L’actu
Difficile d’obtenir un consensus sur le travail du dimanche. Le débat a ressurgi avec la publication, le 3 décembre, du rapport – non définitif – de la mission d’information de la ville de Paris. Un rapport qui affiche plutôt des réticences sur l’augmentation du nombre de zones concernées par la dérogation. Plus ouvert sur la question, le texte de loi sur la croissance porté par Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, contenant la réforme du travail dominical, propose sept dimanches « ouvrables » supplémentaires par an et des ouvertures permanentes dans les gares et les zones touristiques internationales.
L’enjeu
Le débat, laissé en suspens après la volte-face du Conseil d’Etat au sujet de l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche, est donc à nouveau ouvert. Et le sujet soulève toujours autant de passions, de même qu’il suscite des réactions vives de la part des commerçants voisins des Périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (Puce), ces zones réservées aux agglomérations de plus d’un million d’habitants (Paris, Aix-Marseille, Lyon et Lille) que la loi Maillé de 2009 avait créées.
Mais qui dit loi, dit aussi exceptions. Et elles sont nombreuses. Non seulement la loi Maillé dessine les contours de zones géographiques où le travail dominical est autorisé, mais elle fait aussi des distinctions selon les secteurs d’activité et développe une logique de dérogation permanente. La multiplication des décrets et des dérogations ne fait au final que compliquer fortement la donne, tant pour les salariés et les entreprises que pour les consommateurs. C’est en tout cas ce que suggère Christophe Rollet, directeur général de Point S, pour qui « l’État doit se positionner rapidement et clairement, afin d’éviter que le travail le dimanche ne finisse par devenir la norme, sans que [personne] n’y trouve leur compte ».
Concrètement, ce sont surtout des enjeux managériaux et organisationnels qui se posent pour les entreprises, comme pour les collaborateurs. En effet, le travail du dimanche n’est pas qu’une question de chiffres ou de concurrence mais concerne grandement les RH. Travailler le dimanche repose évidemment la question de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Un équilibre, souvent mis en balance avec les besoins temporaires des entreprises lors des périodes de fêtes ou de soldes, périodes où le travail dominical est le plus sollicité. De fait, le rôle des RH n’est-il pas précisément de concilier l’exigence de flexibilité des entreprises et le besoin de sécurité des salariés ?
En un tweet
Les nouvelles devises Shadok – intervention très intéressante de @pablopernot #agilité #AtlassianTour @netapsys #fb pic.twitter.com/IGgWSqct77
— Hugues Truttmann (@huguestruttmann) 2 Décembre 2014
Les données
- Avec la législation actuelle héritée de la loi Maillé de 2009, ce sont 5 zones touristiques à Paris et 575 communes qui sont classées comme « communes d’intérêt touristique » pouvant ouvrir tous les dimanches, sans compensation pécuniaire ni repos compensateur pour les salariés ;
- La loi actuelle prévoit 5 ouvertures le dimanche par an pour les autres zones à Paris comme sur tout le territoire français ;
- Selon la Direction de l’Animation de la Recherche et des Etudes Statistiques (DARES), en 2011, 6,5 millions de salariés, soit 29% des salariés français, ont travaillé le dimanche, dont 3 millions (13% des salariés) de manière régulière. Ce chiffre est en croissance constante depuis les années 1990;
- Toujours selon la DARES, 60% des employés de l’hôtellerie et de la restauration travaillent le dimanche ainsi que 82% travaillant dans les secteurs de la protection des personnes et des biens ;
- Enfin, 20% des employés se disent habitués à travailler le dimanche. 25% des cadres le font, eux, de manière occasionnelle.
Les défis RH
Les DRH concernés par la loi Maillé avaient déjà dû réorganiser leurs effectifs en conséquence après avoir trouvé des volontaires pour le dimanche. Mais la réforme porterait le nombre de dimanche à douze et augmenterait le nombre de zones d’intérêts touristiques. Certains se disent prêts comme Isabelle Calvez, DRH de Carrefour, à réorganiser leurs effectifs mais aussi à consulter les salariés et à négocier les modalités du travail dominical. Voici donc quelques pistes pour s’y préparer :
- Négocier les modalités et les contreparties. Dans les zone PUCE, les contreparties ne vont pas de soi. Reste donc aux partenaires sociaux et aux dirigeants à se mettre autour de la table. Certains ont en effet choisi la négociation par branche ou secteur d’activité, d’autres prônent au contraire des négociations au cas par cas, qui s’effectueraient dans chaque magasin. Dans ce cas, le rôle des RH est crucial.
- Garantir le volontariat. Anne Deneux, DRH de Nature & Découvertes, insiste sur cette notion : « la philosophie maison est de ne contraindre personne. A commencer par les parents qui ont la garde exclusive de leurs enfants le dimanche ». Au passage, elle explique que la consultation des salariés a également remis en question le cliché d’un sacro-saint repos dominical. « Pour les magasins situés en zones Puce, tels que Rosny, l’ouverture du dimanche a été soumise au vote des salariés, explique la DRH. Et à chaque fois, la majorité a penché en faveur de cette opportunité de réaliser du chiffre d’affaires additionnel ».
- Faire rencontrer l’offre et la demande. L’enjeu pour les RH est de faire que le potentiel humain soit un atout pour la compétitivité des entreprises. Le responsable RH doit donc aligner au mieux sa politique de ressources humaines avec les besoins de l’entreprise. Et notamment, c’est ce qui est en jeu avec le travail du dimanche, le besoin d’agilité. Il s’agit donc de concilier une offre et une demande de travail, et notamment de trouver des candidats attirés par les rythmes décalés. Les étudiants, à ce titre, sont souvent vus comme une bonne solution. « Payé double, ce travail complémentaire permet de majorer leur salaire et de libérer des jours ouvrables pour leurs études », constate Isabelle Calvez. Travailler le dimanche en effet un moyen pour certains étudiants de financer leurs études sans empiéter sur les cours, comme en témoigne une étudiante employée chez Leroy Merlin.
- Recruter des collaborateurs temporaires lors des pics d’activité. Amazon, le géant de l’e-commerce, annonçait sur son site dès septembre le recrutement de 2 500 employés pour pallier le surcroît d’activité des fêtes de fin d’année. Alors que les pics d’activités temporaires tirent les embauches à la hausse, l’enjeu pour les entreprises, au-delà d’anticiper les surcroîts d’activité, reste de recruter les bons candidats pour les postes. Du côté des intermédiaires du recrutement, il s’agit notamment de se mettre en capacité d’aider les entreprises à faire preuve d’agilité et de réactivité en la matière.
- Agir sur la compétitivité. Sur ce sujet, le DRH peut notamment apporter des réponses innovantes, issues de la réflexion et du travail de l’ensemble des collaborateurs. Renault a par exemple mis en place un accord de compétitivité avec les partenaires sociaux, préparé en amont dans le cadre de la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC) et suivi par un comité de pilotage et d’observation. Jean Agulhon, DRH du groupe, explique qu’il est important de consacrer du temps à la formation des partenaires sociaux de façon à aboutir à un diagnostic partagé sur l’état de l’entreprise. « Nous y avons consacré 5 à 6 séances de travail qui ont parfois duré cinq heures », précise-t-il. Les RH pourraient en effet être force de proposition sur la question du travail dominical afin de trouver un équilibre qui réunirait les besoins des entreprises, comme les aspirations des salariés.