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Innovation, management, recrutement, leadership : l’entreprise made in Silicon Valley

Brian Chesky, co-fondateur et PDG de Airbnb et Peter Thiel, co-fondateur de Paypal et du spécialiste des big data Palantir, livrent, dans le New York Times et le Washington Post, leur vision de l’innovation, du management, recrutement et du leadership. Le premier, designer (de toilettes) de formation, a mué une idée simple – transformer temporairement son appartement en bed and breakfast – en un service présent dans 192 pays et qui regroupe non moins de 11 millions de clients, 600 000 logements et 700 employés. Le second, auteur de Zero to One. Notes on start-ups, or how to build the future, est connu pour sa science des softwares et ses investissements, dans Facebook, mais aussi les biotechnologies, l’intelligence artificielle et les voyages dans l’espace. Regards croisés – « hypocrisie originelle » incluse.

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Innovation : prendre le temps de « déboguer » l’entreprise

Pour Peter Thiel, lors des interviews, on demande toujours ce qui marche et comment cela marche, mais jamais rien à propos de ce qui ne marche pas. C’est pourtant là que résident les ferments de l’innovation : dans les choses qui bloquent, dérangent ou ne marchent pas, dans les « bugs ». Pour Chesky, innover consiste également à résoudre un problème et à porter la « culture de l’échec » à l’échelle de l’entreprise. Malheureusement, nous sommes bien souvent trop académiques, pour ne pas dire incroyablement conservateurs, dans notre façon de procéder. Chesky affirme ainsi que « chacun à son propre truc qui le dérange » et doit s’évertuer à résoudre ce problème, en suivant son intuition.

Ainsi est d’ailleurs né Airbnb (… ou Uber). Le problème de Chesky et ses colocataires était alors simple : payer leur loyer. Comme ils disposaient d’une pièce en plus et avaient envie de faire des rencontres, ils ont profité de la tenue d’une conférence internationale de design à San Francisco, alors que tous les hôtels affichaient « complet », pour proposer à la location cet espace jonché de trois matelas gonflables. L’idée à évolué mais le nom d’origine, Air Bed & Breakfast, est resté. Il n’y a pas de formule magique, tempère Thiel : « l’innovation est une chose étrange ». Mieux vaut dès lors, plutôt que courir après l’innovation, se préparer, sans cesse, aux nouveaux champs des possibles…

Management : l’entreprise, communauté d’intérêt(s)

Pour Thiel, la compétition est surestimée à la fois comme valeur et comme état de fait : le but pour une entreprise n’est pas d’être en compétition féroce mais de faire quelque chose d’unique… et d’avoir le monopole dans son secteur, « à la Google ». De même en interne, l’idée n’est pas de mettre les gens en compétition mais de les différencier : le conflit n’apparaît pas quand les gens ont des idées différentes mais quand ils veulent la même chose.

Lire aussi Culture d’entreprise : jouons-là tous comme Google ?

9949178633_07e3ccdf89_zThiel met ainsi l’accent sur un point essentiel, au-delà du projet d’émancipation individuelle chère à la Silicon Valley : la culture d’entreprise doit s’organiser… autour des missions de l’entreprise. Il ne faut ainsi pas croire aux efforts en solo… ni à l’intertie des mouvements de masse. La start-up de la Silicon Valley, en cela, ne diffèrerait pas de la convention de Philadelphie : un petit groupe de personne réunis par un but, une communauté d’intérêt.

Thiel va plus loin que le mythe : aujourd’hui, les formations type école de commerce reposent sur l’idée qu’il n’y pas besoin de substance et qu’il suffit d’appliquer une certaine science du management dans tous les domaines, que ce soit pour les logiciels, l’extraction pétrolière, la mode ou l’armement. Thiel se met en porte-à-faux avec cette idée : la clé est dans le sens et ce qu’il appelle « la substance ». Chesky ne dit, lui, pas autre chose : pour Airbnb, la clé du succès est d’avoir misé sur une expérience utilisateur facile et intuitive, storyboardée en trois clics. Un designer qui place le design au centre du jeu, quoi de bien révolutionnaire, pourra-t-on dire ? À peu près rien…  au détail près que des groupes historiquement aussi éloignés de l’expérience utilisateur que La Poste s’intéressent (de près) au design de service… 

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Recrutement : à la recherche d’amis potentiels et de « rêveurs anticonformistes » ?

Quand Thiel était à Paypal, il mettait un point d’honneur à ce que les profils de poste soient tous différents afin d’éviter un conflit endémique. Point de clones, donc…  Conseil supplémentaire : si on a des bons amis au bureau, on n’a pas envie d’en partir. Et à l’inverse, si l’employé n’a pas d’amis au sein de l’entreprise, il met l’organisation en péril. La clé d’un recrutement réussi  : n’embaucher des gens qu’avec qui vous pourriez devenir ami ou, plus fondamentalement, avec qui vous pouvez créer une entreprise où la sociabilité est facteur d’engagement. Bien plus crucial que d’installer la désormais iconique table de ping-pong

1681661791_61a1718849_bPour recruter, il faut… avoir une idée précise de ce que l’on recherche. Et Airbnb a déterminé ses profils qui « matchent » : des personnes qui ont la capacité de voir le monde tel qu’il devrait être plutôt que comme il est, des adultes qui resteraient curieux comme des enfants, des rêveurs, des gens qui savent réfléchir, en qui on peut accorder sa confiance. Anticonformisme et volonté de défier le status quo : deux traits très « Silicon Valley-friendly », mais qui ont le mérite de dessiner un portrait-robot, au-delà des sacro-saintes années d’expériences et passages académiques obligés.

Chesky va jusqu’à demander aux candidats de résumer leur vie en trois minutes afin de comprendre les décisions et expériences qui ont formé et influencé la personne qu’ils sont devenus. A cette occasion, il essaie également d’identifier les deux ou trois réalisations les plus remarquables, car selon lui, si la personne en question n’a rien accompli jusque-là, il est fort probable qu’elle n’y arrive jamais !

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Leadership : émergent pour évoluer en terrain inconnu

Comment Thiel et Chesky, enfin, définissent leur position de leader dans leur entreprise mais aussi dans la Silicon Valley ? Pour Thiel, il faut vivre chaque jour comme s’il allait être sans fin et durer pour toujours. Il faut traiter les gens comme si on était amener à les revoir et se mettre dans l’état d’esprit de pouvoir travailler sur des projets qui peuvent prendre des années. Un sacré pied de nez au cliché du règne de l’instantanéité…

1301014184_3786e4d2b8_zQuant à Chesky, sa formation de designer lui a permis de rester empathique, c’est-à-dire à garder la capacité de se mettre à la place de n’importe qui dans n’importe quelle situation. Mais, selon lui, c’est surtout la capacité à apprendre qui est essentielle pour être un leader dans la Silicon Valley. Evoluer en terrain inconnu étant son lot commun, Chesky a appris rapidement à être à l’aise dans des situations ambiguës. Un « bon leader », en effet, n’hésite pas à trancher et prendre des décisions quand il le faut, tout en donnant des commentaires constructifs.

Cette vision du leadership n’est pas sans rappeler la notion de « leadership émergent » développée par Megan McCardle et qui fait écho à la nécessité de renouveler la manière de développer des leaders en interne.

Autant d’enseignements à tirer… au-delà des frontières de la Silicon Valley ?

Crédit images : Christian RondeauCapture d’écran Washington PostPedro Ribeiro Simões et Gwendal Uguen/ Flickr / Licence CC BY NC et Jillian / Flickr / Licence CC BY NC ND
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