Alain Roumilhac est le président de ManpowerGroup France.
Cette tribune a été initialement publié le 20/04 dans Les Echos.
Aujourd’hui, les entreprises font face à deux grandes transformations. La première est numérique, source d’opportunités et d’innovations : les technologies de l’information bouleversent l’organisation de l’entreprise, des modes de travail aux « business models » eux-mêmes. Concrètement, cela se traduit par un grand besoin en compétences, plus diverses et spécialisées. La seconde, qui en résulte, est la profonde mutation des ressources humaines. Nouvelles générations de diplômés, diffusion des pratiques numériques, autant de changements de savoir-faire et de savoir-être.
« Au-delà des discours, posons la question des lieux de travail afin qu’ils soient pensés pour tous les collaborateurs, peu importe le genre et l’âge »
Parallèlement, une tendance de fond se confirme : la question des qualifications comme barrière face au chômage. Avec 5 % de chômage pour les bac +2 et au-dessus, le diplôme protège toujours autant. Cette fracture est également fortement prégnante dans l’emploi féminin. Si la mixité progresse plus rapidement pour les plus diplômées d’entre elles, la ségrégation s’est renforcée pour les non ou peu diplômées.
Pour réussir ces transformations économiques et numériques, une étude récente du cabinet McKinsey estime qu’il manquera 700.000 diplômés du supérieur à l’horizon 2020. Il existe donc des compétences pénuriques et des métiers sous tension. Sur la question de l’égalité, les femmes ont rattrapé, voire surpassé, les hommes en termes de diplômes. Pourtant, elles connaissent une entrée dans le monde du travail plus longue et complexe que les hommes, devant notamment jongler entre vies professionnelle et familiale.
Je suis le premier à encourager les femmes, à leur dire de prendre des initiatives, de ne pas avoir peur de se tromper car je crois en la culture itérative. Mais au-delà des discours, posons la question des lieux de travail afin qu’ils soient pensés pour tous les collaborateurs, peu importe le genre et l’âge. C’est uniquement en opérant ce changement culturel que les entreprises pourront trouver un meilleur équilibre entre temps sur le lieu de travail et vie personnelle. Au bénéfice de tous les collaborateurs ! On peut très bien être un patron ou un employé performant avec des horaires normaux. Ma journée de travail s’achève à 19 h 30, et le week-end est réservé à ma famille !
« Une entreprise qui promeut l’égalité s’engage sur la voie d’une meilleure performance économique »
Pour autant, des inégalités persistent tant en termes d’écart de salaire que de mixité dans l’emploi. Les stéréotypes ont la vie dure et un grand nombre de métiers, comme l’ingénierie de l’industrie, le BTP et l’architecture ou la logistique, où la proportion de femmes dépasse timidement les 20 %, conservent une image très « virile ». Dans d’autres métiers au contraire, la part des femmes progresse : cadres commerciaux, de la banque et des assurances ou les personnels du droit. La mixité dans l’emploi progresse, lentement mais sûrement !
Il faut donc encourager les collaborateurs à dépasser les stéréotypes pour reconnaître les contributions de chacun. Les femmes représentent près de 60 % du marché des compétences à travers le monde… Il est grand temps de leur donner la place qu’elles occupent vraiment. Ne pas promouvoir les femmes dans des rôles leaders n’est pas juste regrettable pour elles mais surtout pour l’entreprise qui connaît alors une véritable perte en termes de talent et d’innovation.
Le constat n’est pas totalement sombre : plus de 30 % des membres des conseils d’administration du CAC 40 sont des femmes. Certaines entreprises ont même déjà atteint le seuil des 40 %, fixé pour 2017. Mais la guerre des talents féminins se profile déjà à l’horizon puisque les grandes entreprises comme les petites vont devoir trouver des centaines d’administratrices avec une concurrence internationalisée.
Cela nous amène à conclure sur une touche optimiste : une entreprise juste et égalitaire sera d’autant plus attractive pour les femmes comme pour les hommes car ayant accès à un plus large vivier de talents, elle gagnera en efficacité. Répétons-le donc, une entreprise qui promeut l’égalité s’engage sur la voie d’une meilleure performance économique.