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Emploi des seniors : la tortue française

6 ans après les recommandations de son rapport Vivre et travailler plus longtemps, l’OCDE fait le point. Si les perspectives d’emploi pour les seniors français s’améliorent, les progrès seraient bien trop lents :

  • De 2005 à 2011, le taux d’emploi des 50-64 ans français n’a progressé que d’à peine plus d’un point pour atteindre 54,7%. Un niveau et un rythme bien inférieurs à la moyenne de l’OCDE : 61,2%, en hausse de presque 3 points.
  • Sur la décennie (2001-2011), le taux d’emploi des 60-64 ans français a presque doublé…mais reste inférieur à 20%. La moyenne OCDE est deux fois plus élevée, 40%, la Suède dépassant même les 60% (voir l’ensemble des données en fin d’article).
Comparaison internationale des taux d’emploi des 60-64 ans (OCDE)

L’OCDE dresse un bilan mitigé de la quasi-totalité des politiques pour l’emploi des seniors : si nombre de ses recommandations ont connu un commencement d’exécution (« des actions ont été menées…»), l’impact et l’ampleur n’ont pas été au rendez-vous (« …mais plus pourrait être fait »). Ce jugement s’appuie sur trois critères :

  • incitations financières à la poursuite de l’activité ;
  • levée des obstacles au maintien dans l’emploi et au recrutement après 50 ans ;
  • employabilité des seniors.

La fin de la « date de péremption » de l’employabilité

L’OCDE note une orientation globalement positive des incitations à « continuer à travailler ». Le nombre des « préretraites publiques » a ainsi été divisé par deux entre 2005 et 2010, et les pénalités que doivent payer les employeurs pour les « préretraites d’entreprise » ont quant à elles doublé. L’OCDE salue aussi la suppression des « dispenses de recherche d’emploi » (DRE) qui, symboliquement au moins, signifiaient qu’« à partir d’un certain âge, certaines personnes ne seraient plus employables ».

Incitation financière à l’activité : des progrès

Rapport Vivre et travailler plus vieux« On vit de plus en plus vieux, on travaille de moins en moins longtemps ». La réforme des retraites de 2010 visait clairement à renverser la tendance en prolongeant la durée de l’activité pour l’aligner sur les progrès de l’espérance de vie.

Dans cette perspective, l’incitation financière à l’allongement de la vie active – le montant de la pension de retraite perçue augmentant avec elle – allait dans le bon sens. De la manière, l’amélioration de l’attractivité de la retraite progressive (perception cumulée d’une part de la pension et de revenus issus d’une activité à temps partiel), entrée en vigueur en 2006, et la libéralisation du régime du cumul emploi-retraite en 2009, auquel les salariés recourent de plus en plus (+18% rien qu’en 2009), constituent des progrès salués par l’OCDE.

En pratique, trop peu d’avancées

Au-delà de ce satisfecit financier, l’OCDE considère que les politiques de maintien des seniors dans l’emploi ont été largement insuffisantes. Plusieurs points noircissent le tableau : les grilles de salaire n’ont pas été revues, l’aide à l’embauche de candidats âgés de plus de 55 ans – prévue par la réforme des retraites de 2010 – n’a jamais été appliquée et, malgré les campagnes de communication, les bonnes pratiques pour l’emploi des seniors ne se sont que très peu diffusées, tant dans le public que dans le privé.

L’OCDE évalue aussi l’impact de l’obligation de négociation d’ « accords seniors » (accords de branche, d’entreprise, ou plans d’action) dans les entreprises de plus de 50 salariés, en vigueur depuis le 1er janvier 2010. Et là aussi, il y aurait eu un net décalage entre les intentions et les actes. Si la « forte mobilisation » des partenaires sociaux autour d’enjeux aussi cruciaux que l’anticipation de l’évolution des carrières ou le développement des compétences et de l’accès à la formation est saluée, on ne constaterait aucun « impact immédiat » – notamment en matière de recrutement de salariés âgés. L’échec du CDD seniors, lancé en 2006, et la multiplication des ruptures conventionnelles chez les seniors sont des symboles : sur le terrain, on n’observe pas de véritable dynamique d’emploi des salariés âgés. L’OCDE déplore également la « faible mobilisation » des contrats aidés en faveur de l’emploi des seniors. Le contrat de génération devrait changer la donne sur ce point.

Une faible mobilisation des outils

La formation est au cœur de l’employabilité, on le sait. Mais aucune des mesures prises n’a « réussi à réduire les inégalités d’accès à la formation professionnelle, (…) les plus jeunes accédant davantage à la formation que les ouvriers et les seniors ». Certes, depuis 2005, les « EDEC » – subventions destinées à développer les compétences dans le cadre de « transitions professionnelles » liées aux mutations économiques – ciblent spécifiquement les plus de 45 ans. Mais, alors que les seniors représentaient déjà 31% des accords en 2008, l’objectif de 35% en 2012 apparaît trop peu ambitieux aux yeux de l’OCDE. De la même manière, les incitations à faire signer des contrats de professionnalisation à des seniors n’ont pas été traduites dans les actes : 4 300 contrats signés en 2011, pour un objectif de 10 000. Et l’expérimentation, en 2011, d’un tutorat des jeunes par des seniors aurait échoué ; l’Atelier de l’Emploi relevait notamment l’inadaptation du dispositif : « on ne peut pas montrer un savoir-faire sans faire ».

Le « contrat de génération » marquera-t-il une rupture concrète avec des décennies de « placardisation » des anciens ? Espérons-le. Mais il ne sera certainement pas suffisant, vue l’ampleur du retard français pointé par l’OCDE. Pour enclencher une véritable dynamique de l’emploi des seniors, il faudrait notamment définir des solutions aux lacunes de leur formation professionnelle.

EN SAVOIR PLUS >>

  • L’infographie de The Economist : « on vit de plus en plus vieux, on travaille de moins en moins longtemps ».

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