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Apprentissage : la France peut-elle rattraper son retard ?

Un apprenti gratuit pour les TPE ? L’annonce du Président de la République le 19 avril sur Canal+ a suscité la curiosité des médias. Et pour cause : malgré la réforme, l’année dernière, de la taxe d’apprentissage et un contexte de chômage massif des jeunes, le nombre d’apprentis a diminué en France pour la troisième année consécutive. Pour inverser la tendance, dès la rentrée prochaine, les entreprises de moins de 11 salariés pourront embaucher des apprentis mineurs et voir leur salaire « pris en charge par l’Etat ».

La mesure concernerait environ 70 000 jeunes, mais suffira-t-elle à inverser la tendance ? État des lieux de l’apprentissage en France aujourd’hui.

-3,2% d’apprentis en 2014

Pour 2017, le gouvernement avait annoncé un objectif de 500 000 apprentis. C’était sans compter sur des baisses récentes du nombre d’apprentis après des années de stagnation. Entre 2003 et 2008, « les entrées en contrat d’apprentissage avaient été très nettement orientées à la hausse », avec une croissance de 5% par an, explique la DARES dans une étude publiée en février 2015. Le nombre de nouveaux contrats signés s’élevait en moyenne à 280 000 avant la chute soudaine de 2013, marquée par une baisse des entrées de 8%.

Aujourd’hui, les ordres de grandeurs ont quelque peu changé : avec 264 580 entrées en 2014, le nombre d’apprenti continue de diminuer et l’on est passé de 421 000 apprenti en 2010 à seulement 400 000 aujourd’hui. Pourtant, le gouvernement souhaite garder le cap : «Il faut que les entreprises s’engagent résolument dans cette voie. Quand on voit comme ça marche dans l’artisanat ou dans de grandes entreprises […], ça devrait encourager les entrepreneurs à le faire », a déclaré le ministre du Travail, François Rebsamen.

> Lire aussi : Apprentissage : le mépris français

Apprentis-TalentsPourtant, sur la même période, l’image de l’apprentissage a beaucoup progressé chez les jeunes. Selon la dernière étude de Prism’Emploi « Les jeunes et l’emploi », réalisée en octobre 2014, les jeunes « plébiscitent désormais les formations en alternance et souhaiteraient qu’elles occupent une place plus importante dans la formation initiale ». Le motif principal ? Une très forte employabilité perçue par 67% des jeunes sondés. Mieux, 90% d’entre eux jugent que l’apprentissage n’est pas suffisamment valorisé.

Un véritable changement depuis les résultats de l’étude de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) en 2012, qui montrait que l’apprentissage était encore considéré comme « une voie de seconde zone  », selon les propos de Stéphane Haar, président national de la JOC.

Des apprentis de moins en moins jeunes… et de plus en plus diplômés

Dans l’ensemble, ces apprentis sont jeunes… mais de moins en moins. Selon les chiffres de la DARES, 37,8% ont encore moins de 18 ans, mais c’est la tranche des 20 ans et plus qui connaît l’augmentation la plus significative depuis 2010 :

« Le niveau de diplôme et l’âge des nouveaux apprentis continuent de s’élever. En 2013, 43 % d’entre eux ont le baccalauréat ou un diplôme du supérieur et 32 % des nouveaux contrats préparent à un diplôme du supérieur », explique la DARES.

Poids de l’apprentissage dans l’enseignement secondaire professionnel et supérieur :

graphique-dares

 Source : Dares

Autre évolution importante :  le pourcentage d’apprentis ne disposant d’aucun diplôme ni titre professionnel n’a cessé de baisser depuis 2010, de 42,7% à 32,7% en 2013. Paradoxe, et non des moindres, pour un système qui avait, dès le départ, été conçu pour les jeunes les moins diplômés… Et qui devait permettre formation et insertion notamment dans le cas d’étudiants décrocheurs. Déjà, en 2011, le Think-Tank Terra Nova alertait : « Si l’apprentissage a explosé sur les segments où les jeunes n’éprouvent pas de difficultés particulières d’accès au marché du travail, il ne s’est pas développé pour l’accès à un premier niveau de qualification ».

> Lire aussi : Mieux comprendre l’alternance pour corriger ses défauts

Un besoin de simplification : le cas de l’apprentissage par intérim

Selon une étude Ipsos dévoilée mardi 14 avril, les principaux freins invoqués par les entreprises renonçant à l’apprentissage, outre la conjoncture (68%), sont la réglementation sur les jeunes travailleurs (57%), d’une part, les lourdeurs administratives, de l’autre (55%) : « L’apprentissage, pour une petite structure, ça peut être compliqué à mettre en œuvre. Nous, nous avons dû nous faire aider », raconte au Figaro Pierre Cerulus, patron d’une PME du secteur textile installée dans le Nord. Même son de cloche dans le rapport 2015 sur l’économie française rendu public par la commission européenne, qui soulignait que la réforme de l’apprentissage n’avait pas atténué sa rigidité et sa complexité.

Choix du candidat, constitution du dossier, instabilité du cadre suite aux nombreuses réformes, complexité des rapports avec l’inspection du travail dans certain secteur… L’apprentissage est, aux yeux de certain, une véritable usine à gaz, et ne propose pas vraiment de flexibilité du contrat de travail en cas de problème : « Si le jeune n’est finalement pas motivé, s’il s’engage dans cette voie par défaut ou s’il n’est simplement pas doué, il faudra quand même continuer à l’accueillir et à le former pendant deux ans », ajoute Jean-Philippe Dubiquet, plâtrier traditionnel, insatisfait de la période d’essai de deux mois. Aujourd’hui, plusieurs acteurs réclament des simplifications des dispositifs.

> Lire aussi : L’apprentissage en intérim devient possible 

Autre solution, moins connue : l’apprentissage par intérim permet de simplifier certain processus, de diversifier l’expérience de l’apprenti et de faciliter son insertion. La loi du 28 juillet 2011, dite « Loi Cherpion », permet en effet aux agences de travail temporaire d’embaucher des jeunes en contrats d’apprentissage et de les détacher dans une entreprise. L’apprentissage par intérim permet au jeune d’avoir un maître d’apprentissage à la fois dans l’entreprise intérimaire et dans les entreprises utilisatrices. Car à la place d’un apprentissage dans une seule entreprise, les jeunes se voient proposer un parcours dans plusieurs structures, au fil des missions d’intérim. Une alternative complémentaire à ne pas négliger, que l’on soit en recherche d’apprentissage, ou d’un apprenti. En vigueur depuis avril 2012, ce dispositif a permis notamment à Manpower de gérer actuellement 2160 contrats d’alternance.

Pour l’heure, rendez-vous est pris le 12 mai prochain à Matignon pour une réunion de mobilisation sur l’apprentissage réunissant régions et partenaires sociaux pour préparer la rentrée 2015 et améliorer la mise en oeuvre de la réforme.

 

Crédit image : la_bac / CC BY 2.0
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