Une entreprise fait le buzz aux Etats-Unis en ce moment. Il s’agit d’Enterasys, société américaine de conception/fabrication d’équipements pour réseaux de télécommunications, qui a décidé de n’utiliser que Twitter pour recruter son futur chargé de marketing sur les réseaux sociaux. La fiche de poste n’a été diffusée que sur ce réseau social et seules les candidatures envoyées par ce même biais et accompagnées du hashtag (ou « mot-dièse ») #socialCV ont été examinées. Parmi les pré-requis : avoir plus de 1000 followers actifs et un Klout (indice d’influence) supérieur à 60.
No resumes allowed; how your tweets can land you a job with us: usat.ly/Y65yq8 via @usatoday #socialCV
— Enterasys Networks (@Enterasys) 19 février 2013
« Le web est votre CV et les réseaux sociaux vos références »
Le « CV social » en 140 caractères va-t-il donner le coup de grâce au CV papier ? C’est ce qu’annonce Vala Afshar, le directeur marketing d’Enterasys, qui a déjà shortlisté 15 candidats et annoncera le nom de l’heureux élu d’ici la fin du mois d’avril. Dans le Wall Street Journal, son slogan ne passe pas inaperçu : « Le web est votre CV et les réseaux sociaux vos références » (aux Etats-Unis, ces dernières sont demandées dans toute candidature ; en France, elles sont un plus). Josh Bersin, fondateur d’un cabinet de conseil RH récemment acquis par Deloitte, est sur une ligne proche : selon lui, les entreprises s’intéressent de plus en plus à Twitter pour leur recrutement, intérêt destiné à se renforcer avec la sophistication du réseau social – qui permettra de cibler les annonces de plus en plus finement. Jocelyn Lai, responsable recrutement d’une agence de publicité au Texas, témoigne de l’intérêt déjà réel de Twitter pour mieux cerner la personnalité des candidats :
« J’observe comment les gens interagissent, je vois les positions qu’ils prennent, qui sont leurs meilleurs amis sur Twitter, s’ils ont de l’humour… On peut se faire une idée assez précise de cette façon. »
Cette méthode reste encore très marginale. La dernière étude annuelle de CareerXroads a révélé qu’aucune des 37 grandes entreprises américaines interrogées n’utilise Twitter pour recruter. « Se concentrer uniquement sur les tweets d’un candidat demeure encore et toujours une tactique de recrutement rare », prévient Anne Pestel sur le blog Recrutement mobile et social… avant d’annoncer que « la tendance est en train de changer ». L’étude de CareerXRoads montre en effet que les grandes entreprises étudiées outre-Atlantique envisagent déjà, au minimum, de publier leurs offres d’emploi sur Twitter.
Ce qui est certain, c’est que sur des secteurs tels que les médias, la communication ou le IT, l’intérêt de Twitter paraît acquis. Alors que le marché du travail requiert des compétences de plus en plus spécialisées, quoi de plus logique, si l’on cherche à embaucher des « influenceurs », que de les chercher et les challenger sur leur terrain ?
Converser avec les talents et faire plus avec moins
Lars Schmidt, directeur de l’acquisition de talents et de l’innovation du réseau de radios indépendantes NPR, qui a créé un compte spécifique « recrutement et carrières » explique au Wall Street Journal que Twitter est un outil qui lui permet de « faire plus avec moins » en matière de recrutement, en soutenant sa marque employeur (culture d’entreprise, recrutements dans les radios membres du réseau, conseils carrière pour créer une communauté) : « Les grands talents ne sont pas en permanence à la recherche d’un emploi !, ils ne vont donc pas forcément sur notre site carrière. En revanche, ils sont sur les réseaux sociaux. » La clé, pour les attirer, serait donc d’interagir avec eux : « Les entreprises qui échouent dans leur utilisation de Twitter pour recruter sont celles qui se contentent de publier leurs offres sans échanger avec quiconque. Si Twitter ne sert qu’à diffuser, il ne vaut pas mieux qu’un job board ».
La twittophilie des recruteurs est en train de traverser l’Atlantique : ce mois-ci, Monster a lancé une opération de communication autour du hashtag #recrutezmoi, avec à la clé publication des meilleurs tweets sur l’écran géant du parvis de la Défense à Paris.
6 secondes pour un CV… ou plutôt pour se faire remarquer
Une journaliste en recherche d’emploi a même récemment eu recours à Vine, cette application qui permet de diffuser des mini-vidéos sur Twitter, pour montrer l’étendue de ses talents. En 6 secondes chrono, soit le temps moyen passé par un recruteur à examiner un CV :
Résultat : son annonce a tellement buzzé qu’elle a été diffusée à la télévision, ce qui l’a aidée à être embauchée comme chef de projet d’un grand groupe de médias. Celle qui se présente sur Twitter comme la « créatrice du premier CV Vine » explique qu’à notre époque, « tout le monde doit faire entendre sa voix et laisser sa trace numérique de son existence ».
Twitter, un site de rencontre !
Attention toutefois à l’effet de mode : si ces nouvelles formes de recrutement fleurissent dans les métiers faisant appel à la créativité, à la communication ou l’influence en ligne, elles ne sont pas appropriées à tous types de métiers et de niveau d’expérience. Le « CV Vine », par exemple, est certainement un bon moyen de mettre en valeur sa personnalité, ses soft skills … mais il mettra difficilement en valeur les compétences et savoir-faire. Et si un CV en forme de barre chocolatée aider assurément à attirer l’attention, ce ne sera pas partout dans le bon sens…
Pour Kathryn Minshew, fondatrice du site TheMuse.com, un tweet est « le nouvel argumentaire-éclair ». Aujourd’hui, il faut avant tout considérer Twitter comme un moyen de rencontre, un outil au service du matching entre offre et demande d’emploi – une sorte de job dating virtuel. Mais une fois la prise de contact effectuée, ce sont les moyens traditionnels qui prennent le pas : lien vers le CV « en bonne et due forme » ou un profil LinkedIn/Viadeo, puis appel téléphonique et entretien.
Infographie : le « CV social »
L’infographie d’origine, par onlinecolleges.com