Experis Management de Transition est le cabinet de référence, au sein de ManpowerGroup, spécialisé dans l'identification et la mise à disposition de compétences managériales pour accompagner les entreprises dans leurs projets de transformation. Devenu un métier à part entière, le management de transition s’est imposé comme un véritable outil managérial dont l’objectif est de répondre à des enjeux de transformation : gestion de crise, redressement et restructuration d'entreprise, remplacement ou besoin temporaire d'une ressource clé, gestion du changement, pilotage d'un projet...

Changeons de regard sur le management de transition

Tribune d'Emmanuel de Catheu, Directeur Général d'Experis Executive, cabinet de recrutement par approche directe de ManpowerGroup. Cette tribune a été initialement publié le 13/07 dans Economie Matin
Y aurait-il quelque chose de nouveau au royaume du travail ? L’ « économie à la demande », qui transforme tant de secteurs économiques (transports, alimentation, santé ou encore habitat), est-elle en train de gagner celui de l’emploi, et d’ébranler ainsi le sacro-saint salariat, y compris dans les plus hautes sphères de l’entreprise ? Et si le temps d’un management de transition d’un genre nouveau était enfin venu ?
"En France, l’autonomie est bien réelle : 35 % des 25-30 ans souhaiteraient être indépendants (baromètre jeunesse de l’Ifop 2013) contre 38 % qui souhaitent être salariés"
Bien sur, le CDI représente encore 86% des emplois salariés, mais il n'est pas forcément synonyme de stabilité : plus d’un CDI sur trois est rompu avant son premier anniversaire. Et puis, on le constate, l'économie à la demande met ou remet sur le devant de la scène des formes de travail hybrides et jusque-là marginales. Ce mouvement de parcellisation du travail est à l'origine de l'avènement d'une freelance economy, qui concernerait aujourd’hui près d'un Américain sur trois. En France, nous n’en sommes pas là, mais cette aspiration à l’autonomie est bien réelle : 35 % des 25-30 ans souhaiteraient être indépendants (baromètre jeunesse de l’Ifop 2013) contre 38 % qui souhaitent être salariés. Et six ans après le lancement du régime de l’auto-entrepreneur, près d’un million cinq cent mille auto-entreprises ont été créées.
On pourrait analyser la progression du nombre de travailleurs indépendants en France comme aux États-Unis ou en Europe, comme une réponse contracyclique au chômage, et par conséquent, reflétant la précarisation du monde du travail. Je préfère, quant à moi, l’analyser comme un changement culturel et social qui participe aux transformations du travail et relève d’un choix occupationnel plutôt que d’une nécessité. Ce choix occupationnel a le mérite de combiner proactivité, flexibilité et quête de sens pour l’individu. Trois valeurs qui traduisent une évolution sociétale de la notion de carrière et qui sont aussi autant d’atouts pour l’entreprise.
Le succès croissant du management de transition illustre cette tendance, à laquelle s’ajoute le déficit structurel de compétences aux plus hauts niveaux de l'entreprise, creusé par le phénomène de mondialisation des cadres dirigeants, et l’hyper volatilité des marchés, avec laquelle il faudra s’habituer à vivre…et travailler ! Il me semble pourtant que le manager de transition n’a pas si bonne presse – ou en tous cas, qu’il n’est apprécié comme il devrait l’être, c’est-à-dire à la hauteur de son apport à l’entreprise en particulier et à ce nouveau marché du travail en général, dans un contexte de transformation profonde des organisations.
Alors à son sujet, il est grand temps de changer de regard, et de lui conférer un rôle et une reconnaissance inédite. On le dépeint souvent comme une sorte de mercenaire, alors que ses missions sont de plus en plus complexes et donc de plus en plus longues (supérieures à 200 jours). Pas si mal quand on estime qu’un jeune diplômé de vingt-sept ans connaitra plus d’une dizaine d’employeurs dans sa vie professionnelle ! On le dit fossoyeur, ou au mieux cost-killer, alors que la conduite de projet ou la gestion du changement, au service de la croissance et de la transformation de l’entreprise, constituent plus d’une mission sur deux, très loin devant le redressement ou la gestion de crise (15%).
"Ce manager de transition, on le dit fossoyeur, ou au mieux cost-killer, alors que la conduite de projet ou la gestion du changement constituent plus d’une mission sur deux"
On le réduit trop souvent aux fonctions financières ou RH, alors que la demande du marché a considérablement évolué, s’élargissant aux fonctions commerciales, marketing, informatiques... On l’imagine hors de prix mais on mesure mal le coût réel (et considérable) d’un recrutement raté, plus élevé encore dans des fonctions exécutives. On le croit réservé aux très grandes entreprises, mais ce sont les ETI qui sont aujourd’hui très demandeuses, et les organismes parapublics s’y mettent… Enfin, sachez que le manager de transition n’est pas forcément un homme, parisien et d’âge mûr : il est de plus en plus jeune, et un sur cinq est une femme (ce qui est encore trop peu, mais c’est une proportion qui progresse !).
Bref, en France, cette « nouvelle forme d’emploi » est en train de s’ouvrir et de mûrir (avec un bon nombre d’années de retard par rapport à nos voisins germains ou bataves, néanmoins). Il était temps car il me semble évident que nos entreprises, moyennes ou grandes, sont aujourd’hui confrontées à une accélération de leur rythme d’adaptation et de transformation qui nécessite une souplesse et une réactivité inédites. Dans ce contexte de révolution copernicienne pour l’entreprise, les qualités fondamentales d’un bon manager de transition que sont l’adaptabilité, le charisme et la vision préfigurent aujourd’hui le manager idéal de demain, initiateur et accompagnateur de transformations.
Crédit image : John Salzarulo / CC BY 2.0

Apparu dans les années 70 aux Pays-Bas sous le nom d’Interim-Management, le management de transition s’est d’abord développé pour répondre rapidement à des situations de crises (positives ou négatives, forte croissance ou fermeture d’usine). Mais, depuis plusieurs années, cette pratique connaît un essor important en France.
Président de la Fédération Nationale du Management de Transition qui regroupe une vingtaine de cabinets en France, Grégoire Cabri-Wiltzer a accepté de répondre aux questions de l’Atelier de l’Emploi.
Qu’est-ce que le management de transition ?
Grégoire Cabri-Wiltzer. Pour faire simple : une entreprise exprime le besoin ponctuel, dans une durée déterminée, d’un manager extérieur pour mener à bien une mission. Les cabinets de management de transition doivent ainsi trouver le manager, définir le besoin, délimiter la mission, puis l’accompagner jusqu’à son terme.
L’image du management de transition a souvent été assimilée à la gestion de crises. Est-ce toujours le cas ?
Non, c’est une idée reçue. Le manager de transition n’est plus ce mercenaire extérieur venant dans une entreprise pour mener à bien un plan social ou une restructuration. C’est une vision très datée ! Aujourd’hui, 60% des missions concernent la conduite du changement et la réalisation de projets alors que la gestion des crises ne représentent plus que 15%. Même le management-relay, c’est-à-dire le remplacement de quelqu’un dans une entreprise pour un temps déterminée, représente davantage, soit 25% de notre activité. Le management de transition est un métier qui a considérablement évolué ces dernières années : il n’est plus cantonné à la mise en place de plans sociaux, au contraire, l’essentiel de ses missions relève de la gestion de projet !
« Le manager de transition n’est plus ce mercenaire extérieur venant dans une entreprise pour mener à bien un plan social ou une restructuration »
Pouvez-vous me donner quelques exemples (secteurs, métiers…) ?
C’est très divers. Cela peut-être, dans une usine, la mise en place d’une nouvelle chaîne de fabrication, une Direction Générale d’un groupe qui rachète une filiale à l’étranger et qui a besoin de réorganiser cette filiale. En Ressources Humaines, quelqu’un qui met en place une nouvelle organisation RH ou un SIRH. Aujourd’hui, les métiers sont plutôt bien répartis dans les activités en France, 20% de missions tournent autour de la Direction Générale, 20% autour des Ressources Humaines, 20% autours des Directions Financières et 20% d’autres, côté commerciale, marketing…
Pourquoi faire appel à un cabinet en management de transition plutôt que de recourir à des forces internes à l’entreprise ?
Il y a plusieurs approches : parfois, on n’a tout simplement pas les ressources disponibles, dans l’absolu ou à un instant T. Et, dans d’autres cas, ces ressources ne disposent pas des bonnes compétences. Tout l’intérêt du management de transition, c’est de faire appel à quelqu’un de compétent, d’expérimenté et d’immédiatement opérationnel. Parce que le métier du management de transition, ce n’est pas du consulting, c’est de la gestion de projet de A à Z dans une durée limitée.
Quel est l’avantage de faire appel à quelqu’un d’extérieur pour des projets touchant souvent à l’organisation même de l’entreprise ?
Le fait que ce soit quelqu’un d’extérieur, dont tout le monde sait (y compris lui-même) qu’il est là pour une durée limitée dans l’entreprise, ça change beaucoup de choses ! Le manager de transition est dégagé des contingences politiques internes à l’entreprise et va donc pouvoir se consacrer uniquement à sa mission. Bien sûr, il doit respecter les règles, mais il n’est pas là pour suivre une progression de carrière. Il peut se concentrer sur sa mission, et juste sa mission. C’est un business model tout à fait différent que celui de prendre quelqu’un pour administrer un département. L’objet du manager de transition : la mission, toute la mission, rien que la mission.
« Le manager de transition est dégagé des contingences politiques internes à l’entreprise et va donc pouvoir se consacrer uniquement à sa mission »
Comment réagissent les salariés de l’entreprise à la présence d’un manager de transition ?
Paradoxalement, comme il n’est pas perçu comme un concurrent par les collaborateurs, n’étant là que pour une durée limitée, le manager de transition est ressenti comme un support, quelqu’un qui n’est pas pris dans l’étau des contingences politiques de l’entreprise et qui peut apporter son aide au niveau opérationnel, avec le recul et l’expérience nécessaire. Aujourd’hui, ce n’est plus ce mercenaire venu pour « casser la boite », c’est plutôt un « chevalier » qui vient l’aider, si vous voulez mon avis (rire) !
Quelles entreprises font appels à des managers de transition ?
Tout type d’entreprise : grosses, petites, des Business Unit de grands groupes, des entreprises internationales basées en France ou des entreprises françaises à l’international. Par contre, une entreprise qui fait moins de 30 millions de CA aura tendance à faire appel un manager de transition principalement pour des jobs de Direction Générale ou Financière.
Dans quels secteurs ?
55% de nos métiers sont dans l’industrie, 25% dans les services et 10% dans la distribution. Dans ces secteurs, la spécialisation est une tendance de fond dans le management de transition : une recherche de gens de plus en plus pointus, spécialistes des métiers ou des secteurs. Ce n’est pas anodin, car cela suscite un travail de plus en plus exigeant à fournir par les cabinets de management de transition : identification, clarification de la mission, des profils puis de suivi de mission. Avant on disait « Trouvez-moi un DAF », aujourd’hui c’est « Trouvez-moi un DAF spécialisé pour tel type de sujet, capable d’effectuer tel type de mission ». De ce fait, le rôle du cabinet de transition est de plus en plus complexe d’autant plus que les entreprises sont très exigeantes sur le suivi de la mission effectuée par le cabinet.
Le management de transition a-t-il besoin d’une existence légale particulière ? D’un point de vue juridique, comment se distingue-t-il du portage et de l’interim-cadre ?
Le management de transition en tant que tel, n’a pas de statut légal spécifique. Différents moyens existent pour mettre en place des managers de transition dans les entreprises : il peut y avoir des managers qui interviennent pour leur compte, des managers qui sont portés, ou des managers intérimaire. Toutes ces solutions cohabitent très bien ensemble !
« L’objet du manager de transition : la mission, toute la mission, rien que la mission. »
Quel est l’historique de la pratique du management de transition, en France et à l’étranger ?
Historiquement, deux pays se distinguent en Europe : la Hollande et l’Angleterre. Dans ce second cas, rien d’étonnant : le Royaume-Uni est un pays où la flexibilité des travailleurs est toujours privilégiée. Mais l’autre pays qui a pris de l’avance, c’est l’Allemagne et, sur ce point, on peut dire que le management de transition relève aussi d’une culture : il faut comprendre qu’un projet ne se gère pas comme du on-going business, c’est un état d’esprit différent : on fonctionne en « mode projet ».
Et les États-Unis ?
Curieusement, le management de transition est relativement peu développé aux Etats-Unis : l’indépendance y est bien plus présente qu’en Europe et rend peut-être le management de transition un peu moins nécessaire. Le mode de réflexion est complètement différent du nôtre, pour eux, le management de transition est uniquement perçu comme la mise à disposition de freelance.
Justement, le manager de transition - qui fait des missions d’un an par exemple, parfois plus courtes - préfigure-t-il un rapport au travail qui va tendre à se généraliser, vers plus d’agilité et de flexibilité ?
Dans sa philosophie, le management de transition s’inscrit tout à fait dans cette tendance. Prenez les managers eux-mêmes : souvent ce sont d’anciens cadres supérieurs de 50 ans qui ont vécu pas mal de situations politiques dans leur carrière, ils ont déjà au minimum entre 20 et 25 ans d’expérience de l’entreprise et souhaitent prendre de la distance, se concentrer sur ses compétences et des missions précises. Parfois, ils ont exercé des responsabilités importantes en entreprise et, en prenant une mission, ils reviennent vers leur métier… Autant dire leur passion.
Qu’est-ce qu’un bon manager de transition ?
Compétent, opérationnel, flexible, quelqu’un de pragmatique et focused sur ce qu’il aime.
« Et le management de transition est un outil structurel du changement dans les entreprises ! »
Combien dure en moyenne une mission ? Y a-t-il de fort écart à la moyenne pour une mission ?
En général, une mission de transition, c’est 211 jours, selon les chiffres de la FNMT. Une des forces de ce métier, c’est que le manager est sous-tension parce qu’il a un temps limité pour mettre en place sa mission : un projet, ça s’inscrit dans une certaine durée, sinon ça se délite. Le facteur temps est un facteur performance.
L’avenir du management de transition en France, notamment face à la transformation digitale ?
Aujourd’hui, les transformations sont nombreuses : la digitalisation, le changement des modes de travail mais aussi l’internationalisation. Les entreprises expriment un besoin croissant de trouver des dispositifs pour réaliser ces mutations à tous les niveaux et de la meilleure façon possible. Et le management de transition est un outil structurel de ces changements dans les entreprises !
Crédit images et graphiques : FNMT © ; Martinak15 / CC BY 2.0
Source : Baromètre de la FNMT 2014

ANALYSE. Pour vivre heureux, vivons cachés ? En dépit d’une croissance continue depuis 2012, le management de transition peine encore à se faire connaître en France. Pourtant, en Europe, plusieurs pays précurseurs ne cessent de démontrer les avantages de ces interim managers. Panorama européen d’une pratique en croissance.
Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique : dans ces pays, le management de transition est plébiscité depuis plusieurs années comme l’un des moyens les plus efficaces pour profiter immédiatement, et pour une durée définie, de compétences stratégiques. Faire appel à un manager de transition permet de répondre, avec une grande flexibilité, à des enjeux de transformation de plus en plus fréquents.
En France, le management de transition reste un marché de niche (0,1% des prestations intellectuelles) mais présente un très fort potentiel de croissance pour plusieurs raisons :
- Une tendance qui répond à l’évolution du marché du travail (indépendance, multiplications des expériences...)
- Une croissance continue et soutenue (au moins 4%) depuis 2012
- Des honoraires contenus en raison de l’accroissement du nombre de cabinets ces dernières années
Arrivé à maturité dans plusieurs pays, le management de transition s’est développé selon des modèles différents ; quelles formes prend-il dans les pays d’Europe où il est courant ? Quels sont les modèles à suivre ? Panorama et synthèse des grandes tendances d’une pratique RH qui gagne à être connue.
Allemagne et Royaume-Uni, les marchés les plus matures et les plus structurés
Comparativement au marché français, les marchés britannique et allemand sont les plus avancés. La pratique y est plus identifiée, plus acceptée, le nombre de cabinets et les volumes d'affaires plus élevés. Aujourd'hui, les entreprises de ces deux pays n'ont plus aucune réticence à faire appel à un « extérieur » pour résoudre des problématiques managériales internes.
L'Allemagne : le 1er marché européen
Avec un volume d’affaire annuel de 1400 M€, l'Allemagne est le fer de lance du management de transition. La progression du marché a été fulgurante, passant de 400 M€ en 2004 à plus du triple aujourd'hui. Ce dynamisme, l'Allemagne le doit notamment à l'utilisation fréquente de manager de transition dans l'industrie pour gérer des pénuries ponctuelles de main d’œuvre ou de compétences (17% des missions) ou pour faire le pont entre le départ d'un ancien employé et un recrutement, pratique qu'on appelle aussi management relais (10%) – même si la gestion du changement et des projets de transformations restent le motif le plus fréquent (24%) avec la gestion de crise (19%).
Selon la Dachgesellscaft Deutsches Interim Mangement, l'instance représentative de la profession en Allemagne, il n'y aurait pas moins de 1500 managers de transition actifs aujourd'hui. Autre particularité du marché allemand : les missions y durent 9,2 mois en moyenne, ce qui en fait le pays où elles sont les plus longues, après la Belgique.
Le Royaume-Uni : le plus structuré d'Europe avec plus de 500 cabinets
Marché référent en Europe, tant par son ancienneté que par son niveau de structuration, le Royaume-Uni pesait déjà 700M€ en 2010 et représentait plus de 1200M€ en 2014. Les managers intérimaires ont su se faire une place de choix dans l’industrie et les postes de direction : en 2014, plus de 500 cabinets britanniques revendiquaient cette activité, que ce soit en pure-player ou, plus fréquemment, comme service d'un cabinet généraliste.
Source : Enquête Delville sur le management de transition en France et au Royaume-Uni (2015)
Au Royaume-Uni, la pratique est suffisamment répandue pour que des études se penchent sur son image :
- 54% des Britanniques interrogés connaissent le métier car ils y ont déjà eu recours, contre 35% pour la France.
- Le statut de manager de transition jouit d’une très bonne image : 34% d’avis très favorable contre 27% en France.
- Confortées par un enthousiasme qui ne se dément pas, les entreprises britanniques renouvèlent régulièrement l’expérience : 46% ont déjà eu recours plus de deux fois à un manager d’intérim.
- Très peu sont donc celles qui n’ont pas encore franchi le pas : 36% en Grande-Bretagne pour près du double en France avec 65%.
- Le recours au management de transition est également plus populaire parmi les grandes entreprises britanniques que parmi les françaises.
Expertise, disponibilité et flexibilité : les entreprises des deux pays se rejoignent toutefois sur les principales motivations à l’embauche, et plébiscitent le recours à un manager orienté satisfaction client, grâce à la brièveté des missions qui lui permettent de garder une certaine indépendance et une grande agilité. Signe que la pratique est plus intégrée au Royaume-Uni, la durée des missions y est plus courte que dans l’Hexagone : 55% des managers d’intérim britanniques effectuent une mission inférieure à 6 mois contre 47% en France. Autre point de divergence important, la séniorité du manager de transition : bien plus importante aux yeux des Français qui sont 47% à la désigner comme un plus significatif dans l’intervention des managers d’intérim, contre seulement 17% outre-Manche.
Concernant les voies de recrutement, le recours au réseau est privilégié en Grande-Bretagne là où les Français délèguent la tâche à un cabinet. En définitive, le marché britannique pérennise des habitudes déjà fortement ancrées en matière de management de transition, là où la France tente de rattraper son retard en capitalisant sur un modèle qui lui est propre.
La Belgique, un véritable potentiel de croissance
En évolution de 8,6% en 2014, le marché belge représente aujourd'hui 81,3 millions d'euros de chiffre d'affaires. La fédération des prestataires de services RH Federgon rassemble 66 cabinets, un nombre qui a presque doublé depuis la crise de 2008. Selon cette fédération, le marché belge réalise une moyenne de 500 missions par an, dont seules 30% ont une durée supérieure à 9 mois.
Dans une étude réalisée en 2008, Federgon dévoile les nombreuses caractéristiques du marché belge de l’époque :
- Le recours au management de transition est particulièrement marqué dans les domaines de la finance (56,6%), des RH (8,7%) et des technologies de l'information et de la communication (7,7%).
- Pour 32%, les missions concernent la gestion du changement, et la gestion de crise à 18%, selon un modèle proche du marché français.
- L’image du management de transition est globalement très positive, autant chez les entreprises qui y ont recours, principalement en raison de son très satisfaisant rapport qualité/prix, que chez celles qui n’ont pas encore franchi le pas.
- Les entreprises d’intérim sont les premiers fournisseurs de manager de transition. Très peu sont les entreprises qui rentrent directement en contact avec ce genre d’intérimaires.
Le dernier point s’explique par le fait que ces cabinets proposent une sélection fine et pertinente des candidats, assurent un suivi durant la mission et sont présents pour en établir le bilan. Le rôle des cabinets d’intérim management est donc déterminant dans le succès du management de transition en Belgique.
Les Pays-Bas, précurseurs malgré eux ?
"Historiquement, deux pays se distinguent en Europe : les Pays-Bas et l’Angleterre" nous expliquait Grégoire Cabri-Wiltzer, président de la Fédération nationale du management de transition. Mais si, en effet, le management de transition a vu le jour dans les années 1970 aux Pays-Bas, il est impossible de donner une estimation fiable du marché aujourd'hui. Christian Brière expliquait, dans son ouvrage Le management de transition : les enjeux d'une pratique en plein développement (2010) : « Les Pays-Bas n'ont jamais été réellement proactifs dans le développement de cette prestation. Ils se sont surtout adaptés à des contraintes juridiques : le droit du travail hollandais est devenu, il y a 25 ans, très protecteur vis-à-vis des salariés, encourageant les entreprises à recruter des indépendants. Le management de transition s'est développé par la force des choses. »
Dans des pays comme les Pays-Bas et les États-Unis, où le statut d’indépendant est très commun, la ligne est difficile à tracer entre dirigeants classiques, dirigeants par intérim et consultants indépendants. En 2010, les estimations les plus prudentes faisaient des Pays-Bas le pays avec la plus forte densité de managers de transition par rapport à la population active, "huit fois plus élevé qu'en Allemagne", soulignait Christian Brière. Certaines études évoquent pas moins de 40 000 managers de transition, mais elles regroupent plusieurs types de travailleurs indépendants... Et beaucoup d'entre eux interviennent davantage "dans les structures publiques, le secteur médico-social et les associations, mais proportionnellement peu dans les structures privées".
En Italie, un développement en demi-teinte pour des raisons culturelles et économiques
Sur le marché italien, le management de transition est moins répandu que dans les autres pays européens. Une des raisons de cette faible maturité est que, comparativement à ses voisins, l’Italie dispose d’une proportion moindre de grandes entreprises complexes. L’économie italienne est, de fait, constituée d’une multitude de petites et moyennes entreprises, dont les dirigeants ne sont pas habitués à travailler avec des managers intérimaires extérieurs.
Le plus grand challenge de l’Italie est alors de rendre compatible le développement du management de transition avec sa structure de marché. Des coûts généralement plus bas que dans les autres pays européens selon Executives Online devraient participer à cet essor. Par ailleurs, les PME italiennes se font progressivement à l’idée de recourir de manière plus fréquente à des managers intérimaires pour faire face, soit à un manque temporaire de managers dans leur organisation (10%), soit à un manque de compétences disponibles (14%) ou encore, cas le plus fréquent, des projets de conduite du changement (33%).
En conclusion, ce panorama dessine une Europe qui se tourne de plus en plus vers le management de transition. En plus de promouvoir une croissance économique saine, cette pratique innovante est une réponse adaptée à un monde en transformation, où les entreprises cherchent de plus en plus à faire rimer expertise et flexibilité.
Crédit image : License: CC0 Public Domain / FAQ

ENTRETIEN. Agilité, accompagnement, résultats… tels sont les maîtres mots des nouveaux managers de transition, ces cadres qui mettent leur expérience au service des phases de changement et de transformations des entreprises. Rencontre avec un manager de transition.
Apparu dans les années 70 sous le nom d’Intérim-Management, le management de transition connaît un essor important en France. La profession semble atteindre une certaine maturité, alors que se multiplient cabinets et services spécialisés, pour co-construire une pratique qui répond à plusieurs tendances du marché du travail. Manager de transition depuis cinq ans, Patricia Berger a une longue expérience de DRH, notamment chez Maison du Monde et H&M France. Elle partage avec nous son analyse sur cette pratique en croissance.
Qu’est-ce qui vous a mené au métier de manager de transition ?
Patricia Berger. Je suis tombée dans la marmite très tôt ! Dans le secteur des RH depuis 1983 (j’ai 56 ans), j’ai commencé à l’époque où la fonction RH n’était pas structurée comme maintenant. J’ai assisté à sa création et à son évolution, ce qui me permet aujourd’hui d’en avoir une vision très complète. Après une carrière de DRH, j’ai eu le sentiment d’arriver au bout d’un cycle, et j’ai ressenti, comme beaucoup, l’envie d’exercer ce métier de façon différente.
Pourquoi, et comment avez-vous commencé à exercer ce métier ?
J’avais, à la fois, la volonté de quitter l’entreprise en douceur et de préparer la fin de ma vie professionnelle. C’est là que je me suis mise à m’intéresser au management de transition ! Mais je n’ai pas trouvé grand chose à l’époque, même auprès de cabinets et de consultants. C’était il n’y a pas si longtemps, mais la pratique était moins développée qu’aujourd’hui. En 2009, quand le groupe H&M a entamé sa transformation, j’ai quitté l’entreprise en deux temps : d’abord en souhaitant garder un rôle d'expert auprès des Entreprises et puis en volant de mes propres ailes.
Une première mission est arrivée très vite, par le biais de contacts, pour un groupe américain où je devais accompagner le départ d’un DRH et le recrutement d’un autre… La mission devait durer 2 mois et elle a duré…. 2 ans ! Depuis, pour rien au monde je ne souhaite qu’on me propose un CDI !
Mais deux ans, est-ce encore du management de transition ?
Oui bien sur ! J’ai eu des missions différentes : après avoir travaillé sur la partie paie, je suis passée à une mission sur l’expertise sociale. Aujourd’hui, mon expérience de DRH me permet d’avoir l’impression d’être un globe trotter : je peux arriver dans n’importe quelle situation, n’importe quel environnement, j’ai ma boite à outils !
Quelle est la valeur ajoutée du recours à un manager de transition plutôt qu’une solution interne ? Surtout quand cela concerne l’organisation des entreprises…
Tout simplement parce que le manager de transition n’a pas d’enjeux personnels liés à cette entreprise : dans le groupe où je suis actuellement missionné, c’est le DRH en poste qui a lui-même proposé au Directeur Général un manager de transition pour l’accompagner sur la reprise des relations sociales dans l’entreprise et aboutir à la négociation des accords. Suite à un rachat qui n’avait pas été, selon moi, assez bien préparé sur ce volet, ce qui a crée du dysfonctionnement et un blocage avec les instances représentatives du personnel (IRP), ma mission est de redonner du sens et de la cohésion. C’est de la conduite du changement.
Comment procédez-vous pour que la mission soit un succès ?
Il est primordial de bien expliquer pourquoi on est là, de faire preuve d’humilité et de réserve, d’établir des contacts réguliers avec les responsables des différentes business units, de participer au Comité de Direction en support de la DRH et de communiquer sur son action - et ses résultats !
Bien sûr, le côté senior et expérimenté aide à être bien accueilli et écouté : l’expérience, l’empathie, la bienveillance d’un côté, et l’expertise et la technique de l’autre. L’objectif est d’apporter des solutions pour désamorcer des situations qui, parfois, durent depuis longtemps. C’est souvent un blocage qui suscite l’appel – à la rescousse – d’un manager de transition !
Le manager de transition, c’est donc un peu un casque bleu dans une zone de conflits ?
Ce n’est pas une zone de guerre, c’est une zone de turbulence. L’important, c’est d’être détaché : le manager de transition est là, au-dessus du champ des opérations : il doit rapidement se déployer, apporter un diagnostic, un plan d’action et obtenir des résultats. Un bon manager de transition établit lui-même des tableaux de bords, en tout autonomie afin de savoir s’il suit bien ses objectifs.
Combien de temps durent les missions ?
Ma première mission avait duré six mois, mais la suivante a duré deux ans et a même débouché sur une proposition de CDI que j’ai refusée. Ici, je suis presque devenue une « permanente » - mais ce n’est pas forcément une bonne chose pour l’entreprise elle-même : l’un des aspects d’une mission réussie pour un manager de transition est de rendre logique… son départ. Il faut régulièrement faire le point avec le président et le DRH, sur les aspects de la feuille de route et des missions qui vous ont été confiées. C’est là que je leur rappelle que la mission est validée et que je vais bientôt partir ! Après, ça ne veut pas dire qu’on ne retravaille pas avec la même entreprise par la suite, en support, lors de besoins ponctuels.
Comment voyez-vous l’avenir du management de transition en France, notamment face à la transformation digitale ? Est-ce un marché qui se structure et un métier qui correspond à des tendances fortes ?
Le management de transition va gagner en importance ! C’est une tendance de fond dans les grandes entreprises qui répond un besoin de structuration et de sens, un besoin de remotiver les collaborateurs - et ce jusqu’au comité de direction. A mon sens, l’entreprise a besoin d’injecter régulièrement de l’extériorité pour retrouver du souffle et du dynamisme !
Pourquoi ce besoin, et pourquoi maintenant ?
Parce qu’on arrive au bout d’un cycle où tout a été axé sur la rentabilité et la performance, mais où les équipes et les collaborateurs sont épuisés... Le sentiment d’appartenance et de réussir ensemble s’est petit à petit perdu à cause des aspects financiers, de la rentabilité à tout prix et, aussi, de la disparition du pouvoir de décision en France, au profit de groupes étrangers. Le manager de transition peut se situer du côté de l’humain : paradoxalement, comme il n’a pas d’enjeux personnels dans l’entreprise, on le lui permet davantage et, ce que je constate, c’est même qu’on l’écoute plus.
Il s’éloigne donc de plus en plus de son image initiale de mercenaire ?
C’était une image plutôt négative liée aux PSE. Mais à lui aussi d’élargir son champ de discussion et d’intervention ! Il faut savoir susciter la confiance, pas de jugement, rester en retrait pour pouvoir être écouté, y compris sur ces questions.
C’est un secteur qui gagne à être structuré, notamment avec la multiplication des cabinets de management de transition ?
Il y a cinq ans, lorsque j’ai voulu exercer ce métier, je me suis demandé à quelle porte frappe… Aujourd’hui, les cabinets se multiplient et le secteur se structure. Mais j’ai tendance à penser qu’il faut plus de prises de contacts de la part des cabinets : les managers de transition ont besoin de plus d’accompagnement et de réflexion sur plusieurs questions, notamment les moyens d’aborder les entreprises et de vendre ce métier mature, mais encore nouveau qu’est le management de transition. Un binôme cabinet-manager permettrait que ce secteur se développe encore plus vite, et ce serait évidemment une très bonne chose !
Le communiqué de presse