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Flexisécurité « à la française » : trop bancale pour lutter efficacement contre le chômage?

L’INSEE vient de publier sa note de conjoncture de juin 2011, qui prévoit que le taux de chômage « se replierait légèrement d’ici fin 2011 à 9,0 % (respectivement 9,4 %), un niveau toujours supérieur à son niveau d’avant-crise ».Comme le souligne Leïla de Comarmond dans les Echos, cette prévision contredit l’objectif d’un passage en-dessous de la barre des 9%, annoncé par le Ministre du travail Xavier Bertrand et repris par la Ministre de l’économie Christine Lagarde.

Pourtant, cet objectif gouvernemental était il y a peu considéré comme une « médiocre ambition » par Pierre Cahuc, professeur à Polytechnique et économiste au Centre de recherche en économie et statistique (CREST). Selon lui, la France paierait le fait que « depuis vingt ans, le marché du travail français est confronté aux mêmes handicaps [et]  aucune vraie réforme structurelle n’y a été menée ». L’économiste dénonçait notamment les insuffisances de la loi de juin 2008, créant notamment la rupture conventionnelle (et dont un bilan a été récemment effectué), qui selon lui « ne règle en rien l’insécurité juridique qui touche les licenciements économiques [NDLR : qui sera cependant moindre avec le nouveau contrat de sécurisation professionnelle] et freine l’embauche en contrat à durée indéterminée ».

Alors que l’accompagnement des demandeurs d’emploi a récemment fait l’objet de critiques et propositions, le Premier ministre a demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de produire un avis sur la formation professionnelle afin de « franchir une nouvelle étape dans la construction d’une flexsécurité à la française« . Flexibilité du marché du travail, indemnisation/accompagnement des demandeurs d’emploi et formation : voilà le tryptique qui constitue le socle de cette « flexsécurité », si souvent invoquée comme remède au chômage et à la précarité.

La flexisécurité : définition et genèse

Ce concept de flexisécurité (également appelée « flexicurité » ou « flexsécurité »), issu des modèles sociaux néerlandais et scandinaves -surtout danois- est en effet au centre des débats et propositions quant au « modèle social » français et européen depuis plus de dix ans. Il correspond à « une forme d’organisation du marché du travail combinant une main-d’oeuvre flexible, capable de s’adapter aux nouveaux marchés et aux nouvelles technologies, avec la sécurité qui garantit les niveaux de vie et les conditions de travail des travailleurs ». Pour favoriser la mobilité et l’employabilité, il s’agirait de s’inspirer du modèle des économies qui bénéficiaient des plus forts taux d’emploi avant la crise ; suivant celui-ci, il faudrait aider les salariés à changer d’emploi en raccourcissant au maximum les périodes de transition, via la formation, plutôt que chercher à maintenir coûte que coûte le mythe de l’ « emploi à vie », qui protègerait les insiders au détriment des outsiders.

La flexisécurité repose donc sur une sorte de « donnant-donnant » : flexibilisation du marché du travail (surtout par un assouplissement des protections liées au contrat de travail, donc des contraintes pesant sur les employeurs) contre hausse des sécurités accordées aux personnes (principalement via les indemnités de chômage et la formation pour retrouver au plus vite un emploi).

Considérée comme la clé de la compétitivité du marchés du travail, la mise en place d’une véritable flexisécurité en son sein est devenue un objectif majeur de l’Europe économique et sociale ; en juin 2007, la Commission européenne publiait une communication en ce sens : « Vers des principes communs de flexicurité : des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité » (juin 2007).

Une flexisécurité bancale ?

Or, selon Dominique Méda dans une publication de la revue Formation emploi du Cereq, la flexisécurité telle qu’elle est en train d’être esquissée en France et en Europe serait profondément déséquilibrée : la flexibilisation de plus en plus importante du marché du travail serait dépourvue de sa contrepartie « sécurité ».

Avant même d’aller plus loin dans l’analyse, il importe de souligner un élément fondamental de ce déséquilibre : les graves insuffisances du système de formation des salariés et d’accompagnement des chômeurs. Au-delà des critiques que certains organismes ont adressées à l’action du service public de l’emploi, il importe de souligner que ses sous-effectifs ont été il y a peu montrés du doigt. Tandis que, côté formation, Pierre Cahuc rappelait ainsi dans l’article précité que « la réforme de la formation professionnelle de novembre 2009 ne change en rien un système où moult acteurs mal coordonnés et mal contrôlés administrent des formations dont la qualité est rarement évaluée », sans compter que cette dernière reste profondément inégalitaire en profitant en priorité à ceux qui en ont le moins besoin.

Au-delà des progrès que doit effectuer le service public de l’emploi, il semble donc que la flexicurité « à la française » a de grandes avancées à opérer pour être efficace, car ses piliers sont chancelants. Ce sera l’objet du prochain billet à ce sujet.

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