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Emploi : une dégradation généralisée ?

C’est une bonne nouvelle, mais c’est aussi un trompe l’œil : à l’issue du premier semestre, les entreprises françaises ont plus embauché qu’elles ne le prévoyaient en début d’année. C’est ce qu’indique l’actualisation de l’enquête sur les besoins en main-d’œuvre en 2011 que vient de publier Pôle emploiles entreprises interrogées ont procédé à deux fois plus de recrutement que ce qu’elles avaient annoncé 6 mois plus tôt.  Comment cela peut-il se comprendre alors que le chômage continue de battre des records en France et que Pôle emploi ne prévoie pas d’amélioration en 2012 ? Deux éléments principaux semblent de nature à expliquer cet apparent paradoxe :

  • plus de la moitié (54,8 %) des employeurs ont déclaré avoir effectué des remplacements (face à des départs ou des absences imprévus) tandis que de moins en moins d’entre eux annoncent des créations de poste* ;
Motif embauches supplémentaires - France - BMO oct 2011
Source : enquête "besoins de main-d'oeuvre" de Pôle emploi
  • Alors que les compétences disponibles sur le marché du travail correspondent trop peu aux besoins des entreprises, il n’est pas étonnant qu’elles cherchent toujours à recruter même en période basse conjoncture. On remarque en effet que, malgré un niveau de chômage très élevé , plus de 2 recruteurs sur 5 (41,5 %) prévoient des difficultés pour au moins l’un de leurs projets de recrutement, notamment les secteurs de l’industrie et de la construction où ils sont près de 3 sur 5 dans ce cas -respectivement 58,5 % et 58,4 % d’entre eux.
Difficultés embauche France - BMO oct 2011
Difficultés d'embauche en France. Source : enquête "besoins de main-d'oeuvre" de Pôle emploi, octobre 2011

Une dégradation qui se répand en Europe et dans le monde entier

Le chômage bat des records en Europe et pourrait même progresser en Allemagne

La France n’est pas isolée : partout en Europe, la situation de l’emploi semble se dégrader. En Espagne, le chômage est à son niveau le plus haut depuis 15 ans ; désormais, près de 5 millions d’Espagnols sont sans-emploi, pour un taux de chômage de 21,5% au troisième trimestre. Même l’Allemagne, si souvent citée en exemple pour ses performances en matière d’emploi et sa résistance à la crise,  a vu le chômage augmenter en octobre pour la première fois depuis début 2010. S’il est difficile d’interpréter ces signes en l’état, ceux-ci restent inquiétants.

Selon les données publiées le 31 octobre par Eurostatle chômage dans la zone euro a battu son record historique en s’établissant désormais à 10,2% de la population active en septembre (soit une légère hausse, de 0,1 points, par rapport au mois précédent). Ainsi, fin septembre, plus de 16 millions de citoyens de la zone euro étaient au chômage. Pour l’ensemble de l’Union européenne, le taux de chômage a progressé à 9,7 % (contre 9,6 % le mois précédent) : plus de 23 millions d’Européens sont désormais concernés.

Taux chômage - zone euro et UE 27 - fin sept 11
Taux de chômage - UE 27 & zone euro. Source : Eurostat

L’OIT tire la sonnette d’alarme : un cercle vicieux pourrait se mettre en place

Le développement du chômage, s’il est lié aux mutations structurelles de l’économie mondiale, est aussi la conséquence d’une conjoncture économique dégradée partout dans le monde. L’Organisation internationale du travail (OIT) a tiré la sonnette d’alarme, dans son rapport 2011 sur le travail dans le monde, sur le cercle vicieux d’un « ralentissement économique [qui] pourrait entraîner une rechute pour l’emploi aggravant les inégalités et le mécontentement social, et retardant d’autant la reprise économique ». C’est ce qu’explique Raymond Torres, directeur de l’International Institute for Labour de l’OIT, dans la vidéo ci-dessous (en anglais)

L’OIT indique que « si l’on se fie à l’expérience passée, il faudra environ six mois pour que le ralentissement économique en cours affecte le marché du travail », avant de souligner dans la foulée que « cette fois-ci le ralentissement pourrait avoir des répercussions plus rapides et plus fortes sur l’emploi ». En effet :

« Après la chute de Lehman Brothers en 2008, de nombreuses entreprises  viables, s’attendant à un ralentissement temporaire de leur activité, avaient été enclines à conserver leur personnel. Aujourd’hui, après trois années de crise, l’environnement est devenu plus incertain pour les entreprises, alors que les perspectives économiques continuent de se détériorer. La préservation des  emplois pourrait par conséquent être moins fréquente ».

Quoi qu’il en soit, l’OIT considère que la dégradation est suffisamment rapide pour être hautement inquiétante :

« Un ralentissement de l’emploi a déjà commencé à poindre dans près de deux tiers des économies avancées et dans la moitié des économies  émergentes ou en développement. Dans le même temps, les jeunes continuent d’arriver sur le marché du travail ; ainsi, environ 80 millions de créations nettes d’emploi seront nécessaires au cours des deux prochaines années pour rétablir les niveaux d’emploi d’avant la crise (dont 27 millions dans les économies avancées et le reste dans les pays émergents ou en développement). Au regard de la conjoncture actuelle, l’économie mondiale ne devrait pouvoir créer que la moitié environ des emplois nécessaires. […] On estime par ailleurs que l’emploi dans les économies avancées ne reviendra aux niveaux d’avant la crise qu’en 2016 ».

Pénurie d'emplois dans le monde_estimation 2012-13
Pénurie d'emplois dans le monde_estimation 2012-13. Source : OIT

Dans le contexte de ces mauvaises augures, l’OIT estime que la situation économique et sociale pourrait se détériorer encore plus, par effet boule de neige :

« La détérioration de la conjoncture sociale et de l’emploi est en train d’affecter à son tour la croissance économique. Dans les économies avancées, la consommation des ménages – un moteur essentiel de la croissance  – est molle parce que les travailleurs sont plus pessimistes quant à leurs perspectives d’emploi et de salaire. »

Selon l’organisation internationale, ce cercle vicieux « peut être interrompu si l’on met les marchés au service de l’emploi » -c’est le titre de son rapport. Juan Somavia, directeur général du Bureau international du travail (BIT), insiste sur ce point dans  une tribune parue dans Le Figaro du 3 novembre ; une prise de position dont le titre est sans équivoque : « Crise de l’emploi : agir maintenant pour éviter une décennie perdue ». Dans cet article, il souligne que

« les chiffres du chômage ne sont qu’une facette d’une crise plus profonde. Ils masquent les millions de travailleurs occupant un emploi à temps partiel faute de mieux, celles et ceux qui repoussent leur entrée sur le marché du travail ou renoncent même à toute recherche d’emploi. Les jeunes sont les plus durement frappés : le chômage des jeunes évolue juste sous la barre des 80 millions, à un taux deux ou trois fois supérieurs à celui des adultes. »

>>> Pour en savoir + :

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