L’Observateur de l’OCDE revient, dans sa dernière édition, sur un slogan désormais célèbre : « Travailler plus pour gagner plus ». Loin des analyses « micro » habituelles (le lien entre les heures supplémentaires effectuées par un salarié et son pouvoir d’achat), l’Organisation de coopération et de développement économique nous invite à porter notre regard à l’échelle de l’ensemble d’une économie. Son analyse révèle les fondements des dynamiques des marchés du travail : pour la croissance économique d’un pays, la qualité du travail – sa productivité – est au moins aussi importante que sa quantité – le temps de travail.
Les Grecs travaillent plus que les Allemands…
L’analyse par l’OCDE de deux économies aux antipodes de la croissance et de l’emploi, la Grèce et l’Allemagne, montre bien que le nombre d’heures travaillées est loin d’être le seul déterminant de la création de valeur – la croissance. Entre 2008 et 2010, la Grèce a maintenu une moyenne d’environ 2 121 heures de travail par salarié : ce pays se trouve ainsi en 2ème position de l’OCDE en termes de nombre d’heures travaillées. Sur la même période, un Allemand travaillait en moyenne 1 412 heures, bien en-deçà de la moyenne des pays de l’OCDE, à 1 750 heures. C’est d’ailleurs l’un des aspects de la critique de la compétitivité allemande, parfois qualifiée de « low cost » : les réformes du marché du travail menées outre-Rhin ont privilégié l’emploi, notamment à temps partiel, plutôt que le pouvoir d’achat des salariés en place.
Au-delà de l’emploi stricto sensu, comment expliquer alors que les deux économies affichent des états de santé si différents ? L’OCDE rappelle en premier lieu que, en Allemagne, une part plus importante de la population travaille : 70% d’Allemands en âge de travailler travaillaient effectivement en 2010, contre seulement 60% de Grecs.
Au coeur de la croissance : la productivité
Au-delà de la quantité (nombre d’heures travaillées et nombre de personnes en emploi), la productivité est un élément déterminant de la croissance économique. Une économie de services « peu qualifiés » comme celle de la Grèce repose sur une main-d’œuvre assez abondante mais qui crée beaucoup moins de valeur qu’en Allemagne, où les secteurs manufacturiers à forte valeur ajoutée et les services aux entreprises occupent une place bien plus importante. Ainsi, le coût du travail est certes beaucoup moins élevé en Grèce qu’en Allemagne. Mais les économistes préfèrent mesurer le « coût salarial unitaire », qui prend en compte la productivité. Compte-tenu des écarts de qualification et de productivité entre les salariés grecs et allemands, celui-ci est bien plus élevé en Grèce qu’en Allemagne ; avec les conséquences que cela entraîne sur la compétitivité – capacité d’exportation notamment – des entreprises grecques.
Conclusion de l’OCDE : « travailler plus ne suffit pas pour qu’un pays gagne plus » : la dynamique d’un pays et de son marché du travail s’inscrit davantage dans le « travailler mieux ». La France, au taux d’emploi de 64,3% en 2011 (moyenne OCDE : 67,5%), pour un temps de travail annuel moyen par salarié de 1 476 heures (moyenne OCDE : 1 776 h), doit aussi être jugée à cette aune.
>>> En savoir + :
- L’article de l’OECD Observer
- Le dernier OECD Observer à feuilleter en ligne
- La productivité au cœur de la croissance et de l’emploi dans la mondialisation: le billet de l’Atelier de l’Emploi