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Maroc : la liberté syndicale sans un code du travail socialement responsable est-elle possible ?

Jamal Belahrach, Directeur général de la filiale marocaine de Manpower, président de la commission sociale de la CGEM et président fondateur de la Fédération nationale des entreprises de travail temporaire (FNETT). Il a initié la couverture maladie, la bancarisation pour les salariés temporaires et le projet de loi sur le travail temporaire au Maroc.

Une tribune initialement publiée dans l'Economiste le 10/11/2015

Notre croissance économique ne semble pas être en mesure d'être inclusive. La compétitivité de nos entreprises est en souffrance au regard d'un coût du travail élevé pour les entreprises transparentes et citoyennes. L'informel continue de faire des ravages et partant, ne pousse pas les entreprises conformes socialement et fiscalement à investir.

Le chômage de nos jeunes diplômés devient structurel et atteint des niveaux inacceptables et pointent de nouveaux dangers pour toute une génération, et la frilosité des entreprises à recruter devient inquiétante devant un code du travail peu adapté à la nouvelle donne économique.

Enfin, la fragmentation syndicale avec plus de 35 syndicats ne pousse pas à la confiance mais renforce la méfiance des chefs d'entreprises qui souhaiteraient avoir des interlocuteurs responsables sur les questions économiques et sociales.

A l'heure où les centrales syndicales représentatives ont commencé leur transformation, il s'agit aujourd'hui de sanctuariser les relations sociales au sein des entreprises comme une nécessité absolue et irréversible.

Il n’y a pas de démocratie politique sans démocratie sociale. Ceci est un fait absolu et prouvé dans tous les pays développés.

Dans toute transformation, il y a des sacrifices idéologiques qui doivent être faits de part et d'autres entre les parties prenantes : l'Etat, les syndicats et le patronat.

Pour l'état, accepter définitivement, que le dialogue social direct entre l’entreprise et les syndicats est une évolution saine, responsable et non un recul ou une perte de pouvoir, d'influence et que le dialogue social est un indicateur d'une démocratie sociale vivante et qui s'assume.

Pour les syndicats, comprendre qu’une posture idéologique n’est pas un programme ni un projet. Elle est davantage un signe de faiblesse voir de vacuité programmatique et une régression. Un Syndicat tient sa force de sa capacité à être sur les sujets du progrès social et économique.

> Lire aussi : "Au Maroc, la machine à fabriquer des chômeurs doit cesser de fonctionner" (Jamal Belahrach)

Les droits des salariés sont leurs principales missions mais également de se positionner sur les questions d’emplois, de chômage, de formation, de compétitivité de l’entreprise sans laquelle, il n’ y aurait de salariés à défendre. Ils doivent prendre conscience de leurs nouveaux rôles et de leurs implications dans la création d'un modèle social marocain avec une démocratie sociale active et responsable.

Pour l'entreprise, il s’agit de prendre conscience que nous entrons dans un nouveau monde où la démocratie sociale a un impact positif sur le progrès économique. Que les partenaires sociaux doivent être pris comme de véritables partenaires et non comme des empêcheurs de tourner en rond. Certes, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre ce niveau de relation mais, c’est « un sens unique » et nous devons l’emprunter.

La performance d'une entreprise se jugera de plus en plus à l'aune de son climat social et du bien être de ses collaborateurs en plus de ses bénéfices.

C'est pourquoi, il nous faut avoir le courage de nos ambitions et accepter de faire bouger les lignes. Il ne s’agit plus d’une évolution mais d’une révolution culturelle quant à nos relations avec les syndicats et eux avec les entreprises. C’est le prix à payer pour plus de compétitivité, plus de croissance et plus d’emplois.

Oui, le code du travail doit évoluer fortement et devenir un outil au service du progrès social et économique. C'est pourquoi, il doit être socialement responsable pour répondre aux aspirations des acteurs: salariés, entrepreneurs, actionnaires, Etat.

Sans un code du travail dynamique et positif, il sera difficile d'imaginer des relations sociales sereines avec un champ syndical aussi fragmenté et peu professionnel.

Sans ce code du travail pragmatique et socialement responsable, loin de toute idéologie, il sera difficile de convaincre les entreprises d'entrer dans cette nouvelle ère et d'accepter la liberté syndicale en l'état.

La liberté syndicale est garantie par la constitution et c'est heureux. Il ne s'agit pas ici de la remettre en cause mais simplement de la mettre en perspective dans un cadre globale en mettant de la cohérence pour toutes les parties.

Sans entreprises, il n’y pas de richesse possible et de salariés à défendre. Il est d’intérêt national que de s’entendre sur ce postulat et d’emprunter ensemble le chemin de la transformation de notre économie et de la modernisation de nos rapports sociaux. Le devoir des parties prenantes est de discuter, de négocier et de co-créer un cadre qui respecte le rôle de chacun et ses prérogatives sans imposer une lecture ou de remplacer une ancienne idéologie par une nouvelle. L'enjeu est suffisamment important pour notre pays. En effet, il nous faut investir, réindustrialiser, créer des emplois décents. Cela ne pourra se faire que dans le cadre d’un nouveau contrat social tel qu'il a été demandé par sa majesté depuis 2009.

Où en sommes-nous aujourd’hui? Nous avons un peu évolué dans le discours mais pas suffisamment dans les actes. Ma conviction est que nous ne pourrons pas faire évoluer notre marché du travail, notre économie, sans une prise de responsabilité par les partenaires sociaux et de l'Etat.

Certes la recherche du consensus est un idéal mais la survie d'une économie, la quête d'un projet de vie pour les futurs salariés, de l’employabilité pour les autres, doivent commander le courage et des actes en conséquence.

Je ne peux imaginer qu'avec une constitution aussi démocratique, les parties prenantes ne puissent transformer ces orientations pour écrire l'histoire de notre futur modèle social.

Face à une jeunesse qui attend des opportunités d'emplois, des entreprises qui veulent en créer, il s'agit de passer des mots aux actes pour lutter contre nos propres résistances. Il ne s’agit pas de forces extérieures mais bien de nous même, que vient le statu quo ;

Le changement ne se décrète pas, il se construit par des changements de comportements face une prise de conscience du danger qui nous guette. Nous avons une qualité commune. Nous aimons notre pays et nous voulons le voir parmi les premiers dans tous les classements. Cette ambition n’est pas suffisante. Le patriotisme ne se déclare pas, il se vit, il se construit par petit pas et ensemble, faisons avancer la société marocaine et ses acteurs.

La liberté syndicale oui, la liberté d’entreprendre oui, pour cela, créerons nous un cadre responsable et faisons-le évoluer !

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