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ETI et PME, les champions discrets de l’aéronautique

Depuis des années, la filière est organisée de manière verticale avec, au sommet de la chaîne, les constructeurs, au milieu, les équipementiers et, à la base, les PME. Aujourd’hui, les relations entre ces entreprises évoluent. La raison ? L’innovation qui se situe à tous les maillons de la chaîne mais aussi la hausse des cadences de production.

« L’une de nos priorités est de renforcer la cohérence et la solidité de la chaîne de production » a déclaré Marwan Lahoud, président du Gifas, la fédération professionnelle de l’aéronautique et du spatial, le 8 janvier dernier lors de ses vœux à la presse. Car c’est bel et bien de cette chaîne que dépend la capacité des avionneurs à répondre à l’avalanche de commandes d’appareil.

Derrière les grands constructeurs, les équipementiers, champions discrets de l’aéronautique

moteur-avionLes fleurons de l’aéronautique ont l’habitude de faire la une des journaux. Mais ce qui fait la force du secteur, c’est la multitude de sous-traitants, spécialisés dans l’aéronautique ou non, qui gravite autour des avionneurs : « Il ne peut y avoir de Rafale s’il n’y a pas, et le groupe Dassault, et l’ensemble des partenaires qui contribuent à cette réussite » a souligné François Hollande. En effet, outre ses 12 000 salariés, le groupe Dassault travaille avec près de 500 sous-traitants français pour la seule production de ses avions militaires.

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Derrières ces grands groupes, se cachent d’abord des champions discrets, comme Daher, Lisi Group, Figeac Aéro, des groupes de tailles moyennes qui s’imposent une forme de Mittelstand à la française. Ce sont eux ces « champions cachés » dont parle Stéphan Guinchard dans son ouvrage de 2013 Les Champions Cachés du XXIe Siècle – Stratégies à succès. Véritables partenaires des constructeurs, ces motoristes et équipementiers sous-traitent pour les géants aéronautiques Français et Européens mais s’attaquent également aux marchés émergents. Et pas que dans l’aéronautique : automobile, médical et ferroviaire font également partie de leurs prérogatives. Les particularités de ces trois entreprises ? Leur fort ancrage familial, leur expertise technologique sans cesse renouvelée du fait de leur capacité à investir dans l’innovation pour proposer des produits à forte valeur ajoutée. Ces atouts en font des partenaires privilégiés des constructeurs, qui choisissent le plus souvent de travailler dans un rapport d’exclusivité avec ces champions.

C’est l’ensemble de cette chaîne de production qui explique la la qualité et la place de la France dans l’aéronautique, selon James McNerney, PDG de Boeing, qui souligne que le groupe mondial d’aéronautique fait réaliser plus de 6 milliards d’équipements et de services en France, chaque année : « La qualité de vos ingénieurs est remarquable, ils savent coopérer à l’échelle mondiale […] Peu de pays ont une telle richesse de talents dans l’aéronautique ! » a-t-il expliqué au Figaro.

Un tissu de PME innovantes et en pleine croissance

« Les PME devraient connaitre une croissance moyenne comprise entre 7 et 10% » expliquait Bertrand Lucereau, président du comité Aéro-PME au Gifas. Constructeurs et équipementiers se reposent ensuite sur des tissus de PME, concentrés dans les régions historiques du secteur, proches de leurs clients. C’est à ce niveau que l’optimisation des coûts est un enjeu-clé et repose sur la capacité d’innovation organisationnelle des sous-traitants.

marwan-lahoudCependant, « la hausse des cadences de production exigée par les grands constructeurs, si elle fournit du volume d’activités, provoque de vives tensions industrielles« , comme le rappelle L’Usine Nouvelle. La première réponse a été d’optimiser l’organisation de la filière : Marwan Lahoud, qui est aussi directeur général délégué en charge de la stratégie et de l’international d’Airbus Group, a lancé, en 2014, le plan triennal « Performances Industrielles » qui vise, avec un budget de 23 millions d’euros financé par l’Etat, les régions, les industrielles et le Gifas, à améliorer la compétitivité des PME et leurs relations avec les grandes entreprises : « Il y a déjà 200 PME dans ce programme. Nous avons mené des actions dans treize régions en France, ce programme prend de l’ampleur. Y sont organisées des formations, des consultances croisées afin d’élaborer un langage commun d’échange ». Une initiative bienvenue pour améliorer la collaboration entre les acteurs.

> Lire aussi : PME : comment surmonter les difficultés de recrutement ? Le cas de l’aéronautique.

Pour autant, PME et ETI sont aussi des acteurs moteurs de l’innovation dans la filière. Selon la dernière étude du GIFAS, la course à la technologie a favorisé le développement de l’éco-conception, du développement des matériaux composites, de la montée de l’électronique, la création de pièces plus complexes à forte valeur ajoutée ainsi que l’optimisation de la maintenance. Au-delà des coûts, François d’Ivernois, directeur Europe de Live Source explique :

« C’est l’innovation qui permet de développer la compétitivité. L’A350 doit en grande partie son succès aux très nombreuses innovations qui caractérisent sa construction et ses équipements : matériaux composites permettant des gains de poids significatifs (environ 200 kg par passager) et donc moins de consommation de carburant, nouveaux moteurs beaucoup plus silencieux (30% de bruit en moins), technologies de dernière génération pour les pilotes (écrans tête haute, ordinateurs de bord ultra-performants…), optimisation de l’espace pour les passagers… Or une grande partie de ces innovations sont le fruit du travail des sous-traitants d’Airbus – dont beaucoup de PME – qui assurent environ la moitié de la production de l’A350 »,

Si la filière est organisée de manière pyramidale, la capacité d’innovation n’est donc pas réservée aux grands et moyens groupes mais est plutôt collaborative.

> Lire aussi : Emploi : comment la région Midi-Pyrénées relève ses défis de recrutement

Bon exemple de collaboration, trois industriels travaillant en partenariat ont créé en septembre 2014 une société commune ­baptisée Prismadd à Montauban, spécialisée dans l’impression 3D de pièces aéronautiques. L’objectif est triple : l’optimisation des coûts, l’innovation et la collaboration. A cela s’ajoute en filigrane, la volonté de répondre aux besoins plus précis des clients.

Un secteur qui n’échappe pas à la « startupisation »

6107955243_022aa7af21_oPerformante, dynamique, innovante, voire inspirante, les attributs positifs ne manquent pas pour qualifier l’aéronautique. La raison ? La filière est à la pointe de la recherche et d’innovation. Si le secteur concentre près de 20% de ses effectifs en R&D, c’est aussi l’esprit start-up et intrapreneuriat qui tire l’innovation, cette fois plus collaborative. Airbus vient de lancer son « Bizlab », une structure dédiée à l’innovation dans l’industrie aéronautique et spatiale. Avec un budget global de 400 000 euro, ce sont 15 projets proposés par des start-up mais aussi par des ingénieurs d’Airbus qui ont été retenus pour cette première sélection. L’objectif : les accompagner et les développer pendant six mois en vue d’une prochaine commercialisation.

Les grands groupes veillent également au développement de l’innovation, avec notamment la création d’une pépinière d’entreprises à Paris, qui accueillent 25 start-up dont les produits et services sont spécialisés dans l’aéronautique. De même, la R&D n’est pas toujours centralisée mais essaime sur le territoire dans des petites structures agiles, au plus près des lieux de conception et fabrication.

Pour autant, tous les acteurs de l’aéronautique croulant actuellement sous les commandes ne doivent pas oublier que les prévisions pour 2017 ne sont pas équivalentes : « En 2016, les PME achèveront cette hausse de cadence de production et seront confrontées à un plateau l’année suivante, du fait de l’arrêt de certains programmes » ajoute Bertrand Lucereau. D’où l’importance de recourir de prévoir les besoins en recrutement et de recourir à des solutions de flexibilité autant pour les grandes entreprises… que pour les moins grandes.

 Crédits images : Nathalie Merle / CC BY-NC 2.0 ; Ministério da Defesa , Stew Dean /CC BY 2.0
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