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Toulouse – L’industrie française vers un écosystème de croissance et d’emploi

Plus de 700 emplois, dont 98% de CDI proposés, près de 100 entreprises, plus de 450 candidats et de 1100 entretiens : à Toulouse, la première étape de l’édition 2013 des job-datings d’Agissons pour l’Emploi a été « un succès », selon le quotidien régional La Dépêche du Midi. Le soir, un grand débat prospectif sur l’avenir de l’emploi dans la région a attiré plus de deux-cent personnes venues écouter Marc Jouenne, DRH d’Airbus France, Frédéric Toubeau, Directeur Régional de Pôle Emploi, Philippe Almansa, Directeur Emploi et Formation de l’UIMM Midi-Pyrénées, et Marc Ivaldi, professeur d’économie à la Toulouse School of Economics. Le thème de leur échange : « Le dynamisme de l’industrie aéronautique et spatiale suffira-t-il à sortir la région Midi-Pyrénées de la crise de l’emploi ? ». Un frein majeur a été identifié : la pénurie de talents dans l’industrie, conséquence notamment de la désaffection des jeunes à son égard et des difficultés de la mobilité en France. Mais les bonnes nouvelles et les exemples de bonnes pratiques n’ont pas manqué pour relever le défi des compétences, donc de la croissance et de l’emploi.


Marc Jouenne et Frédéric Toubeau
Marc Jouenne (à gauche) et Frédéric Toubeau

Le paradoxe de Toulouse se résume en une phrase : dotée de nombreux atouts qui en font le bassin d’emploi le plus dynamique de France, elle voit le chômage augmenter à un rythme quasi-identique à la moyenne nationale.

En cause, selon Frédéric Toubeau : les difficultés conjoncturelles du secteur du bâtiment et des travaux publics, et des flux migratoires trop importants pour que Toulouse puisse à elle seule les absorber. Ce dernier point devrait devenir encore plus problématique à l’avenir.

L’entreprise étendue : grande entreprise et sous-traitants ne font qu’un

La première force de Toulouse, c’est son industrie aéronautique et spatiale. Marc Ivaldi souligne le « rôle structurant d’Airbus sur marché travail » toulousain, Marc Jouenne l’illustre avec force : Airbus a recruté 10 000 salariés ces deux dernières années. Pour la France, qui représente la moitié de ces recrutements, 80% des embauches se font dans l’agglomération toulousaine. L’effet d’entraînement est puissant : comme le rappelle Philippe Almansa, les PME sous-traitantes d’Airbus ont planifié 9000 recrutements en 2012-13 pour suivre la « montée en cadence » de l’avionneur. Cet écosystème, c’est une entreprise étendue selon Marc Jouenne : Airbus et ses sous-traitants ne doivent faire qu’un.

Chaudronnier, soudeur, tourneur-fraiseur : les jeunes délaissent des spécialités à l’abri du chômage…

Le principal souci de cette « méga-entreprise étendue », ce sont les difficultés de recrutement. Avec 15000 CV reçus chaque mois et une équipe dédiée à la détection des talents, sur les réseaux sociaux notamment, Airbus n’a pas à se plaindre. Ses sous-traitants, en revanche, souffrent d’une image écornée – auprès des jeunes en particulier. Quand bien même elle embaucherait, la métallurgie est aujourd’hui associée aux fermetures d’usines. Et les clichés ont la vie dure : un « col bleu » tel qu’un chaudronnier ou un tourneur-fraiseur aurait forcément une activité épuisante, mal rémunérée, mal considérée et sans avenir. Pourtant, ce sont des métiers qui ont beaucoup évolué, à l’abri du chômage, les spécialistes sont extrêmement recherchés.

Chaudronnier

Pour faire tomber les préjugés, l’UIMM cherche à tout prix à rajeunir l’image de ses métiers. Pour la Semaine de l’industrie, l’UIMM installera par exemple un chapiteau de 600 m² sur la place du Capitole. Marc Ivaldi glisse un conseil à Philippe Almansa : « Faites connaître les salaires dans vos métiers, plus d’un sera surpris ! ». Les perspectives salariales d’un chaudronnier, par exemple, sont bien meilleures qu’on ne l’imagine souvent.

L’immobilisme français pèse sur la croissance et l’emploi

Résultat de cette désaffection : dans le secteur-phare de l’économie locale, nombreuses sont les entreprises qui éprouvent de grandes difficultés à trouver les profils qu’elles recherchent. Ce problème est général : en Midi-Pyrénées, près d’un recrutement sur deux (46%) est jugé « difficile » par les employeurs.

Agissons pour l'Emploi - Toulouse
De g. à dr. : P. Almansa, M. Ivaldi, M. Jouenne, F. Toubeau et Gil Bousquet (La Dépêche du Midi), animateur du débat

Pour surmonter ces difficultés, Toulouse doit résoudre un problème très français : l’immobilisme. « En France, on ne quitte pas les zones sinistrées pour les territoires dynamiques », déplore l’économiste Laurent Davezies dans La crise qui vient : l’attachement quasi-viscéral des Français à leur territoire d’origine a un coût économique lourd.

D’une manière générale, en France, ceux qui ont des compétences recherchées ailleurs que chez eux ont bien du mal à se « délocaliser ». Pour changer la donne, tous les intervenants du débat ont souligné l’importance – souvent négligée – de l’emploi du conjoint : quitter la région où l’on a ses attaches est déjà difficile sentimentalement, c’est mission impossible si cela entraîne le chômage de la personne que vous aimez. Pour stimuler la mobilité, Toulouse doit-elle s’inspirer du pays de Vitré ?

Les vases communicants : vers des reconversions rapides et anticipées

A l’heure d’une « Grande Transformation » où la mondialisation de l’économie et les progrès technologiques bouleversent les dynamiques d’emploi à grande vitesse, une autre mobilité devient essentielle, celle des fonctions : il faut pouvoir changer de métier sans heurt tout en capitalisant sur les compétences acquises.

Aujourd’hui, par exemple, les projets de reconversion de salariés licenciés du secteur automobile vers l’aéronautique – où les compétences nécessaires sont parfois très proches – se multiplient. Fin janvier, le Ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a annoncé, à Toulouse, que ses équipes travaillaient à l’élaboration d’une « carte des compétences » qui croisera les disponibilités avec les besoins. Philippe Almansa confirme : « les métiers sont parfois très proches » et des passerelles sont en train de se mettre en place, par exemple avec les usines de Nantes et de St Nazaire, avec Peugeot et Faurecia.

La formation occupe évidemment une place déterminante de la réussite d’une reconversion. L’année dernière, Manpower a formé près de 1 000 intérimaires pour leur permettre de se reconvertir – des agents de fabrication automobile se préparant par exemple à des postes de monteur-câbleur aéronautique. Au-delà des reconversions, Philippe Almansa insiste sur l’importance de la visibilité, pour que les sous-traitants puissent développer les compétences nécessaires pour honorer les commandes de leur donneur d’ordre. Si Airbus a développé cette visibilité vis-à-vis de ses sous-traitants de rang 1, les sous-traitants de rang 2 et 3 ont les mêmes besoins. Cette visibilité est d’autant plus nécessaire que de nouveaux métiers émergent, comme les techniciens « méthode d’assemblage », qui nécessitent de préparer des parcours de formation en amont. Aujourd’hui, pour ces nouveaux métiers, ce sont les entreprises qui créent elles-mêmes des formations qualifiantes qu’aucune école ou université ne dispense aujourd’hui.

Agiliser la formation et l’enseignement

Cette « agilité » qui permet de s’adapter rapidement aux transformations est plus que jamais indispensable, car nous ne connaissons pas encore des centaines de métiers que les mutations technologiques vont faire apparaître à l’avenir, rappelle Marc Ivaldi. Le livre blanc « Industrial Internet » de General Electric en donne un aperçu : le nouveau monde de l’emploi risque de nous prendre de court si nous n’adaptons pas nos modèles de formation.

Nouvelles activités numériques - L'Internet industriel

Pour Marc Ivaldi, les universités doivent – elles aussi – « devenir flexibles » et apprendre à adapter leur offre selon les besoins des économies locales. Pour cela, pour connaître ces besoins et adapter les programmes et méthodes de formation en conséquence, la présence d’entreprises dans les structures de gouvernance serait indispensable. La Toulouse School of Economics en a intégré des représentants dans son conseil d’administration.

Toulouse nous a montré un autre visage de l’industrie, une industrie confiante et tournée vers l’avenir où grandes entreprises, sous-traitants et acteurs de l’emploi travaillent main dans la main pour relever un défi commun : celui des compétences, donc de la croissance et de l’emploi. Prochaine étape d’Agissons pour l’Emploi, Marseille nous montrera une autre force sur laquelle la France devrait capitaliser : les PME innovantes.

La scène - Agissons pour l'Emploi Toulouse

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