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Bienvenue dans l’ère des Talents, par Jeffrey A. Joerres, PDG de ManpowerGroup

Le monde est à l’aube d’une réalité nouvelle dans laquelle le potentiel humain sera le premier facteur de croissance économique.

Dans l’histoire de l’humanité, l’ingéniosité, l’expérimentation et l’innovation ont donné naissance à de nouvelles techniques ou à des modes d’organisation qui ont transformé le monde : les précédentes ères ont été définies selon la matière brute que nos ancêtres avaient appris à maîtriser – la pierre, le bronze et le fer –, puis par les domaines du savoir conquis par l’homme grâce aux progrès incessants de la technologie : l’industrie, l’espace et l’information. Demain, c’est avant tout le talent qui sera le catalyseur du changement et le moteur du monde, en termes économiques, politiques et sociaux.

Mise en évidence par ManpowerGroup, l’ère des Talents sera une période de profondes mutations, de changements radicaux et de nouveaux développements qui imposeront de redéfinir les modèles de gestion, de proposer de nouvelles valeurs et de réinventer les systèmes sociétaux. Les forces économiques mondiales ont exercé une telle pression sur les modèles et systèmes existants qu’ils ne sont plus viables. En perpétuelle évolution ces dernières années, ces forces, convergent aujourd’hui pour forcer les sociétés, les systèmes politiques et économiques à s’adapter, et pousser les entreprises à transformer leurs stratégies et leurs structures.

Le Talent comme nouveau « levier »

La conséquence inéluctable de la récession (« faire plus avec moins ») a révélé aux employeurs le véritable pouvoir de l’individu. Si elles disposent de la bonne personne au bon endroit et au bon moment, les entreprises peuvent en effet réaliser tout ce qu’elles faisaient auparavant, voire davantage ! Les exigences nouvelles dessinent un monde où la seule façon de s’adapter, d’évoluer et de reconstruire sera de s’appuyer sur le levier déterminant de l’esprit humain. L’objectif prioritaire de réduction des coûts fait émerger une capacité d’innovation jamais observée jusqu’ici. Seules les entreprises qui sauront en tirer le meilleur parti et les personnes capables de participer à cette évolution de l’ère des Talents tireront leur épingle du jeu. Les employeurs doivent évoluer et s’assurer que leurs modèles d’organisation et pratiques RH permettront d’attirer, de fidéliser et libérer tout le potentiel humain de leurs bons collaborateurs, et donc de réussir.

À mesure que l’économie mondiale se redresse, on assiste à la croissance spectaculaire des pays en développement où la demande de savoirs et savoir-faire spécifiques excède l’offre et les capacités de formation. De nombreux pays en développement accèdent au statut de pays « développé ». Ainsi, les rangs de la classe moyenne ne cessent de grossir en Chine, en Inde, en Indonésie ou au Brésil, renforçant encore la demande sur les marchés domestiques. Pour satisfaire les détenteurs de ce nouveau pouvoir d’achat, il faut davantage de salariés qualifiés et formés conformément aux normes internationales que ce que le marché peut offrir.

De ce fait, ce type de salariés est de plus en plus difficile à trouver, ce qui engendre une inadéquation entre les talents disponibles et ceux dont les entreprises ont besoin. Elle explique aussi le paradoxe apparent entre un chômage élevé et des emplois non pourvus. Le talent n’est pas seulement une personne, c’est la personne dont les compétences spécifiques, le comportement et la capacité à travailler dans un environnement chaotique, par exemple, correspondent aux besoins d’une entreprise.

En raison de l’évolution rapide des économies émergentes et des progrès galopants de la technologie, les compétences seront vite obsolètes. Dans bien des pays à travers le monde (dont la plupart des membres de l’OCDE et la Chine), une population vieillissante et une jeunesse coupée du monde du travail réduisent encore plus les talents disponibles, et cette situation ne va pas s’améliorer. Ainsi, à partir de 2011 et pendant les 19 prochaines années, 10 000 baby-boomers atteindront chaque jour l’âge de 65 ans. Selon la dernière enquête ManpowerGroup sur les pénuries de talents, réalisée auprès de plus de 35 000 employeurs dans 36 pays, plus de 30 % d’entre eux déclarent avoir des difficultés à pourvoir des postes essentiels à la réussite de leur entreprise.

Pour prospérer et réussir, les entreprises comme les gouvernements devront inciter les seniors à rester plus longtemps dans le monde du travail et imaginer de nouvelles façons de motiver et de former les jeunes, notamment en alignant les systèmes éducatifs sur les types de compétences recherchées par les entreprises. De leur côté, les individus devront conserver un « esprit d’apprenant » afin de pouvoir poursuivre leur développement et libérer leur potentiel tout au long de leur carrière.
Ensemble, gouvernements, employeurs et salariés doivent adopter une nouvelle approche, plus participative, afin de libérer ce potentiel humain qui les entoure, le nourrir et le modeler pour qu’il leur ouvre les portes de la réussite.

Pas de recette miracle

Dans un contexte où les entreprises et les gouvernements comprennent que pour réussir, il est indispensable de libérer le potentiel humain et de créer un climat propice à cette libération, les motivations et aspirations des individus prennent une importance croissante. Il n’existe pas de recette miracle pour savoir comment libérer cet esprit, cette passion, ce potentiel, mais les employeurs devront agir au niveau humain vis-à-vis de leur personnel.

La technologie et l’explosion des médias sociaux ont favorisé une plus grande transparence. Ils nous permettent d’entrer en contact et de discuter directement avec presque n’importe qui, entre employeur et employé ou entre vendeur et client. De nos jours, les gens attendent de vraies discussions, pas seulement un message ou même un échange. Dans l’ère des Talents, le pouvoir de choisir changera de mains et les individus ayant libéré leur potentiel n’hésiteront pas à l’exercer. Or, dans notre monde de l’information tous azimuts et des réseaux sociaux, tout ce que dit ou fait une entreprise laisse des traces indélébiles et peut être instantanément examiné à la loupe. Aussi, pour gagner le respect et la fidélité de leurs collaborateurs actuels et futurs, les entreprises doivent être plus transparentes et ouvertes que jamais. Et, à l’image des marques, les emplois ne doivent plus seulement combler des besoins pratiques, mais répondre à des attentes affectives et sociales.

(R)évolution technologique

La technologie transforme nos relations, nos façons de vivre et de travailler. Dans un monde toujours plus interconnecté, les idées et les innovations s’échangent rapidement et en toute liberté. Nous en sommes à la troisième génération des technologies de l’information. D’abord, il y a eu les photocopieurs, les calculettes et les fax. Puis sont arrivés les téléphones mobiles, les ordinateurs de bureau et portables. À présent, Internet, le wifi, les Blackberry, les iPhone et les réseaux sociaux sont partout.

Ces appareils électroniques, aussi petits que puissants, ont révolutionné les habitudes de travail des individus et des équipes. Ils ont ouvert la voie au télétravail et aux horaires variables, redéfini les modes de collaboration à une époque où chaque voix compte, surtout dans les pays en développement où les technologies mobiles ont connu un essor fulgurant. La technologie est devenue un facteur d’égalité : elle a permis à des individus talentueux de s’affranchir des frontières et des quotas d’immigration, de travailler aux quatre coins du monde, mais aussi de poser leurs conditions en termes de modalités, de lieu et de temps de travail. Aujourd’hui, les entreprises peuvent piocher dans des viviers de talents auparavant invisibles et inaccessibles, une main d’œuvre virtuelle disponible de l’autre côté d’Internet et des réseaux sociaux. Ainsi, des personnes qui ne pouvaient pas s’intégrer au monde du travail traditionnel pour des motifs religieux ou culturels, ou à cause d’un handicap, ont maintenant la possibilité de devenir des salariés virtuels depuis n’importe quel coin du globe, tacitement ou ouvertement.

Avec les progrès rapides des technologies de l’information, ce que nous savons compte moins que ce que nous pouvons trouver. Travailler seul compte moins que travailler en équipe. Ainsi, les hiérarchies deviennent secondaires tandis que la collaboration est capitale. Notre lieu de travail et notre apparence ne sont rien à côté de la contribution que nous pouvons apporter. La technologie a donc joué un rôle clé dans le développement de l’ère des Talents; il est probable qu’elle continuera à le faire en nous donnant accès aux capacités humaines, pour les renforcer et nous permettre de les mettre en œuvre. La technologie a atteint un niveau tel qu’elle est devenue un facteur de libération du potentiel humain.

Une réalité nouvelle

L’avènement de l’ère des Talents aura des conséquences profondes et irrémédiables sur le monde du travail. C’est par leur capacité à donner du sens à ce changement que les entreprises et les individus se distingueront des autres. Les personnes qualifiées – de plus en plus recherchées – dicteront aux employeurs leurs conditions en termes de nature, de lieu et de temps de travail. Elles se tourneront naturellement vers les entreprises offrant les meilleures perspectives de carrière, conscientes de leur responsabilité sociale et contribuant au bien-être des communautés auprès desquelles elles sont implantées. Les entreprises devront être plus réactives pour attirer, former et développer leur personnel, et de fait réévaluer leurs pratiques et structures de gestion du personnel pour créer un environnement propice à la créativité, l’innovation, l’empathie, la passion et la curiosité intellectuelle…

Nombreux sont ceux qui pensent que la société est dominée par le cynisme. Pourtant, face aux bouleversements (rééquilibrages, déséquilibres et pressions inédites), l’esprit humain est plus que jamais en éveil. Les entreprises et les personnes qui ont su dépasser ce cynisme sont celles qui ont été capables de laisser libre cours au pouvoir de l’esprit humain. La compassion, l’empathie et l’innovation sont le propre de l’être l’humain et ceux qui sauront en tirer parti seront les maîtres de cette nouvelle réalité, de ce nouveau monde où nous devons faire plus avec moins. L’être humain est toujours le moteur de tous les efforts et de toutes les actions. Il est au cœur de l’Ere des Talents et il y prend toute sa place. Savoir libérer et tirer tout le parti du potentiel humain dans un monde plus que jamais changeant, voici l’objectif premier que se doivent d’atteindre les entreprises et, plus largement, toutes les sociétés du monde.

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