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Jeffrey Joerres, PDG de ManpowerGroup : « Rester dans l’urgence sur le marché du travail »

Jeffrey JoerresVous êtes membre de Manpower depuis 20 ans et son PDG depuis 2001. Quels grands changements constatez-vous ?

Jeff Joerres : Je suis profondément marqué par l’importance que l’emploi a prise au fil des années. Quand je suis devenu PDG, lorsque je citais le taux de chômage, on pensait que j’étais un économiste du travail : les gens considéraient ce sujet comme secondaire. Aujourd’hui c’est le sujet numéro un.

Autre constat : la valeur monétaire d’une entreprise ne correspond plus au nombre d’emplois qu’elle génère. Instagram, par exemple, a été vendu pour un milliard de dollars à Facebook alors que la société ne comptait que 13 salariés ! Et je ne vois pas comment on pourrait faire marche arrière.

> Lire : Le futur du travail dans l’entreprise… sans l’entreprise ?

« Aujourd’hui, il n’y a plus d’embauche anticipative : les entreprises engagent quand elles en ont réellement besoin »

[encadre]Le marché de l’emploi a fortement évolué suite à la crise, où en sommes-nous ? 

Si on observe la direction que prend le marché de l’emploi d’un point de vue macroéconomique, c’est plutôt positif. Il y a des signes d’amélioration. Mais ce sera long. D’un point de vue individuel, c’est problématique. Cela veut dire que trouver un job prend plus de temps. Qu’on ne pourra pas répondre rapidement au chômage des jeunes ou au chômage de longue durée.

En 2010, on a pu observer une embellie, parce que les entreprises embauchaient en anticipation d’une demande. Aujourd’hui, il n’y a plus cette embauche anticipative. Les entreprises engagent quand elles en ont réellement besoin.

Lorsqu’on regarde vos rapports sur le marché mondial de l’emploi, l’Europe se trouve tout en bas de l’échelle…

Tous les mois, au moment de recevoir les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis, les gens retiennent leur souffle, comme si quelque chose d’incroyable allait se passer et qu’on allait tout d’un coup créer 500 000 postes. Non, cela n’arrivera pas. Même chose en Europe. Par contre, on peut espérer maintenir le chômage en dessous des 10% dans l’eurozone. Mais on ne pourra pas ramener le chômage des jeunes espagnols de 53 à 30%. Il faut réajuster notre manière de penser. Le nouvel optimisme, c’est d’avoir des valeurs neutres ou légèrement positives.

« Les entreprises sont aujourd’hui beaucoup plus sophistiquées dans leur manière d’embaucher »

En conséquence, comment votre métier a évolué ?

Nous sommes une sorte de couverture de protection pour les employeurs. Les entreprises sont beaucoup plus sophistiquées dans leur manière d’embaucher. Elles recrutent presque chirurgicalement des temps pleins là où il le faut, et utilisent le travail intérimaire là où elles en ont besoin. Elles sont aussi plus sophistiquées dans leur manière d’avoir recours à nos services. Elles nous laissent davantage faire le recrutement.

> Lire : L’intérim vu par les intérimaires : une seule direction, l’emploi

Un autre changement est la durée des projets. Auparavant, on avait des cycles de quatre ou cinq ans. Aujourd’hui, les employeurs préfèrent partager le travail en projets de neuf ou dix mois. C’est moins risqué et on a quand même un résultat concret à la clé. Les travailleurs hautement éduqués sont très contents de cette situation. Ils savent qu’ils trouveront quelque chose. Mais la majorité de la population préfère la sécurité du long terme. Ils n’ont pas cette opportunité, donc ils cherchent par tous les moyens à entrer dans le système. C’est là que nous entrons en jeu.

On a beaucoup parlé des travailleurs détachés récemment, considérés comme une concurrence déloyale. Quel est votre avis ?

Il y a différentes questions. Les travailleurs viennent-ils suite à la globalisation du marché de l’emploi ? Viennent-ils parce qu’on manque de talents ici, où viennent-ils parce que les gens d’ici ne veulent pas de ces jobs ? Il y a un peu de tout cela. Pour moi, on ne peut pas fermer les frontières. Simplement parce que certains de ces travailleurs migrants sont doués et sont un réel apport pour l’économie.

« Certains métiers ne seront jamais virtuels »

Cols grisVous avez développé le concept de « col gris ». De quoi s’agit-il ? 

Les cols gris sont les travailleurs qui ne sont ni des cols blancs, ni des cols bleus. Ce sont des techniciens ou des ouvriers très qualifiés, par exemple. C’est une frange très intéressante de la population. Ces cols gris réussissent parfois mieux que les universitaires. Malheureusement, les parents préfèrent que leur enfant étudie à l’université, ces métiers techniques souffrent d’une mauvaise image. Et pourtant, ils sont extrêmement recherchés. En Allemagne, en revanche, on tient en grande estime la fabrication de pointe, par exemple. Ils ont bien réussi dans ce domaine.

Quels sont les métiers du futur

Il y a tout d’abord les métiers qui ne pourront jamais être virtuels. Les métiers de la vente sont un bel exemple. Les bons commerciaux, capables de vendre des produits financiers complexes ou des pièces industrielles très techniques, sont très recherchés. Viennent ensuite les emplois de pointe, dans les technologies, les sciences du vivant ou l’ingénierie. Suite à l’évolution démographique, une demande importante de développe actuellement dans le secteur de la santé. C’est un secteur à grand potentiel en termes d’emplois.

Interview réalisée par Marie Dosquet, publiée dans le journal belge L’Echo, le 20 décembre. Liens et images ajoutés par l’Atelier de l’emploi.
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