La France compte près de 600 000 salariés intérimaires actuellement. Comment vivent-ils leur situation, alors que la crise bat son plein ? Dans l’étude Regards croisés sur l’intérim de l’Observatoire des métiers et de l’emploi (OME), ils nous dépeignent une réalité bien différente de certains clichés. Certes, avec la crise, le travail temporaire est plus qu’avant une « valeur-refuge », une solution d’attente avant des jours meilleurs. Mais ses atouts sont incontestables et incontestés par les intéressés : il connecte à l’emploi les populations les plus fragiles, notamment de nombreux jeunes sans expérience mais aussi un nombre croissant de seniors. Il est un puissant levier de professionnalisation, d’acquisition de compétences opérationnelles.
Au-delà de ces éléments décisifs de la bataille de l’emploi, les intérimaires eux-mêmes lui voient deux avantages particulièrement précieux aujourd’hui : une rémunération plus intéressante qu’ailleurs et, pour les femmes notamment, un équilibre vie privée/vie professionnelle avantageux. Résultat : les Français dans leur ensemble ont une opinion clairement favorable à l’intérim, et même meilleure que celle qui prévaut dans des pays traditionnellement plus enclins à la flexibilité comme l’Allemagne ou les Pays-Bas.
Qui sont les intérimaires de la crise ?
Précurseur des évolutions du marché de l’emploi, l’intérim est évidemment affecté par la crise : c’est d’abord parmi leurs salariés temporaires que les entreprises réduisent leurs effectifs lorsqu’elles font face à des difficultés. Il y a moins de missions pour moins d’intérimaires, les effectifs ont baissé de près de 15% en un an. Ces salariés temporaires de la crise, qui sont-ils?
On entre en moyenne à 24 ans dans l’intérim, souvent après une période de chômage. De plus en plus d’étudiants sont concernés (30%, +7 par rapport à la précédente vague). Parmi les cadres, la moitié étaient étudiants avant d’entrer en intérim : le travail temporaire est alors un pourvoyeur d’expérience professionnelle, un facilitateur de la transition entre études et emploi. On touche ici aux deux motivations majeures d’une entrée en intérim : entrer sur le marché du travail et acquérir des compétences opérationnelles.
L’intérim : refuge au départ, tremplin à l’arrivée
Selon 80% des intérimaires interrogés, le travail temporaire répond à un besoin : trouver rapidement un emploi. En 2012, on entre en intérim comme dans un refuge, en suivant surtout une « logique pragmatique » : de nombreux jeunes, notamment, y ont recours pour gagner leur vie rapidement et conquérir leur autonomie – un aspect loin d’être négligeable quand on sait par exemple que près de la moitié des jeunes non-diplômés étaient au chômage en 2011.
Mais pour près de la moitié des intérimaires, c’est aussi une « logique de formation » qui est à l’oeuvre : pour ceux qui l’ont pratiqué, le travail temporaire est également un moyen d’acquérir de l’expérience professionnelle, ou de la diversifier avant de se fixer.
De fait, l’intérim a permis à ceux qui l’ont connu d’acquérir une expérience professionnelle (91% des réponses), d’apprendre différents métiers (86%), de se former (86%). Ils ont gagné en capacité d’adaptation (85%), en autonomie (83%), dans leur appréhension du travail en équipe (86%) et des relations de travail (85%).
Emploi des seniors, rémunération, équilibre de vie : des atouts décisifs
Accès à l’emploi et expérience professionnelle ne sont pas les seuls avantages du travail temporaire. Il est aussi, de plus en plus, une voie de maintien des seniors dans l’emploi : 87% des 50 ans et plus envisagent de continuer à travailler en intérim.
Surtout, il est aux yeux des intérimaires eux-mêmes plus avantageux que les formes plus classiques d’emploi sur des aspects essentiels de la vie professionnelle : rémunération, employabilité, acquisition de compétences, intérêt du travail…
L’intérim est ainsi, aux yeux des intérimaires, un pari gagnant tant sur le plan de la rémunération que sur celui du temps libre. Alors que le stress fait actuellement des ravages, 89% des personnes interrogées estiment que le travail temporaire permet de bien concilier vie privée et vie professionnelle.
L’intérim : une image bien meilleure qu’on ne l’imaginerait, même dans la crise
Ce blason doré de l’intérim, c’est avant tout les intérimaires eux-mêmes qui le portent : 90% en ont une bonne opinion – elle est même très bonne pour plus d’un tiers – et 93% recommanderaient à des proches d’en faire l’expérience. Et ce malgré un contexte économique difficile qui pousse un nombre croissant d’entre eux à se tourner vers le travail temporaire par nécessité.
Mais cette bonne image dépasse les initiés. On décrit souvent les Français comme hostiles aux contrats courts – souvent qualifiés de “précaires” ; eux aussi ont pourtant une bonne opinion de l’intérim. C’est même le cas des deux tiers des salariés du secteur public, qu’on présente pourtant généralement comme un bastion d’hostilité à l’emploi flexible.
Par rapport à l’Allemagne, les Pays-Bas où l’Italie, la France est d’ailleurs le pays où l’intérim bénéficie de la meilleure image auprès de la population. L’enquête de l’OME tord ainsi le cou à un autre cliché : non, les Français ne sont pas « rigides » par essence.
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La confiance se trouve en soiL’enquête de l’OME révèle aussi l’impact des situations économiques des différents pays européens sur la confiance des salariés quant à une amélioration de la situation de l’emploi : c’est dans les pays “du Nord”(Allemagne et Pays- Bas) qu’on trouve l’optimisme alors que les salariés français et italiens se montrent peu confiants. Toutefois, ce pessimisme “macro” s’étiole au fur et à mesure qu’on se rapproche des situations concrètement vécues :si on trouve en France et en Italie seulement 20% d’optimistes quant à la situation de leur pays, ils sont 60% dans ce cas quand on les interroge sur l’évolution de l’activité de leur employeur, et 50% lorsqu’il s’agit leur situation personnelle. |
- Télécharger l’enquête (pdf)
- L’action sociale dans l’intérim : « une réalité loin des clichés »
- Le webdocumentaire « Regards d’intérimaires »