autour de l’impact des TIC sur les conditions de travail (2012, pdf). Mais douze ans plus tard, le droit à la déconnexion ne s’est pas (pas encore ?) imposé, la « faute » à une évolution sociétale majeure, celle de l’« hybridation des usages des TIC où se mêlent professionnel et privé ». En clair : il est devenu aussi commun d’avoir une notification sur son smartphone le dimanche soir indiquant un déplacement professionnel le lendemain à 8h que de regarder les prix de son prochain voyage avec son conjoint entre deux réunions… et même que d’avoir ces deux occupations, simultanément, sur le même écran.

Avec une conséquence, jusqu’ici observable : la non-imposition légale d’un authentique droit à la déconnexion mais la nécessité, notamment pour l’entreprise, de concourir à une « hygiène de la déconnexion ». Les traditionnels conseils aux entrepreneurs et freelance adeptes du travail à domicile pour apprendre à « couper » se sont invités dans les murs – ou ce qu’il en reste – de l’entreprise : accords d’entreprise sur l’usage du smartphone, comme à Areva et l’usage des TIC devant respecter « le temps de vie privé du salarié » ; bonnes pratiques, comme les messages d’alerte chez Thalès, ou comme Google qui incite certains de ses salariés identifiés comme très sensibles à la segmentation vie privée/vie professionnelle à éteindre leurs devices en sortant de l’entreprise ; management adapté – deux tiers des salariés estimeraient être encouragés à conserver ce fameux work/life balance – ; événements dédiés, comme l’Unplugging challenge d’Arianna Huffington ; etc.

Au-delà de nouvelles problématiques de partage de l’information ou de resocialisation de l’entreprise – le télétravail avait été interdit à Yahoo! dans le souci de rebâtir une dynamique collective et collaborative -, le nomadisme invite ainsi à des politiques RH intégrées, spécifiques à la déconnexion… et au-delà des « journées sans e-mail » : en Belgique, Total et Siemens sont ainsi en train de laisser leurs salariés choisir – sans bonus ni pénalité – s’ils souhaitent répondre à leurs mails en dehors du bureau, alors que Volkswagen Allemagne a plus radicalement bloqué l’accès des téléphones professionnels de 18h15 à 7h du matin… avec efficacité sur l’engagement ? Une expérimentation de Leslie Perlow, professeure à la Harvard Business School, avait mesuré que la moitié de ceux qui se déconnectent avaient, après expérience, hâte de venir travailler le matin, contre 27% de leurs collègues qui ne débranchaient pas… Reste que la notion de flexibilité à laquelle invite la fin de l’unité de temps dans l’entreprise – pouvoir venir plus tard un matin en cas d’urgence, travailler une heure de chez soi le week-end, etc. – demeure pour l’heure rarement accompagnée, explicitée, partagée entre les acteurs.

> Lire aussi Temps choisi, télétravail, mobilité… : les RH s’emparent de l’autonomie

Crédits images Toms Baugisnatecroft/flickr (licence CC)
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