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« Chaque territoire doit aller à la recherche de son propre génie »

La 6ème université d’été « Emploi, Compétences, territoires » s’est ouverte cet après-midi à à Montpellier. Universitaires, acteurs publics de l’emploi, chefs d’entreprise, consultants, partenaires sociaux, se sont donnés rendez-vous pour mettre en commun leurs connaissances et leurs expériences en matière d’emploi.
Venus nombreux de la région Languedoc-Roussillon, mais aussi de la France entière et de l’étranger, ces participants ont en commun une conviction : c’est dans les territoires que se joue l’avenir de l’emploi. Cette affirmation apparaît paradoxale à l’heure où tout semble se jouer à Bruxelles, à Paris ou à Pékin ; mais les intervenants de la séance ont convaincu l’auditoire du rôle central de cet échelon « micro » dans les dynamiques d’emploi.

Le Creusot-Monchanin et Laroche-Migenne : les impasses d’une stratégie nationale d’aménagement du territoire

Longtemps, les territoires français ont vécu dans l’attente des décisions de l’Etat centralisateur et décentralisateur. Paradoxe d’une politique d’aménagement des territoires décidée là où on les connaissait sûrement le moins bien…

Cette politique, comme l’a rappelé Gérard-François Dumont, professeur à Paris VI et président de l’Observatoire International des territoires, n’est pas propice à un développement pérenne et soutenable des bassins d’emploi locaux. L’opposition « centre-périphérie », qui structure encore nos représentations, doit être dépassée. G-F Dumont a ainsi rappelé que le « désenclavement » par les transports n’était une condition ni nécessaire ni suffisante du dynamisme territorial. La ville du Creusot a-t-elle seulement bénéficié de la gare TGV de Creusot-Montchanin ? Qui se souvient de Laroche-Migennes, « hub » ferroviaire sur l’axe PLM (Paris-Lyons-Marseille), avant l’arrivée du TGV ?
G-F Dumont met ainsi en garde contre l’existence de ces « rentes de situation », qui empêchent les territoires de se porter vers l’avenir et de trouver leur « génie » propre.

A la recherche de l’identité territoriale

UNIVERSITE D'ETE ECT

Les territoires sont dotés d’une histoire qui les conditionne et d’un potentiel que ses habitants doivent faire fructifier collectivement. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur ces « petites Allemagne » existant en France, où le taux de chômage ressemble à celui de la Bavière ou du Bade-Würtemberg ; ou encore de penser à la ville bretonne de Carhaix, hier endormie et qui accueille depuis 1992 « Les Vieilles Charrues », un des plus grands festivals rock au monde. G-F. Dumont peut ainsi conclure son propos :

« Tout territoire a de l’avenir, à condition qu’il définisse une stratégie gagnante. Il faut qu’il aille à la recherche de son propre génie ».

Les propos du géographe Jean-Paul Volle sont venus illustrer et incarner ces affirmations. Sa présentation de l’histoire du développement du Languedoc-Roussillon et de la métropole montpelliéraine ces cinquante dernières années montre la mutation d’un territoire autrefois centré autour du vin de table de faible qualité, de l’agriculture, de l’industrie textile, et qui a su changer rapidement d’identité, au point de devenir un lieu important de développement des nouvelles technologies.
Bien sûr, l’exemple montpelliérain nous montre aussi les difficultés pour définir une stratégie territoriale gagnante. Le taux de chômage de la région reste ainsi très élevé ; la mue du Languedoc doit être poursuivie.

Surtout, à quelles conditions développe-t-on un plan de développement territorial performant ? Comment trouver ce « génie » propre à chaque territoire ?
Tous les intervenants ont souligné le rôle central de la gouvernance, forcément difficile à mettre en œuvre compte-tenu du nombre et de la diversité des acteurs qu’il faut faire travailler ensemble.
Mais cette université d’été insiste avant tout sur un autre facteur : la valorisation et le développement des compétences disponibles sur le territoire. Plus qu’un hypothétique TGV, davantage que la délocalisation d’une administration nationale ou d’une école prestigieuse (quel impact réel de l’ENA sur la ville de Strasbourg ?), ce sont les hommes et les femmes d’un territoire qui en font sa richesse. Voilà la conviction commune de tous les participants de cette université d’été.

Il n’est de richesses que d’hommes

AuthierMichel Authier (mathématicien, philosophe, sociologue, chef d’entreprise et fondateur de l’association de promotion des Sciences et de la Recherche L’Arbre des Connaissances) a défendu cette thèse avec beaucoup de conviction, sans hésiter à sortir des sentiers battus. Sa position peut être résumée par un choix sémantique audacieux : préférer l’expression de « richesses humaines » à celle de « ressources humaines ». Car aujourd’hui, « seul ce qui peut être monétarisé accède à l’existence sociale », regrette M. Authier. Cette dérive n’est pas seulement problématique sur le plan moral, elle est fondamentalement inefficace sur le plan économique : en concevant le monde sur un mode exclusivement quantitatif, les sociétés humaines passeraient à côté de l’essentiel de leurs forces vives.

Pour un territoire, l’enjeu est bien de mobiliser ce « génie » humain, et M. Authier de rappeler que pour les penseurs économiques classiques, « la richesse des nations », est d’abord celle des individus – de tous les individus – qui les composent. Leurs connaissances, leur culture, leur histoire, sont autant de richesses qu’il faut savoir valoriser. Voilà le défi, difficile mais essentiel, que chaque territoire doit savoir relever.

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