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Negociation

Réforme du marché du travail et sécurisation, les ressorts de la négociation (C. de Froment)

Les syndicats ont annoncé qu’ils refuseraient de signer un accord sur la sécurisation de l’emploi qui n’intégrerait pas une taxation des contrats courts. Si cette taxation ferait rentrer de l’argent dans les caisses d’une assurance-chômage en déficit chronique, le principal objectif affiché par ses promoteurs est de dissuader les entreprises d’y recourir en les rendant plus chers. C’est précisément pourquoi le patronat est plutôt opposé à une mesure qui, en pleine crise, alourdirait le coût du travail – en particulier dans les activités les plus cycliques, les plus soumises aux aléas conjoncturels. Décryptage avec Charles de Froment, expert des formes atypiques d’emploi et responsable des relations publiques chez Manpower, et d’autres spécialistes du sujet.

Le principe de la taxation est simple : augmenter le montant de la cotisation versée par les entreprises à l’assurance-chômage pour les personnes en CDD (aujourd’hui, elle est plafonnée à 6,4% du salaire, pour tout le type de contrat). Le but : lutter contre la poussée de la « précarité ». Car entre 2000 et 2010, le nombre de CDD de moins d’un mois signés au cours d’une année a presque doublé, passant de 6,6 millions à 12,4 millions.

Ces contrats très courts représentent désormais presque les trois quarts (73%) des contrats signés en France. Charles de Froment explique au Nouvel Observateur :

« Il y a toujours la même proportion de CDI au total [NDLR : 84% dans le secteur privé en 2011], mais les contrats précaires sont de plus en plus courts, les salariés en signent donc de plus en plus souvent« . Cela se traduit par une dualité du marché du travail ».

Multiplication des CDD de moins d'1 mois

Les plus fragiles sont les moins protégés

La « dualité du marché du travail », c’est cette situation où la flexibilité et le risque de chômage reposent quasiment uniquement sur les épaules des salariés en contrats courts, les plus fragiles mais, paradoxalement, les moins protégés.

Cette situation est injuste à plusieurs égards, notamment parce que les salariés en CDD perdent certains droits lorsqu’ils passent d’un contrat à un autre : complémentaire santé, droit à la formation, et indemnités chômages précédemment acquises. Dans l’intérim, 283 000 personnes ont déjà bénéficié d’une complémentaire santé. Le MEDEF propose d’étendre les contrats collectifs de complémentaire santé à tous les salariés. 3,5 millions de personnes en bénéficieraient – mais la mise en oeuvre demanderait du temps en raison du coût de cette généralisation.

Des entreprises abusent certainement du contrat court. Outre la précarité de ceux qui enchaînent les CDD très courts, ceci a un impact financier loin d’être négligeable à une époque où les finances publiques sont en crise ; car c’est l’Etat et l’assurance-chômage qui assument le coût de la prise en charge de ceux qui se retrouvent au chômage entre deux contrats – d’où leur intérêt à la taxation. Les déficits cumulés de l’Unedic, en charge de l’assurance-chômage, devraient s’élever à 17 milliards d’euros fin 2013.

Contrats signés en 2010

Le consommateur est-il prêt à payer plus cher ses cadeaux de Noël ou à accepter des soldes moins attractives pour financer la flexibilité?

Une modulation de la cotisation d’assurance-chômage des entreprises ne dissuaderait celles qui en abusent que si la hausse de cette cotisation est très importante, estiment les experts. Or « les entreprises ont très peu de visibilité sur le carnet de commandes », il ne faudrait pas pénaliser celles qui ont tout simplement un horizon trop incertain pour embaucher sur la duréeexplique Eric Heyer, économiste à l’OFCE. Ainsi, Laurence Parisot ne voit « pas en quoi cela favoriserait l’emploi ». Mathieu Plane, de l’OFCE lui aussi , va plus loin :  « En supprimant la flexibilité dont les entreprises ont besoin en période de crise, cela pourrait même en détruire ».

Charles de FromentCharles de Froment met le doigt, lui, sur une conséquence très concrète d’une éventuelle taxation : « il faudrait dans ce cas que le consommateur soit prêt à payer ce qui relève de cette flexibilité ». Par exemple, payer plus cher ses cadeaux de Noël, généralement vendus et emballés par des salariés en CDD pour « surcroît temporaire d’activité ». Ou accepter que les soldes d’hiver, qui s’ouvrent aujourd’hui, soient financièrement moins intéressantes.

Les employeurs des secteurs peu consommateurs de CDD, comme l’industrie, sont prêts à accepter cette taxation, en échange d’une véritable assouplissement du marché du travail. A l’inverse, la restauration et l’hôtellerie y sont hostiles : dans ces activités particulièrement cycliques, seulement un contrat sur trois durait plus d’un mois en 2010, contre un sur deux en 2000.

Quel sera le sort de la négociation ? Les accords « baisses de salaires contre garantie de l’emploi », vont-ils être entérinés, comme l’annonce Rue89? Les mécanismes de chômage partiel, qui ne décollent pas en France malgré la crise, vont-ils être assouplis et simplifiés? Début de réponse ce jeudi, où les négociations reprennent. Dans Le Monde, les journalistes Claire Guélaud et Bertrand Bissuel rappellent que la signature d’un accord « serait une première depuis l’échec de la négociation de 1984 sur la flexibilité »…

[EDIT 10/01] Charles de Froment était hier soit l’invité du Journal de l’éco sur France Info. Pour lui, la taxation des CDD risque de détruire des emplois :

 


>>> Pour en savoir +

  • « Une rentrée politique sous le signe de l’emploi ». Avec, notamment, Raymond Soubie, expert du marché du travail et du dialogue social en France :

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