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Comment analyser les perspectives d’emploi dans l’IT ?

Malgré l’inflation et la crise géopolitique, l’économie française est résiliente et la confiance en l’avenir bien réelle. Le Baromètre de janvier dernier de ManpowerGroup sur les perspectives d’emploi le souligne, la pénurie des talents est une réalité dans de nombreux secteurs dont l’IT. Alors qu’il s’intéresse particulièrement aux enjeux de cybersécurité, quels sont ses enseignements ?

Décryptage par Olivier Nguyen-Khac, Directeur des Systèmes d’Information de Moët Hennessy, et Éric Jeannerod, Directeur général d’Experis.

Que vous inspirent les résultats de ce baromètre sur les perspectives d’emploi en France ?

Éric Jeannerod : Les chiffres reflètent bien la réalité du terrain avec quatre trimestres successifs d’intentions d’embauche à un niveau record, et le secteur de l’IT dans le peloton de tête, avec une prévision nette d’emploi de 35 %. La pénurie des talents s’accentue depuis deux ans. Elle est liée à une transformation digitale qui s’amplifie pour tous les acteurs privés et publics. Le levier technologique de la digitalisation devient, en effet, incontournable pour générer de la productivité, une meilleure profitabilité et des parts de marché. Cela entraîne un besoin croissant en savoir-faire et compétences.

Olivier Nguyen-Khac : En effet, c’est ce que nous vivons chez Moët Hennessy et plus globalement chez LVMH. Notre croissance s’appuie sur l’innovation et un usage croissant des technologies. Cela se traduit par un appel d’air en termes de ressources, aussi bien pour renforcer les équipes en interne que du côté de nos partenaires intégrateurs. Cela crée une forte dynamique.

La résilience de l’économie française, avec + 27 % de prévision nette d’emploi, vous surprend-elle ? Pourquoi ?

E.J. : C’est une bonne surprise de constater que les intentions d’embauche restent fortes dans un contexte de crise géopolitique et d’inflation. En France, la confiance des entreprises en l’avenir est l’une des plus élevées des pays occidentaux et industrialisés. Je pense que l’action publique y est pour beaucoup, car elle a permis à bon nombre d’acteurs économiques de traverser les différentes crises grâce aux prêts garantis par l’État, aux mécanismes de protection contre l’inflation, etc.

O.N.K. : Le secteur du luxe est généralement épargné dans des contextes économiques incertains. La force de nos marques nous permet de naviguer dans la conjoncture actuelle, et même de dégager de la croissance, ce qui s’accompagne d’un besoin de talents.

17 % des employeurs français placent la thématique de la sécurisation des systèmes d’information en tête de leurs intentions d’embauche. Pourquoi cette nouvelle priorité technologique ?

O.N.K. : Les enjeux de cybersécurité sont plus médiatisés et les entreprises constatent que cela n’arrive pas qu’aux autres. Cela s’accompagne d’une prise de conscience des comités exécutifs. Notre activité, et c’est le cas de nombreuses entreprises, repose sur des chaînes de valeur intégrées : la logistique est opérée par un partenaire, le transport et la distribution par d’autres, etc. Nous faisons partie d’un écosystème complètement intégré et si un acteur de la chaîne de valeur est touché, tout le monde en subit les répercussions. Cette interdépendance favorise les prises de conscience.

E.J. : Experis est prestataire de services IT pour de grands acteurs et leurs référentiels d’exigences en matière de cybersécurité nous font progresser à leurs côtés. Dans cette organisation en chaîne, chaque maillon doit être solide. En tant qu’opérateur intégré dans le SI de nos clients, nous participons à la sécurité globale, bureautique, infrastructure et applicative. Nous avons des ambitions très élevées de respect et de conformité à des référentiels d’exigences de nos clients.

38 % des employeurs français placent la cybersécurité en tête de leur projet de formation. Quel est votre retour d’expérience sur cet enjeu ?

O.N.K. : En matière de cybersécurité, le maillon le plus faible est le collaborateur. L’enjeu est de taille, notamment pour un groupe de plusieurs milliers de talents répartis aux quatre coins du monde. Au-delà de former, la clé est de sensibiliser continuellement et d’expliquer. Cela passe par de l’awareness, des serious games, des journées dédiées, des webinaires avec des intervenants extérieurs, etc. Il faut répéter les bonnes pratiques pour qu’elles soient peu à peu intégrées et pour toucher tous les collaborateurs même s’il y a du turn over. Sensibiliser à la cybersécurité est un travail permanent.

E.J. : La sensibilisation est, en effet, la clé. Tous les collaborateurs d’Experis sont systématiquement sensibilisés aux enjeux et à la réalité quotidienne de la sécurité. Nous réalisons des formations, des évaluations et des campagnes de tests régulières. La cybersécurité doit entrer dans la culture d’entreprise pour créer de bons réflexes dans toutes les pratiques.

43 % des employeurs français interrogés souhaitent recruter des talents dans la cybersécurité. Quels sont les métiers et les profils les plus recherchés ?

O.N.K. : Le domaine de la cybersécurité est large, car il couvre une trentaine de métiers. Cela va des ingénieurs en cybersécurité jusqu’à des besoins pointus, notamment avec les architectes sécurité et des spécialistes des infrastructures dans le cloud. Nous constatons également une pénurie assez forte dans la cybersécurité industrielle. Étant donné que toutes les chaînes de production sont aujourd’hui informatisées, automatisées, connectées, ouvertes sur l’extérieur, nous avons besoin d’experts pour maintenir et sécuriser ces logiciels et ces solutions.

E.J : La sécurité des SI industriels est en effet un enjeu clé, et relativement récent.

Comment attirer et recruter ces profils ?

O.N.K. : Comme tous les talents, ceux de la cybersécurité recherchent du sens. Les innovations et évolutions technologiques chez Moët Hennessy représentent un défi constant : chaque itération représente un nouveau risque à maitriser, ce qui rend le quotidien passionnant. Chez LVMH, nous avons la chance d’avoir une communauté cybersécurité très active qui regroupe toutes les ressources cybersécurité de nos Maisons. Les membres partagent régulièrement leurs expériences et bonnes pratiques. Nous favorisons la mobilité d’une Maison à une autre au sein du Groupe, ce qui donne aux talents des perspectives de développement personnel sur des technologies et des industries variées.

E.J. : Dans le recrutement, les soft skills sont importantes pour ces métiers afin de faire appliquer les contraintes de sécurité. Concernant les hard skills, on est plutôt dans la cooptation ou la validation de la compétence par des pairs. Nous avons des practices managers sécurité qui parlent le même langage que les talents, donnent des perspectives, mettent en avant des perspectives d’évolution personnelle, professionnelle et technologique.

Quelle stratégie de rétention des talents mettre en place ?

O.N.K. : La rémunération est clé quand on est dans une guerre de talents. Mais il est aussi important de montrer que la cybersécurité est prise au sérieux par l’entreprise. L’enjeu est de proposer, en plus d’une juste rémunération et des moyens, des projets intéressants, des perspectives d’évolution et de développement des compétences technologiques grâce à des formations, des séminaires, de la mobilité interne. Par ailleurs, l’équilibre de vie pro/perso est pour nous un facteur clé de rétention des talents.

E.J. : Chez Experis, le budget de la cybersécurité est sanctuarisé. C’est le gage pour mettre suffisamment de moyens pour réaliser les missions. Comme pour les autres talents, ils attendent de la formation professionnelle tout au long de leur carrière, de la flexibilité et de l’agilité, une qualité de vie au travail qui leur permette de trouver un équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Ce sont des profils qui ont un engagement très fort. Cela est sûrement lié à l’adrénaline des situations de crise et au fait que leur travail a un réel impact. Ils perçoivent facilement un sens à leur travail.  

Comment va évoluer le secteur de la cybersécurité selon vous ?

O.N.K. : Je travaille depuis 25 ans dans les systèmes d’information et la cybersécurité a longtemps été déconnectée du reste de l’IT. Il s’agissait de profils qui avaient en charge le firewall (logiciel ou matériel pare-feu) par exemple. Aujourd’hui, la cybersécurité rassemble des équipes importantes avec des SOC (centres opérationnels de sécurité) internes ou externes dans lesquels on investit beaucoup. Il y a eu une prise de conscience de l’importance de ces métiers qui sont désormais intégrés à tous les projets informatiques. La cybersécurité concerne, en effet, les nouvelles applications, les nouveaux portails, les nouveaux sites. Les talents de la cybersécurité occupent un rôle de plus en plus important au sein des équipes IT et le budget cybersécurité devrait augmenter dans les prochaines années par rapport aux dépenses high tech globales.

E.J. : Il est vrai que les budgets augmentent, mais nous n’avons plus le choix. Les impacts sur l’image, les impacts réglementaires, les impacts financiers sont tels que l’on ne peut plus se permettre de ne pas être au rendez-vous sur ces enjeux-là. Devant le déficit de compétences auquel est confronté le marché, la fabrication des expertises, des savoir-faire techniques par les entreprises elles-mêmes devient un enjeu majeur. Experis s’engage fortement sur le marché de la formation, et notamment dans le secteur de la cybersécurité.

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