L’enquête mondiale de ManpowerGroup sur la pénurie de Talents vient d’être publiée. Elle révèle que, si la proportion d’employeurs éprouvant des difficultés à recruter reste stable au niveau mondial (34%), la progression régulière du chômage en France est loin d’avoir enrayé les tensions que connaît le marché de l’emploi dans notre pays : le nombre d’employeurs confrontés à des problèmes de recrutement a augmenté de 9 points, pour toucher 29 % d’entre eux cette année.
L’étude confirme ainsi la réalité de la « Grande Inadéquation » : la première cause des difficultés est de loin le manque de compétences, techniques en particulier, par rapport aux besoins des employeurs ; on remarque notamment que les informaticiens apparaissent parmi les dix postes les plus difficiles à pourvoir dans notre pays.
Le vieillissement de la population au cœur des difficultés
Comme en 2011, un employeur sur trois connaît des problèmes de recrutement à travers le monde. Le pays le plus touché est le Japon où, tout particulièrement en raison du vieillissement de la population, 81% des employeurs déclarent rencontrer des difficultés de recrutement pour des postes essentiels à la bonne marche de leur entreprise. Suit le florissant Brésil, où près de ¾ des employeurs (71%) sont confrontés au problème.
Le Japon n’est qu’un exemple paroxystique : le vieillissement de sa population se trouve aussi au cœur des difficultés européennes : avec 51% des employeurs concernés, la Bulgarie a particulièrement du mal à recruter, avant la Roumanie (45%) et l’Allemagne (42%). En moyenne, un employeur européen sur quatre se dit concerné – un chiffre stable par rapport à celui de 2011 (26%).
La « Grande Inadéquation » s’aggrave en Europe
Parmi les conséquence du vieillissement des populations, dans les économies « développées » en particulier, l’étude confirme la réalité de la « Grande Inadéquation » des compétences par rapport aux besoins des employeurs (« skills mismatch ») : dans le monde entier, la première cause des difficultés est, à une écrasante majorité, l’insuffisance des compétences – l’incompétence, littéralement – des candidats.
Manifestement, les systèmes de formation n’évoluent pas au même rythme que les économies, et ce problème est loin de ne concerner que les économies en forte croissance : dans la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique), principalement constituée par les pays européens, l’inadéquation des profils explique plus de deux tiers (69%) des difficultés, lesquelles portent avant tout sur les aspects techniques.
Manuels, ingénieurs, commerciaux : même combat contre la pénurie dans le monde entier
Le résultat de cette inadéquation avant tout « technique » est, précisément, que les deux types d’emplois les plus difficiles à pourvoir sont, dans le monde entier, ceux de « travailleurs manuels » (ou « travailleurs qualifiés » : artisans, employés du BTP, plombiers, électriciens, bouchers…), suivis des ingénieurs et commerciaux.
L’Europe est loin de faire exception à la règle : pour la 6ème année consécutive, les travailleurs manuels sont en tête des emplois les plus difficiles à pourvoir. Comme dans le reste du monde, les ingénieurs et commerciaux complètent le podium des profils les plus difficiles à trouver.
En France aussi, les travailleurs manuels manquent cruellement à l’appel : dans notre pays, cette catégorie de personnel est celle qui pose le plus de problème aux recruteurs depuis 7 ans d’affilée.
Pénurie d’informaticiens : danger pour la croissance et l’emploi
Mais un nouveau phénomène émerge, notamment en France : la pénurie d’informaticiens. L’enquête confirme en effet le sens des projections de la Commission européenne ou du Centre d’analyse stratégique français en voyant cette catégorie de salariés faire son apparition dans le top 10 des postes les plus difficiles à pourvoir. Cette tendance nouvelle est particulièrement préoccupante alors qu’on estime que 90% des emplois feront appel à ce type de compétences en 2015.
Têtes bien faites contre têtes bien pleines : l’Europe des ingénieurs, pas des comptables et financiers
Ceci étant dit, il est intéressant de constater que les candidats de la zone EMEA présentent bien moins de lacunes en termes de « savoir-être » (sens de la planification et de l’organisation, esprit d’équipe…) que dans le reste du monde. Est-ce à dire que nos systèmes de formations font des têtes bien faites mais pas assez pleines en termes d’utilité économique ?
Concernant les postes « hautement qualifiés » , on note aussi un paradoxe apparent : dans notre zone, les employeurs qui estiment que la pénurie de compétences impacte fortement leurs activités critiquent surtout le manque de savoir-faire des candidats ingénieurs et, à l’inverse, le manque de savoir être des candidats à des postes comptables et financiers…