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Comment le bassin d’emploi lillois répond à la crise et à l’évolution des secteurs d’activités (2/2)

Suite à la restructuration de son tissu industriel, l’agglomération lilloise a du faire face à de nombreux défis : alors que les jeunes ont de plus en plus de mal à trouver leur place sur le marché du travail, certains secteurs d’activités connaissent des difficultés de recrutement. Pour créer de l’emploi, la région cherche par ailleurs à attirer les entreprises en misant sur différentes initiatives ainsi que sur développement de plusieurs pôles de compétitivité.

> Cet article est la suite de Emploi : la métropole lilloise, entre chômage et mutations économiques (1/2)

Des secteurs d’activité en tension

[encadre]Malgré un taux de chômage plus élevé dans la métropole lilloise que sur le reste du territoire, plusieurs secteurs d’activité comme les services à la personne, l’hôtellerie ou les centres d’appels ont du mal à recruter du personnel : « Sur leur marché, les entreprises n’ont pas toujours les compétences nécessaires et ont des difficultés à recruter les talents dont elles ont besoins. Cela fait grandir le paradoxe entre un taux de chômage qui persiste et des postes non-pourvus » explique Franck Lavogez, Directeur de la Région Nord chez Manpower France. Pour Eric Vanhuysse, directeur du CBE Lille, la stratégie de réponse doit être offensive : réunions d’informations, forums pour l’emploi, rencontres entre employeurs et chômeurs…

Les sept Maisons de l’emploi (MDE) lilloises, portées par l’Etat et Pôle Emploi, ont ainsi entamé le dialogue avec différentes branches d’activité, notamment dans le commerce, l’industrie et l’agroalimentaire, pour développer des actions multipartenariales. En octobre 2014, elles ont, par exemple, organisé la Quinzaine des services à la personne, un ensemble de manifestations visant à renseigner, orienter, former et surtout aider à trouver un emploi dans ce secteur qui peine à recruter.

L’objectif ? Lutter contre un marché de l’emploi caché. En effet, si les demandeurs d’emploi se retrouvent en hyperconcurrence lorsqu’ils postulent dans de grandes entreprises, d’autres entreprises, de taille plus modeste, recrutent elles aussi mais bénéficient de moins de visibilité.

Pour Eric Vanhuysse, ces problématiques de recrutement font l’objet d’une responsabilité collective : « Nous sommes face à des changements structurels mais il faut aussi admettre que les comportements évoluent.  Tout le monde est plus exigeant, aussi bien côté employeur que côté demandeur d’emploi, et souhaite avoir le choix… Or, la marge de progression existe et la transformation doit se faire collectivement. »

Franck Lavogez, Direction de la Région Nord
Franck Lavogez, Directeur de la Région Nord chez Manpower

Les entreprises veulent du sur-mesure et les compétences requises ne cessent d’augmenter :« On note une carence dans les nouvelles compétences et une évolution des compétences dans les entreprises », précise Franck Lavogez. « La formation permet de répondre à ces enjeux en ayant un aspect terrain et un aspect théorique. »

Ainsi, plus les demandeurs d’emploi sont diplômés, mieux ils sont armés. Cette nouvelle donne impacte principalement les jeunes hommes : « Auparavant, beaucoup ne se formaient pas et allaient faire de l’industrie ou de la logistique. Il y avait toujours une voie de sortie pour ceux qui avaient raté l’école. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. »

Le directeur du CBE cite également les bouleversements amenés par le numérique  en termes de recrutement :  « Avant, pour trouver un travail, il fallait simplement aller à l’agence Pôle Emploi. Aujourd’hui, tout le monde à accès à une grande partie des annonces d’emploi, partout et à tout moment : le rôle des agents intermédiaires a été chamboulé« . Au risque que le demandeur s’y perde quelque peu…

Attirer les entreprises dans de nouveaux pôles d’activité

Toutes les secteurs d’activité se sont transformés et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se diversifier : « On se rend compte que l’évolution des métiers n’est pas dans le futur : elle est permanente », explique Eric Vanhuysse.

Antoine Robiez sur Flickr.comLa métropole lilloise a inclus 6 pôles de compétitivité dans son plan de développement économique : industries du commerce (PICOM), technologies de l’environnement (Team²), matériaux textiles avancés (Up-Tex), nutrition santé et longévité (NSL), matériaux et applications pour une utilisation durable (Matikem) et transports terrestres innovants (I-Trans). D’autres initiatives sont également menées : la région candidate à un CEA Tech qui pourrait permettre la création de 1 500 emplois sur 5 ans et organise régulièrement des universités d’été inter-clusters dans le bâtiment durable. Grâce à EuraTechnologies, un pôle d’excellence économique dédié aux TIC, Lille a également obtenu le label French Tech.

Pourtant, dans la métropole lilloise, le métier le plus exercé, bien loin devant les cadres informatiques, est celui d’agent de nettoyage. Particularité de cette fonction : elle s’exerce dans différents secteurs d’activité… Au-delà des secteurs, Eric Vanhuysse parle ainsi de positionnement marché : une entreprise peut se démarquer dans un secteur peu performant : « La vraie capacité, c’est de savoir rebondir« .

Faciliter l’emploi des jeunes

370 millions d’euros ont été engagés par l’Etat en 2014 pour soutenir l’emploi dans le Nord-Pas-de-Calais. Cela s’est notamment traduit par la mise en place de 45 000 contrats aidés. La priorité a été donnée aux jeunes qui ont pu bénéficier des dispositifs garanties jeunes (aides financières et suivi personnalisé) ou initiative emploi jeunes (IEJ, parcours d’insertion pour les jeunes en difficulté). Dans les quartiers difficiles où près d’un quart des jeunes quittent le système scolaire sans aucun diplôme, le préfet de région a mis en place une politique de raccrochage qui passe notamment par l’apprentissage. 11 500 jeunes ont ainsi pu être formés en 2014.

En 2011, Martine Aubry, maire de Lille, avait également mis en place des circuits courts visant à mettre directement en relation chefs d’entreprise et jeunes demandeurs d’emploi. Trois ans plus tard, sur les 1 142 jeunes ayant bénéficié du système, 284 avaient signé un CDI, 492 un CDD et 366 avaient entamé une alternance. « Ce sont surtout des jeunes hyper motivés et dynamiques mais discriminés par leur nom, leur histoire, leur quartier » déclarait Martine Aubry : « Il faut leur donner confiance. On ne les lâchera pas. »

Mais le chômage dans la métropole lillois ne touche pas uniquement les jeunes. Selon le CBE, aujourd’hui, les chômeurs de plus de 50 ans sont plus nombreux que ceux de moins de 25 ans. Et cette tendance pourrait bien encore s’amplifier : les inscriptions de seniors à Pôle Emploi ne cessent d’augmenter.

Rayonner pour mieux lutter contre la fuite des jeunes diplômés

Antonio Ponte sur Flickr.comLes chiffres de l’INSEE sont sans appel : plus d’un tiers des jeunes diplômés lillois partent travailler dans d’autres régions, principalement l’Ile-de-France mais aussi la Picardie, le Rhône-Alpes ou Paca. Pourtant, « Le Nord Pas-de-Calais a les atouts pour retenir ses diplômés » explique Luc Doublet président de la CCI Internationale Nord de France. « Aujourd’hui, Lille est au centre du bassin de consommation le plus riche du monde, après Tokyo. Nous devons devenir le sud de l’Europe du Nord et nommer tous nos équipements et zones de développement avec une connotation internationale ou lilloise, afin de mieux rayonner. »

L’entreprise est d’envergure mais elle s’annonce sur les rails. Cette année, Lille a été élue deuxième ville la plus business friendly de France (derrière Lyon et hors Paris) dans le classement L’Expansion/Ellisphere. Une belle position que la ville doit en partie à la qualité de ses infrastructures de transport, deux gares TGV et un aéroport, et aux liaisons biquotidiennes que le Thalys assure avec Amsterdam. « Cela confirme l’attractivité de notre ville où les entreprises s’installent et créent de l’emploi et où l’innovation est stimulée grâce à des pôles d’excellence performants » a souligné Martine Aubry.

Alors, la métropole lilloise, territoire d’avenir ? S’il est complexe de l’affirmer, on peut cependant noter que le dynamisme des acteurs régionaux et leur volonté à contribuer au développement d’initiatives locales sont véritablement encourageants.

Crédit images : Guigui-LilleAntonio Ponte et Antoine Robiez / Flickr.com / Licence CC By-NC-ND-SA 2.0

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