Les PME représentent plus de 80% des créations d’emploi de ces vingt dernières années. C’est donc logiquement que le Gouvernement a choisi de leur réserver le bénéfice des contrats de génération, instruments de lutte contre le chômage. L’ambition de ces contrats va bien au-delà des seuls chiffres du chômage : il s’agit de modifier le fonctionnement du marché du travail français, qui exclut de fait jeunes et seniors, et de mettre fin à la "lutte des âges". En institutionnalisant une véritable transmission des savoirs, savoir-faire et savoir être, y compris entre un chef d'entreprise senior et un jeune repreneur, le contrat de génération pourrait être une solution à un problème essentiel de l’économie française à l’heure du départ à la retraite de la génération du baby boom : la transmission d’entreprise.
La transmission est au cœur du contrat de génération, qui organisera des « actions de tutorat et de transmission des compétences » de la part du senior envers le jeune. Pour le ministre du Travail, il permettra ainsi de « changer notre regard sur le transfert et le renouvellement des compétences » et sera, en pratique, un "outil d’anticipation". Cette vidéo, réalisée pour la campagne de François Hollande, révèle bien son esprit :
"Sans transmission des compétences, on ferme l’usine !"
Nous sommes ici au cœur des problématiques de l’emploi aujourd’hui : parce que des savoirs et des savoir-faire disparaissent au fur et à mesure de l’arrivée à la retraite de la génération du Baby Boom, un chômage de masse coïncide avec l’aggravation des difficultés de recrutement. Comme les systèmes de formation n’ont pas transmis à la génération Y ces connaissances et compétences, souvent empiriques, détenues par "les anciens", les entreprises ont de plus en plus de mal à trouver les profils dont elles ont besoin. L’enquête de ManpowerGroup sur la pénurie de Talents estime qu'un tiers des recruteurs d’Europe regrettent avant tout un "manque de compétences techniques et de savoir-faire" des candidats à l’emploi ; une lacune qui prête à de sérieuses conséquences sur l’emploi : selon Pôle emploi, plus d’un tiers des employeurs français préfèrent ne pas embaucher plutôt que faire un choix « par défaut »…
Pour surmonter ces difficultés, les entreprises privilégient largement la formation de leurs salariés en place. "Sans transmission des compétences, on ferme l’usine !", alertait récemment un responsable du groupe Total qui a mis en place une politique de tutorat. « Nos métiers relèvent d’une haute technicité, ne s’apprennent pas à l’école et il n’existe aucune main d’œuvre qualifiée sur le marché du travail » : l’explication résume une problématique que bien des entreprises, de toutes tailles, connaissent.
700.000 chefs d’entreprises à la retraite d'ici 10 ans : « des talents, des savoirs disparaissent assez stupidement »
Un autre enjeu auquel le contrat de génération répond a été peu commenté : la transmission d’entreprise, notamment de très petites entreprises (TPE). Plus de 12 000 entreprises ont été cédées en 2011, ce qui correspond à presque 1,5 million d’emplois. Aujourd’hui, près de la moitié des sexagénaires dirigeants d’entreprises ont l’intention de transmettre leur entreprise dans les 2 ans à venir, un chiffre qui ne cesse de progresser (+ 13 points depuis 2006).
Cette évolution est logique : l’INSEE prévoit que quelques 700.000 chefs d’entreprises nés pendant le baby-boom partiront à la retraite dans les dix prochaines années. La transmission est donc, plus que jamais, un moteur de croissance et d’emploi. Aujourd’hui, plus de 6.000 entreprises disparaissent faute de transmission correctement anticipée. « Des talents, des savoirs disparaissent assez stupidement », déplore Laurent Benoudiz, expert-comptable et cofondateur des « Journées de la transmission d’entreprise ».
Le contrat de génération, contrat de confiance pour faciliter la transmission d’entreprise ?
En prévoyant que le patron d’une très petite entreprise (TPE) pourra être lui-même le « tuteur » du jeune, le « contrat de génération » pourrait constituer une solution intéressante à ce gâchis. Car, comme le révélait l’étude du Groupe BPCE, le manque de confiance entre l’entrepreneur et les candidats à la reprise constitue l’obstacle principal à la transmission d’entreprise. Les représentants des artisans (UPA) ont salué cette ouverture : « Cela va dans le sens que nous souhaitions, en intégrant au dispositif les chefs d'entreprise seniors des très petites entreprises en vue d'une transmission ».
La transmission n’est pas seulement vitale pour l’économie. L’enjeu est aussi individuel et affectif : pour les entrepreneurs, il ne s’agit ni plus ni moins que de la survie de leur « bébé ». Et même plus, selon le sociologue Florent Schepens :
"Quand vient le moment de passer le relais, c’est une part de sa vie qu’il transmet voire, s’il en a hérité, une partie de la vie du père […]. L’entrepreneur cherche à survivre à travers elle."
>>> Pour en savoir + :
- Télécharger l'étude "Quand les PME changent de main" de l'Observatoire BPCE (pdf)