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L’IT (n’) est (pas encore) l’avenir de la femme

En 2000, les presses de l’université de Cambridge publiaient Athena Unbound, un livre qui étudiait à tous les âges l’historique des relations entre femmes et science, de la curiosité du plus jeune âge à l’orientation post-bac vers le technologique, de l’intérêt pour la chimie au lycée jusqu’aux taux d’emplois dans les carrières professionnelles « tech » ou académiques. Conclusion : « dans les carrières scientifiques, les barrières à l’entrée et au succès liées au genre persistent, malgré de récentes avancées« .

Qu’en est-il, près de quinze ans plus tard ? Peut-on seulement quantifier l' »irrésistible ascension technologiques des femmes » ? En affirmant que « les filières scientifiques et techniques sont le moteur de la croissance de l’emploi pour les femmes », la dernière étude Mutationnelles, réalisée par Global Contact pour Orange, semblait permettre de croire en ces « récentes avancées ».

Filières porteuses

La rare vue d’ensemble sur la situation des femmes dans les sciences et technologies que constitue Mutationnelles – en termes de formation, d’adéquation entre formation et emploi, et de vie professionnelle – chiffre même cette évolution : depuis 2010, le nombre de femmes qui s’orientent vers les études scientifiques et techniques a non seulement arrêté de décliner, mais a même grimpé de 2,5%.

ClaudineSchmuckToutefois, poursuit l’étude, « les choix d’orientation de plus en plus stéréotypés des jeunes femmes sont un obstacle à l’évolution de leur carrière professionnelle ». Paradoxal ? Comme l’explique son auteure Claudine Schmuck, « l’étude montre que le pourcentage de femmes en licences de sciences fondamentales a diminué de 2008 à 2012, aux alentours de 25%, quand celui de femmes en licences de médecine passait dans le même temps de 65 à 80%, et celui en master « santé » à plus de 85% ». 

Lire Demain, la bosse des maths aidera-t-elle à trouver du travail ? 

Une amélioration, donc, en trompe-l’oeil : ces choix d’orientation stéréotypés ont une incidence directe sur l’égalité d’accès à l’emploi et expliquent, par exemple, que les moyennes en terme de salaires, de taux de CDI, de taux de cadres, d’adéquation entre formation ou niveau de diplôme et emploi soient toutes « genrées ». Selon des chiffres révélés à l’occasion du colloque Femmes et sciences 2013 (pdf), en sortie de masters scientifiques à l’Université Pierre et Marie Curie, les différentiels sont de +17% d’hommes classés cadres, +19% d’hommes ayant en CDI, avec des salaires « masculins » à 5,6% supérieurs (pour les postes de CDI) et des taux de satisfactions d’adéquation formation/emploi à plus de 10% supérieurs pour les hommes.

Chômage - hommes - femmes - sciences et technologies

Claudine Schmuck enfonce le clou : « il y a une corrélation quasi-systématique entre potentiel d’avenir des métiers et supériorité de la présence masculine dans les filières d’études correspondantes ». Et même si l’acquisition de compétences « STEM » (sciences, technologies, ingénierie, mathématique) « renforce l’employabilité des femmes sur le marché du travail », la technologie devenant un atout premier dans la recherche d’emploi, les femmes bénéficient moins de cet effet pare-feu : « les jeunes filles représentent moins de 10% des spécialisations techniques (mécanique, électricité, informatique) ». L’orientation pénalise directement les carrières, dont la qualité ne s’équilibre que dans le long terme.

Le numérique, c’est important…

[encadre]L’une des évolutions majeures des dernières années, note Claudine Schmuck, est en fait la « connaissance du sujet », avec notamment de très nombreuses actions mises en oeuvre par les entreprises pour renforcer l’égalité professionnelle. C’est particulièrement vrai dans le numérique, souvent considéré comme « la » nouvelle frontière pour l’égalité professionnelle : organisations et grands acteurs (Twitter, GitHub) promouvant la féminisation de la programmation, promotion de l’entrepreneuriat féminin dans le numérique (Bouygues) ou réseaux d’entreprises « technologiques » (Cercle InterElles), etc.

Ces initiatives ont en commun de viser une meilleure attractivité des métiers du numérique auprès des femmes : si le numérique est en effet une opportunité pour rapprocher les sciences, l’entreprise et les femmes, les stéréotypes persistent. Alors que les valeurs collaboratives, créatives et sociales associées aux numériques ne paraissent pas « gender-related », Claudine Schmuck, observe que l’utilisation des médias numériques reste « ultra-stéréotypée : aux garçons les sites de jeux vidéo et la consommation de l’information, aux filles le shopping en ligne et les réseaux sociaux ». De véritables clivages qui se retrouvent, en bout de course, dans les carrières.

…trop important, pour être confié aux hommes

La commissaire européenne chargée de la société numérique, Neelie Kroes pointait déjà en 2011 « l’inégalité des genres dans l’IT ». Trois ans plus tard, elle lance une campagne ICT Ladies pour trouver des nouvelles Grace Hopper et Marissa Mayer et prouver que « le numérique est trop important pour être confié aux hommes ». Une preuve pas inutile : selon une étude de la Commission européenne, 19% des managers de l’IT sont des femmes (45% dans les autres secteurs), et 19% des entrepreneurs du numérique sont des entrepreneures (54% dans les autres secteurs).

Comment enclencher une dynamique qui perdure jusqu’à la vie professionnelle ? Claudine Schmuck organise depuis 2011 le concours Science Factor, qui « vise à susciter des vocations scientifiques chez les lycéen(ne)s pour qu’ils s’orientent vers des métiers d’avenir, créateurs d’emplois ». L’idée : aller à la rencontre des digital natives et les encourager à mener un projet scientifique innovant, développé sur le jeu vidéo Minecraft, un environnement numérique intelligent qui ajoute au besoin de créativité, celui de la logique (voir ci-dessous un projet pour « capter l’énergie statique que nous produisons en bougeant dans nos vêtements »). Créer une dynamique qui mêle filles et garçons, sensibiliser les plus jeunes via des technologies qui leur sont quotidiennes… mais aussi partager, avec des moments de retours d’expérience et des « role-models » plus tangibles que Marie Curie, personnalités issues de la vie active ou étudiantes à succès.

http://www.youtube.com/watch?v=fQSZihXi2AE

« Leadeuses » ?

Aux côtés des campagnes d’attractivité, s’installent, dans l’entreprise, d’authentiques politiques RH dites d’autonomie. L’enjeu est vaste : tous secteurs confondus, 65% des femmes désirent ainsi des conditions de travail flexibles, quand 28% des employeurs seulement les rendent possibles, d’après le livre blanc Cracking The Case (pdf). Dans l’entreprise, de même source, la moitié (47%) des femmes considère que « le manque d’opportunités de développement des opportunités professionnelles » est une entrave majeure. « Mutationnelles 2013 » estime d’ailleurs que les hommes se satisfont bien plus (20 points de pourcentage) des opportunités de progression qui leur sont offerts.

Cracking the case
Cliquer pour lire et télécharger le livre blanc

Plus que des programmes de diversité, par nature ponctuels, Mara Swan, Executive Vice-President de ManpowerGroup, estime ainsi nécessaire « une analyse en profondeur et systématique de sa culture d’entreprise et des métriques, en continu, » pour quantifier la féminisation du leadership. Le leadership, lui aussi l’avenir, plus si lointain, de la femme ?

L’étude Mutationnelles 2013 :

Crédit image AnEternalGoldenBraid/flickr (licence CC)
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