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Comment expliquer la hausse des intentions d’embauche dans un contexte de crises multiples ?

Inflation, défi climatique, risque d’une « nouvelle vague » de coronavirus … Les menaces pour l’économie s’accumulent. Pourtant, le dernier baromètre MEOS de ManpowerGroup indique des intentions d’embauche en hausse de 34 % pour le quatrième trimestre 2022 en France. En cette fin d’année, les perspectives de recrutement retrouveraient donc l’excellent niveau de la fin 2021. Autre facette de cette situation inédite, le taux de chômage se stabilise alors que la pénurie des talents est une réalité dans de nombreux secteurs.

Comment expliquer ces paradoxes et, surtout, comment y faire face ?

Décryptage avec Audrey Richard, présidente de l’Association Nationale des DRH (ANDRH), et Sébastien Van Dyk, directeur général de ManpowerGroup Talent Solutions.

Quel est votre regard sur le dernier baromètre MEOS ?

Audrey Richard :
Si, globalement, les intentions d’embauche progressent, la réalité est plus contrastée car trois grandes tendances se dessinent.
La première est une « guerre des talents » qui se poursuit, notamment dans les secteurs des transports, des services à la personne, de la banque et des assurances. Les embauches sont maintenues malgré une potentielle récession car les perspectives de croissance à moyen terme sont réelles.
La deuxième tendance est un gel des recrutements, principalement dans la tech. De grands acteurs comme Meta, Netflix, Spotify et Tesla annoncent, par exemple, des licenciements ou arrêtent d’embaucher. Les recrutements sont maintenus uniquement dans des domaines prioritaires comme la R&D.
La troisième et dernière tendance est l’incertitude qui touche de nombreuses entreprises françaises. Elles font face conjointement à un ralentissement de l’activité, une hausse des coûts de l’énergie, un remboursement des prêts de l’Etat contractés durant la crise sanitaire. Elles doivent ainsi engager des mesures d’économies : gel des embauches, chômage partiel, projets de transformation, etc.
En marge de ces trois tendances, un mouvement de fond s’est engagé autour du pouvoir d’achat. En effet, nous constatons à l’ANDRH que les salariés sont très préoccupés par ce dernier, notamment face à l’inflation. Les DRH sont, dans ce contexte, au premier plan et s’impliquent particulièrement dans les dossiers de négociations annuelles obligatoires (NAO), dans l’attribution des primes…

Sébastien Van Dyk :
Ce chiffre de 34 % d’intentions d’embauche souligne que les entreprises recrutent malgré le contexte actuel et qu’il y a un vrai rebond. Comment expliquer ces besoins et le manque de candidats ? Je vois deux grandes explications.
La première est démographique avec de nombreux départs à la retraite qui sont difficiles à remplacer par des profils moins expérimentés.
La deuxième concerne les aspirations des talents qui souhaitent travailler différemment. Certains n’hésitent pas à changer d’emploi pour trouver plus de sens et de valeurs. Nous ne pouvons pas, pour autant, parler de « grande démission » car les taux de démission ne sont pas supérieurs à ceux de la crise de 2008. En fait, les mouvements régionaux et les créations d’entreprise font que lorsque l’on recherche des candidats, il y en a moins ou ils ne correspondent pas forcément aux besoins.
Ainsi, le monde du travail est en basculement sous l’effet de mutations à la fois conjoncturelles et structurelles.

Nous avons d’un côté une pénurie des talents et de l’autre un chômage qui reste important. Comment faire se rencontrer l’offre et la demande ?

Audrey Richard :
Les enjeux RH d’aujourd’hui sont des enjeux résolument business car l’activité ne pourra pas se poursuivre sans les talents. Le vivier peut être au sein même des entreprises à travers la formation et la reconversion de certains collaborateurs. Pour recruter en externe, les adhérents de l’ANDRH témoignent de l’efficacité de la cooptation, des relations écoles-entreprises, du recours à des cabinets de recrutement et d’un travail de fond à mener sur la marque employeur. Pour moi, cette dernière est avant tout une histoire d’envies : comment, en tant qu’entreprise, j’arrive à donner envie à un collaborateur ou à un candidat de s’engager ? Comment donner ensuite envie d’évoluer dans l’entreprise et de faire grandir un collectif ?
L’un des piliers d’une marque employeur forte est d’améliorer constamment les process pour offrir une expérience salariés de qualité, depuis le recrutement jusqu’à l’offboarding. La marque employeur doit faire résonner la culture d’entreprise avec les valeurs individuelles et s’ancrer dans le quotidien des collaborateurs. Donner envie repose en grande partie sur le fait de proposer un écosystème d’avantages qualitatifs structurés. Nous identifions 5 grands leviers possibles :

  • un gain de temps et de confort (conciergerie, crèche, etc.)
  • des solutions bien-être (salle de sport, de sieste, ostéopathie…)
  • un meilleur équilibre vie privée / vie professionnelle (horaires flexibles, co-voiturage, etc.)
  • un accent mis sur le développement personnel (formation, coaching, conseil juridique, soutien psychologique…)
  • des récompenses (ancienneté, cadeaux, récompenses lors d’objectifs atteints, cooptation, etc.).
    Pour les DRH, donner l’envie, c’est également permettre d’évoluer dans une organisation qui s’engage dans la RSE.
    Tous ces éléments contribuent à construire une marque employeur attractive. Elle rayonnera ensuite sur les réseaux sociaux, les sites d’emploi, les salons étudiants, etc.

Sébastien Van Dyk :
Les entreprises qui mettent en avant des valeurs, du sens et des engagements concrets gagnent en attractivité. Si le salaire reste déterminant pour attirer les talents, l’inclusion joue un rôle central. Résolument multifacette, elle englobe la diversité des profils dans une équipe, notamment en termes de diplômes, d’expériences, d’âges… Dans un monde du travail en mutation et touché par une pénurie de talents, favoriser la diversité enrichit les équipes et crée, à terme, de la croissance. Les recrutements évoluent en ce sens car par exemple des banques ont supprimé le critère du diplôme pour accéder à certaines fonctions, ou encore des cabinets de conseil recrutent des profils issus d’autres secteurs pour les former. Au-delà du parcours initial, la réussite d’un talent dépend avant tout de ses soft skills, de sa posture et de son intégration. Ces nouvelles formes d’inclusion vont progressivement réduire la pénurie de talents.

Qu’anticipez-vous pour les mois à venir ? Pensez-vous que cette hausse des intentions d’embauche va se poursuivre ?

Audrey Richard :
Je pense qu’elle va continuer car nous sommes dans une bonne dynamique. Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’événements imprévisibles.

Sébastien Van Dyk :
Même si on annonce une récession, je ne pense pas qu’elle concernera toutes les industries car beaucoup d’entre elles vont rester solides, notamment la défense et l’informatique. Dans ce contexte mouvant, l’enjeu clé est d’aider les secteurs qui déclinent à accompagner leurs collaborateurs vers des activités et des parcours professionnels plus porteurs. Cette passerelle-là est cruciale pour relier l’offre à la demande de talents. De nombreux dispositifs comme le CEP, le CSP, Activ’projet prouvent d’ailleurs leur efficacité pour développer l’employabilité et créer toujours plus de transitions réussies !


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