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Il fait trop chaud pour travailler ? Le point sur les obligations de l’employeur

EURÊKA. Comment doit réagir l’employeur en cas de canicule ? Si le droit du travail impose la protection de la santé des employés, il ne précise pas le seuil à partir duquel les températures présentent un risque.

Vous avez chaud ? Pas de doute, l’été est là. Mais quand le thermomètre dépasse les 35 degrés, nombreux sont les salariés à s’interroger sur les risques liés au travail en période caniculaire. Le Code du travail prévoit-il des obligations pour les employeurs ? Les salariés peuvent-ils exercer un droit de retrait en cas de températures extrêmes ? Le point sur la réglementation en vigueur et les bonnes pratiques à adopter au bureau.

De l’eau, rien que de l’eau

Le code du travail impose à l’employeur la protection de la santé de ses salariés, c’est donc à lui d’évaluer le danger et de mettre en œuvre les mesures qui assureront la sécurité de ses collaborateurs. Selon l’article R.4221-1, l’air des locaux fermés doit être renouvelé de manière à éviter les élévations exagérées de température. Quelques précisions peuvent être trouvées dans l’article R 4213-7  : « Les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs« . Mais n’apportent finalement pas d’éléments concrets.

14848289439_dfbc1f961f_zPour les salariés travaillant en extérieur le code du travail est, lui aussi, relativement succinct et évoque une protection contre les conditions atmosphériques : mise à disposition d’abris ou locaux climatisés, création de zones d’ombre… Un impératif cependant : tous les employés doivent avoir à disposition de l’eau fraîche et potable (article R. 4225-2 et suivants). Concernant le BTP, où les ouvriers sont particulièrement exposés à la chaleur, la loi est plus spécifique et prévoit au moins trois litres d’eau par jour et par travailleur.

A partir de 33°C : danger !

Si le code du travail ne précise pas la température à partir de laquelle il devient dangereux de travailler, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) estime que la chaleur constitue un risque à partir de 28°C pour les travailleurs dont l’activité est essentiellement physique et 30°C pour les employés sédentaires… La température recommandée se situant entre 28 et 30°C.

Quand le thermomètre atteint les 33°C, l’INRS parle de forte chaleur et alerte sur les dangers potentiels pour la santé des salariés. Dans ses recommandations, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) insiste sur l’adaptation des horaires et des cadences de travail. Mais alors que faire quand la canicule s’installe ? L’INRS a publié plusieurs préconisations :

  • aménagement des horaires de travail afin d’éviter les heures les plus chaudes,
  • augmentation de la fréquence de pause de récupération,
  • rotation des tâches pour éviter une exposition continue au soleil,
  • mise à disposition d’adaptations techniques : ventilateurs, brumisateurs, stores…
  • arrêt du travail isolé pour un travail en équipe qui permet aux salarié de se « surveiller » mutuellement,
  • report des activités physiques difficile, la pénibilité d’une tâche étant un facteur aggravant.Si des missions éprouvantes doivent être effectuées, il faudra veiller à généraliser l’utilisation d’aides mécaniques à la manutention. L’INRS met aussi en garde contre les risques d’accident, la chaleur induisant une diminution de la vigilance et une hausse des temps de réaction.

Les nouveaux salariés ou intérimaires exigent une surveillance accrue de la part des managers, puisqu’il faut en moyenne huit jours pour que l’organisme s’adapte à la chaleur.

De l’importance d’informer les employés sur les risques encourus

L’Institut recommande également aux employeurs d’informer leurs salariés sur les symptômes liés à la chaleur : fatigue, sueur abondante, nausées, maux de tête, vertiges, crampes… Des troubles qui peuvent être annonceurs de déshydratation ou d’hyperthermie. Autre disposition conseillée, un rappel préventif aux salariés des bonnes habitudes à adopter : boire de l’eau régulièrement et sans attendre la sensation de soif, porter des vêtements amples, légers et de couleurs plutôt claires, se protéger la tête du soleil, signaler les sources de risques (fontaine à eau ou climatisation en panne, par exemple), adapter son rythme de travail, éteindre le matériel électrique non utilisé qui peut être source de chaleur…

Les salariés peuvent arrêter leur activité pour « motif raisonnable »

En cas de risques, les salariés peuvent exercer un droit de retrait (article L 4131-1) s’ils estiment être en situation de danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé. Ils doivent alors pouvoir prouver que cette initiative se base sur un « motif raisonnable » et l’employeur a la possibilité d’accepter ou non ce droit de retrait. En cas de refus, c’est le juge qui tranche et détermine si le motif était « raisonnable » ou non.  Mais attention ! « Le salarié doit démontrer qu’il a été soumis à des températures excessives qui l’ont mis en danger, et que son employeur n’a mis en place aucun dispositif pour lui permettre de se rafraîchir,  » explique Florent Hennequin, avocat au barreau de Paris et spécialiste en droit du travail.

Dans le cadre du plan canicule 2019, le gouvernement indique que, lorsque la température dépasse les 33 °C, et en cas de défaut prolongé du système de renouvellement d’air, les locaux doivent être évacués. Si l’employeur ne prend pas cette initiative, le retrait paraîtra alors légitime, complète Cédric Jacquelet, avocat spécialisé en droit du travail, associé du cabinet Proskauer.

L’Allemagne, exemple à suivre ?

Chez nos voisins, les règles sont plus nombreuses et plus restrictives. Dès que la température de l’environnement de travail atteint les 27°C, l’employeur est tenu de réduire le temps de travail de ses salariés. Si le thermomètre grimpe à 29°C, il devient impossible d’exiger plus de 4 heures de présence et, dès 35°C, il doit inviter ses employés à quitter les lieux… Rien ne l’empêche par contre de solliciter leur présence aux heures les plus fraîches.

Alors que les économistes français sont de plus en plus nombreux à prôner l’imitation du modèle allemand, en ces temps de fortes chaleurs, c’est sans doute au tour des salariés de l’Hexagone d’envier le droit du travail outre-Rhin.

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