L'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, qui généralise la couverture santé à tous les salariés à l'horizon 2016, a-t-il eu un impact sur le marché du recrutement dans l'assurance ?
Nicole Degbo : Jusqu'à présent le marche des accords de branche était dominé par quelques institutions de prévoyance et des mutuelles ayant un véritable savoir-faire en la matière. Mass l'ANI – notamment la décision du 19 décembre du Conseil constitutionnel qui a partiellement censuré l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2014, rejetant ainsi les clauses de désignation – redistribue théoriquement les cartes, même si la nouvelle répartition des acteurs se fera progressivement.
Aussi, depuis quelques mois, tous les acteurs définissent une stratégie pour tirer profit du nouveau contexte imposé par l'ANI et organisent diverses actions pour consolider, voire renforcer, leur positionnement en assurances collectives. Ces réflexions entraînent naturellement des recrutements en adéquation avec les enjeux définis par chaque acteur.
Quels sont les métiers recherches par les acteurs qui veulent tirer parti de l'ANI ?
Il est certain que le marché des accords de branche va devenir plus concurrentiel. Pour faire face à cela, les acteurs recrutent en priorité des lobbyistes et des négociateurs de convention collective nationale, qui forment un binôme clé pour identifier et négocier les accords. Les enjeux sont également politiques et favorisent la recherche de personnes influentes et maîtrisant les arcanes des négociations, qui sont un équilibre entre une réponse technique, un savoir faire commercial et une finesse politique susceptibles d'optimiser le pilotage des dossiers. En matière de recrutement, nous sommes donc sur un marché de niche, qui oblige à explorer des voies moins traditionnelles telles que les organisations patronales et les syndicats de salariés, dont le métier est précisément d'exercer une influence.
[encadre]Les entreprises ne cherchent-elles pas aussi à « muscler » leurs forces de vente ?
En effet, les accords de branche, particulièrement depuis les discussions relatives à l'ANI, impliquent la mise en œuvre de stratégies de conquête territoriale, avec une attention toute particulière portée désormais aux travailleurs non salariés (TNS), qui connaissent de vrais enjeux de protection sociale, notamment en santé. Dans cette logique, on sait que certains acteurs sont déjà à pied d'œuvre sur le sujet, avec un axe de conquête des TNS communiqué aux équipes commerciales. Ces nouveaux objectifs ont également un impact sur l'offre de produits, qui doit être adaptée pour répondre aux besoins de ce marché. D'ailleurs, certaines entreprises sont amenées à recruter des chefs de produit prévoyance-santé TNS.
Quelle est la position des institutions de prévoyance?
Depuis quelques mois, les spécialistes des accords de branche s'inscrivent plutôt dans une stratégie défensive, l'idée étant de consolider leur activité et de renforcer les équipes pour gérer les tensions à venir provoquées par l'entrée des assureurs sur ce marché. A contrario, les assureurs sont dans une logique de conquête qui implique des recrutements, mais qui peut aussi aboutir à la naissance de partenariats stratégiques.
Les institutions de prévoyance vont-elles pour autant recruter?
L'ANI entraîne une exigence de qualité et de l’activité plus forte, qui touche d'autres métiers importants dans la chaîne de valeur des accords collectifs, comme les souscripteurs, les gestionnaires et, naturellement, les inspecteurs entreprises. II y a donc un certain nombre de recrutements de souscripteurs, d'autant que dans cette fonction, la population est plutôt vieillissante et que les salaires sont plutôt à la hausse. On sent également les entreprises préoccupées par l'amélioration du niveau de qualification des gestionnaires.