Alors que les Scandinaves l’ont adoptée depuis des années, les Espagnols se donnent 3 ans pour tester la semaine de 32 heures ! À l’aube des élections présidentielles, alors qu’entreprises et salariés réclament plus de flexibilité, la question de la réorganisation du travail est au cœur des débats. Et vous, êtes-vous pour ou contre ?
Un sujet au cœur de l’actualité
Plus de 20 ans après le passage de 39 à 35 heures, une nouvelle fois, la question se pose : faudrait-il réduire de nouveau le temps de travail des Français ? Quels enseignements avons-nous tiré de la semaine de 35 heures ? Le sujet, sans surprise, fait débat. Pour certains, la « durée hebdomadaire du travail » depuis l’application des 35 heures n’aurait baissé que d’une heure, passant de 38,5 à 37,3. Nous aurions donc la même charge de travail par semaine qu’avant, mais davantage de temps de repos accordés dans l’année. Pour d’autres, la « loi Aubry II » aurait créé plus de 350 000 nouveaux emplois, permettant ainsi un recul du chômage.
Le passage aux 32 heures fait déjà beaucoup parler de lui en entreprises, d’un point de vue économique, mais pas seulement ! En politique, les avis divergent également. Quand la gauche prône un avis favorable aux 32 heures et aspire plutôt à une volonté de repenser le travail, la droite elle, souhaite accorder plus d’avantages aux entreprises sans réduire le temps de travail de leurs salariés. En résumé, l’idée de la droite serait de travailler plus sans gagner plus. C’est sans compter sur l’avis des syndicats et notamment la CGT qui a lancé jeudi 14 octobre 2021 sa campagne pro 32 heures, ravivant le débat sur la QVT et le bien-être des travailleurs en entreprise.
Alors que la France doute encore, nous pouvons nous inspirer de nos voisins espagnols, qui ont récemment lancé un test sur un échantillon de 200 entreprises volontaires. Les salariés effectueront à partir de cette année 32 heures de travail payées 40 pour une durée de trois mois. Les Belges réfléchissent eux aussi à cette réforme, proposant un système de 38 heures de travail réalisées en 4 jours. A chacun son modèle donc, et à qui trouvera le juste équilibre.
Pour la semaine de 32h
Entreprises & salariés : vers un rééquilibrage du travail
Pour certains comme Philippe Martinez, leader du syndicat CGT, c’est l’espoir d’un chômage plus bas : “une telle réduction du temps de travail pourrait augmenter de 1,5 à 2 millions le nombre d’emplois, privé et public confondus”. Développer le travail à temps partiel a d’ailleurs permis à l’Allemagne ou aux Pays-Bas de limiter le chômage. Réduire le temps de travail des salariés pourrait donc en définitif, fortement favoriser les recrutements… et la productivité ! En effet, en repensant notre organisation, en écourtant les réunions, en supprimant les tâches inutiles et en améliorant certains processus de communication interne, un temps considérable pourrait être libéré pour se concentrer sur la mission principale.
Réduire le nombre d’heures travaillées, c’est aussi permettre aux collaborateurs de retrouver un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle pour réengager les salariés dans leur entreprise. En Islande, par exemple, les 2500 salariés ayant testé la semaine de 4 jours entre 2015 et 2019, ont admis se sentir mieux, moins stressés et fatigués. Aujourd’hui, le système a été généralisé à 86 % de la population islandaise.
Economie & environnement : tous gagnants
Du point de vue des employeurs, et de l’économie, les 4 jours seraient également l’opportunité d’alléger certaines charges salariales : passer de 35 à 32 heures, c’est réduire les coûts imputés aux heures supplémentaires majorées au-delà des 35 heures. Pour d’autres, c’est la promesse d’une réduction de l’impact environnemental lié à notre travail. Selon le rapport Stop The Clock, la mise en place de la semaine de 4 jours pourrait réduire de 21,3% l’empreinte carbone du Royaume-Uni, soit 127 millions de tonnes de CO2 par an. Des chiffres colossaux, qui s’expliquent par de nombreux facteurs, telle que la diminution de l’utilisation d’équipements énergivores dans les locaux ou la pollution liée aux transports, car un jour de travail en moins, c’est déjà deux trajets d’économisés… !
Le bon exemple: Microsoft
La société Microsoft Japon a testé en 2019 la semaine de 4 jours grâce à une réorganisation de leur modèle de travail. Une augmentation de 40% de la productivité des salariés a été constatée et 92% d’entre eux ont affirmé retrouver un sentiment de bien-être dans leur vie professionnelle. Face à ce constat, le gouvernement japonais se questionne aujourd’hui sur la potentielle application de ce système à l’ensemble du pays.
Contre la semaine de 32h
Travailler moins pour gagner moins
On l’évoquait plus haut, ce nouveau modèle pourrait être une opportunité pour la France de retrouver un équilibre tant économique que moral. Mais travailler moins ne rime malheureusement pas toujours avec gagner autant qu’avant. La réduction du temps de travail a un coût et pourrait impliquer de gagner un salaire moins important, selon la politique de rémunération de l’entreprise dans laquelle nous évoluons. Rémunérer un travailleur à salaire identique pourrait se traduire par une hausse du coût du travail pour l’employeur qui sera alors moins favorable à de nouvelles embauches. Résultat : moins de recrutements, plus de chômage et un système économique fragilisé creusant les inégalités. Car toutes les entreprises ne peuvent malheureusement pas adopter ce modèle. C’est le cas notamment des métiers du service client ou saisonniers qui comptent d’ailleurs souvent sur les heures supplémentaires.
Moins de temps, plus de stress
Réduire le temps de travail, cela veut aussi dire réaliser les mêmes tâches en un laps de temps réduit. Dans ce cas, les 32 heures ne sonnent pas comme la promesse d’une meilleure QVT, mais plutôt comme un nouveau facteur de stress. Réduire notre temps au bureau n’aura de sens uniquement si notre organisation et nos charges de travail hebdomadaires sont repensées. Notons également qu’un jour de plus travaillé par semaine nécessite de réaliser des journées plus longues, modèle qui ne convient pas à tout le monde. On estime que le temps de concentration journalier ne dépasserait pas quatre heures !
Le contre-exemple : La Macif
L’assureur, qui était passé de 35 heures à 31 heures 30 lors du vote de la loi Aubry a vite constaté que ce modèle ne convenait pas à son service, puisque qu’une main d’œuvre plus importante que ses concurrents était nécessaire pour assurer les mêmes amplitudes horaires. Résultat : un coût financier nettement supérieur pour l’assureur. Suite à ce test, l’entreprise a négocié un retour aux 35 heures, mais avec de meilleurs avantages sur le plan financier notamment sur la retraite.
Alors, la semaine de 32 heures, plutôt pour ou contre ? Si l’on devait retenir une chose, c’est que, quelle que soit la « formule » choisie, l’entreprise de 2022 doit être plus inclusive et plus flexible. Plus qu’une opposition entre deux systèmes de pensées, ce sujet doit plutôt être vu comme un débat, qui aurait pour objectif de trouver un nouvel équilibre pour l’entreprise, et qui intégrerait pleinement les salariés dans sa définition et sa structuration.