Décortiquer la mécanique de l’erreur pour prendre de meilleures décisions ? C’est la proposition alléchante de l’ouvrage qui a remporté les faveurs du jury du Prix RH ManpowerGroup-HEC Paris 2019. Les mirages de l’intelligence artificielle et les dangers de la guerre économique étaient également au programme d’une soirée littéraire riche en surprises et en invités prestigieux. Retour sur l’événement.
Depuis juillet 2018, l’administration française reconnaît officiellement le « droit à l’erreur », pourvu que le contribuable puisse prouver sa bonne foi. Cette nouvelle tolérance administrative se retrouve-t-elle à l’identique en entreprise ? Si les entrepreneurs, au premier rang desquels les fondateurs de startups, prônent depuis des années les vertus de l’échec dans la route vers la réussite, l’erreur reste un marqueur négatif dans beaucoup d’organisations. Alors comment changer de regard sur nos décisions hasardeuses mais aussi sur celles des autres ? Pour Olivier Sibony, auteur de l’ouvrage « Vous allez commettre une terrible erreur ! » (2019, Flammarion) lauréat du Grand Prix ManpowerGroup-HEC Paris 2019, la compréhension des mécanismes qui nous poussent tous à commettre des erreurs est un premier pas vers plus de bienveillance et pourquoi pas, vers de meilleures décisions à l’avenir ! Retour sur la 24e édition de ce Prix littéraire, dont les jurys ont récompensé trois ouvrages aux thématiques d’actualité.
L’Homme n’est pas un être rationnel !
En 2002, Daniel Kahneman, psychologue et économiste américano-israélien, professeur à l’université de Princeton, reçoit le prix Nobel d’économie pour ses travaux fondateurs sur la théorie des perspectives. Au centre de son travail, les distorsions, le plus souvent inconscientes, dans notre façon de traiter l’information qui nous font dévier de la pensée logique ou rationnelle : les biais cognitifs. Comme le remarque Olivier Sibony, professeur affilié à HEC et spécialiste de la décision stratégique, les biais cognitifs – et leur impact – sont beaucoup moins connus en France qu’aux États-Unis ; la faute, peut-être, à un esprit français trop cartésien. Dans son ouvrage « Vous allez commettre une terrible erreur ! », l’auteur, inspiré par le travail de Daniel Kahneman, montre pourtant comment ces biais, qui nous affectent tous, nous amènent souvent à prendre de mauvaises décisions. Des erreurs prévisibles qu’il nous faut comprendre et apprendre à regarder avec plus de bienveillance, puisque le biais cognitif est aussi intrinsèquement humain. Une thèse qui a su convaincre le jury de la 24e édition du Prix RH ManpowerGroup-HEC Paris de remettre le Grand Prix 2019 à Olivier Sibony, sous les yeux de Daniel Kahneman, venu en personne assister à l’événement.
La « vraie » intelligence artificielle démasquée
Parmi les 155 ouvrages analysés cette année par le jury du Prix, seuls huit ont finalement été sélectionnés, parmi lesquels « Nudge Management » d’Eric Singler ou « La révolution du partage » d’Alexandre Mars. Une diversité de thématiques totalement assumée, comme l’a d’ailleurs expliqué Christian Boghos, Directeur Général Communication, Marketing stratégique et Influence chez ManpowerGroup, soulignant la volonté du Prix de « faire du travail des auteurs une place de débat ». Avec son titre provocateur, l’ouvrage ayant reçu cette année le Prix Spécial ManpowerGroup-HEC Paris ne pouvait manquer de lancer la discussion. Dans « L’intelligence artificielle n’existe pas » (2019, Éditions First), Luc Julia, cocréateur de l’assistant vocal d’Apple Siri et aujourd’hui vice-président Innovation de Samsung, explique qu’il n’y a pas de véritable intelligence dans les systèmes de navigation, les machines de deep learning ou encore les outils de reconnaissance vocale et faciale. Pour lui, il serait donc plus juste de parler d’intelligence augmentée au service de l’Homme, plutôt que de nourrir les craintes des sociétés et des individus avec le concept (trompeur) d’intelligence artificielle. Aujourd’hui, « l’IA n’est encore que mathématiques et statistiques ! » a lancé Luc Julia, recevant son prix des mains de l’économiste et président exécutif de la Fédération de la Haute-Couture et de la Mode Pascal Morand.
Guerre économique : sortir du déni
Comme chaque année, un ouvrage était également distingué par un jury composé d’élèves d’HEC Paris. Comme l’a indiqué Sébastien d’Herbès, Président de l’association dédiée à la promotion de la culture Le Salon, les élèves ont été rejoints pour cette 24e édition par des entrepreneurs de l’incubateur HEC à Station F. Du sang neuf qui explique peut-être que le choix des jurés se soit porté sur l’ouvrage très documenté d’Ali Laïdi, « Le droit, nouvelle arme de guerre économique. Comment les États-Unis déstabilisent les entreprises européennes » (2019, Actes Sud). Pour Ali Laïdi, docteur en sciences politiques et spécialiste des questions de guerre et d’intelligence économiques, ce prix est un signe que le sujet du droit, un temps réservé aux experts, infuse désormais auprès d’un public beaucoup plus large. Et pour cause, car la guerre économique « chaude » que livrent les États-Unis au reste du monde concerne aussi bien les États que les entreprises, a souligné Ali Laïdi. Au sein des organisations, ce sont les professionnels des Ressources Humaines qui pourraient bien se retrouver en première ligne avec la charge de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs sur ces questions complexes, mais aussi de recruter des collaborateurs aux compétences expertes sur le sujet.
Des pépites et un invité surprise !
Nouveauté de cette 24e édition du Prix ManpowerGroup-HEC Paris, sept « pépites RH » ont été présentées par Nicolas Bordas, Vice-Président International TBWA\Worldwide, qui a rejoint le jury cette année. Parmi elles, c’est le récit d’apprentissage « La vie solide » d’Arthur Lochman (2019, Payot) qui a particulièrement retenu l’intérêt de Nicolas Bordas, avec son éloge du charpentier érigée en éthique du faire. « Le travail qui guérit » de Jean-Michel Oughourlian (2018, Plon), « Kintsugi, l’art de la résilience » de Céline Santini (2018, First Editions), « L’invention du consommateur » de Louis Pinto (2018, PUF), « Le Pouvoir des imaginaires » de Patrice Duchemin (2018, Arkhe), « Algorithmes : la bombe à retardement » de Cathy O’Neil (2018, Les Arènes) et « Travail gratuit, la nouvelle exploitation » de Maud Simonet (2018, Textuel) ont également été chaudement recommandés.
La soirée a été clôturée par un invité de prestige : Yann Algan, doyen de l’École d’Affaires Publiques (EAP) et professeur d’économie à Sciences Po, membre du Conseil d’Analyse Économique et du Conseil National du Numérique, était venu présenter la plateforme collaborative The Core Project et le projet Econofides, un ensemble de ressources numériques à destination des lycéens qui pour apprendre l’économie autrement grâce à des contenus de micro-learning et des e-books en accès libre.
Les membres du jury du 24e Prix RH ManpowerGroup-HEC Paris :
Le jury des élèves d’HEC Paris était représenté par Sébastien d’Herbès, Président de l’association « Le Salon », qui promeut la culture sur le campus. Cette année, le jury avait également présélectionné les ouvrages suivants :
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Crédit photos : MilkyLab