> Baromètre des perspectives d’emploi pour le 2ème trimestre 2014 : lire, grande région par grande région, les dernières prévisions des employeurs sur leurs intentions d’embauches : perspectives globalement maussades, mais dynamisme au Nord et dans le secteur transport-logistique
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Mobilité : internationale… et interrégionale
« La France se vide-t-elle de ses talents et de ses forces vives ? », se demande la chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile-de-France (CCIP) à l’occasion d’un événement, ce 12 mars, consacré à « la course aux talents » et à l’expatriation, phénomène qui concerne deux fois plus d’actifs aujourd’hui qu’il y a 20 ans. La « mobilité professionnelle n’est pas une fuite », comme le commente Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, qui rappelle que « 70 % [des expatriés] rentrent en France dans les dix années ». Le phénomène, qui pose notamment la question de la perception de l’attractivité de la France par sa jeunesse, concerne en fait relativement peu de Français : ils sont deux fois moins que les Italiens et deux fois et demi moins que les Britanniques à s’expatrier. Ouverture heureuse à un marché du travail mondialisé, et même européanisé – la moitié des départs se faisant à destination de l’Europe ? Cette lecture reste à nuancer : la « course aux talents » concerne avant tout les diplômés du supérieur, sur-représentés parmi les expatriés.
La mobilité intra-France est une donnée tout aussi cruciale pour la compréhension de notre marché du travail : l’INSEE, dans un travail récent, comptait que 9% de la population française exerçait un métier dans une autre région de résidence que celle où il vivait 5 ans auparavant. Les ingénieurs et cadres sont surreprésentés parmi les populations « mobiles », à l’inverse des ouvriers, qualifiés ou non :
Mais plus que la qualification et le diplôme, notait le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) dans une étude (pdf) de 2003, « le contexte économique local » constitue le premier moteur de mobilité pour les jeunes en début de vie active. Et, plus exactement, c’est la « structure de la production et la nature des emplois proposés » qui compte, plus que que la conjoncture et le dynamisme locaux.
Métropolisation : Paris… et les autres
« Entre 1999 et 2010, la structure des emplois s’est modifiée au profit des cadres et professions intermédiaires et au détriment des ouvriers industriels », observe l’INSEE. Une mutation profonde qui a surtout profité aux régions de métropoles, en tout cas en termes de développement économique, comme l’analysait déjà avec nuances l’économiste Laurent Davezies (lire Les France qui décrochent… et celles qui gagnent).
Les chiffres de l’INSEE précisent un peu plus les choses : si 61% des emplois de cadres se localisent dans la quinzaine de grandes urbaines que compte la France (Paris, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Toulouse ou Lille, mais aussi Douai-Lens, Avignon et Saint-Étienne, qui dépassent toutes les 500 000 habitants), on relève que la capitale est de loin la plus polarisée : 35,3% des cadres français habitent l’agglomération parisienne (contre 12,8% des ouvriers peu qualifiés), contre 26,1% pour toutes les grandes aires urbaines réunies (qui dénombrent plus de 20% d’ouvriers qualifiés). Hors aires urbaines, les proportions s’inversent :
Tertiarisation : cap sur le « tertiaire productif »
Dans une enquête plus vaste consacrée au « rétrécissement de la sphère productive » (pdf) en France, l’INSEE observe que des 208 zones d’emploi où la « sphère productive » était la composante majeure de l’emploi en 1975, il n’en reste que 10 en 2009, Oyonnax (Ain), Vitré (Ille-et-Vilaine) et Vimeu (Somme) en tête. « L’Île‑de‑France se singularise par l’ampleur des reconfigurations », précise l’INSEE : les emplois industriels, en plus de trente ans, y ont chuté de 65%, soit 850 000 emplois en moins, quand le reste du pays n’en perdait « que » 36%.
Le glissement s’est majoritairement effectué vers le « tertiaire productif » (+ 860 000 emplois sur la même période) – et dans une moindre mesure l’éducation, la santé et l’action sociale (602 000 emplois de plus). C’est ce tertiaire productif (transport de marchandises, commerce de gros et la plupart des services aux entreprises) qui est devenu une des premières locomotives de l’emploi – sa part de l’emploi total a doublé en 34 ans, passant de 9 à 19%. C’est également ce tertiaire productif qui est devenu un facteur de différenciation entre territoires, et explique notamment que le Nord, « devenu plus tertiaire que la moyenne de la province », ait mieux résisté aux crises récentes (2002-2006 et après 2008) que les autres territoires. L’Ouest et surtout le Sud, qui à plus long terme avaient « gagné » plus d’emplois que la moyenne, semblent aujourd’hui moins protecteurs, du fait d’un manque de diversification et d’une structure de l’emploi centrée autour du « tertiaire résidentiel » (commerce de détail, services au particulier, tourisme), au potentiel de créations d’emplois plus « limité » en France qu’ailleurs.
La nouvelle carte des métiers reflète certaines de ses évolutions, avec, par exemple, une Île-de-France qui compte en moyenne bien plus de professionnels de l’information et la communication, d’ingénieurs en informatiques et de cadres administratifs que la moyenne, quand « PACA » détonne par ses cadres du tourisme et de l’hôtellerie-restauration et le Nord-Pas-de-Calais par ses ouvriers qualifiés des industries de process ou de la maintenance :
La carte de la concentration en ingénieurs informatiques, elle, révèle certains spécificités ultra-locales, de Lannion (télécommunications) à Niort (assurances), de Grenoble à Sophia-Antipolis :